« Je viens de la gâchette de l’Afrique, tu ne connais pas ce terme ? ». Face au néant de ma réponse, Al’Mata, le dessinateur de presse explique : « Si ce pays va bien, c’est toute l’Afrique qui se porte bien grâce à ses minerais ». Si cette prophétie est toujours en attente de réalisation, la République démocratique du Congo aura, malgré tout, aiguisé les crayons d’Al’Mata, aujourd’hui en France depuis 20 ans.
(Encore) étudiant à Kinshasa dans les années 2000, le dessinateur caricature déjà Mobutu et ses opposants dans les pages du célèbre quotidien Palmarès. Dans les années 1990, les caricatures, trustant régulièrement les dernières pages des Canards, ont le vent en poupe, et un vent de liberté souffle sur le Zaïre (ex RDC). Mais les larmes du chef d’état nées des crayons d’Al’Mata à la mort du roi Baudoin valent une perquisition au journal et une cavale expresse au dessinateur, qui croquera désormais sous pseudo. « Je croquais Mobutu et Kabila comme Hergé avait Tintin et le capitaine Haddock ». Et c’est vers Kabila (ex-président) que les espoirs du jeune artiste se tourne à l’époque : « On voulait du changement ». C’était sans compter sur les forces spéciales des armées.
De passage à Angoulême pour le festival de la BD avec Kadogo (enfants soldats en swahili), il est arrêté de retour au pays. S’en suivent des interrogatoires pour le dessinateur que l’on taxera de rebelle, lui, le frère d’un ex militaire et ami du chef de la rébellion. Triste coïncidence ou expérience formatrice ? Aujourd’hui, chapeauté en rouge, l’œil vif et le poignet toujours aussi agile, « l’endiablé » a rejoint l’équipe de Guiti News et n’a pas tracé son dernier trait.
Par Leila Amar