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    Chronique d’Haïti #2 : l’ex-policier «Barbecue», symbole de la gangstérisation de l’État

    Ce 22 janvier, Jimmy Cherisier, alias « Barbecue », était le fer de lance d’une manifestation contre l’injustice sociale et le kidnapping à Port-au-Prince, la capitale haïtienne. Problème ? L’homme, un ex-policier devenu un criminel notoire serait lui-même commanditaire de nombre d’enlèvements et d’assassinats, lui valant d’être activement recherché par la police. Ses liens étroits […]

    Ce 22 janvier, Jimmy Cherisier, alias « Barbecue », était le fer de lance d’une manifestation contre l’injustice sociale et le kidnapping à Port-au-Prince, la capitale haïtienne. Problème ? L’homme, un ex-policier devenu un criminel notoire serait lui-même commanditaire de nombre d’enlèvements et d’assassinats, lui valant d’être activement recherché par la police. Ses liens étroits avec le pouvoir de Jovenel Moïse, le président du pays, jettent une lumière crue sur des violences qui se seraient institutionnalisées.

    Un article d’Anderson D. Michel / Illustration : capture d’écran Youtube @Tele On montrant Jimmy Cherisier à Port-au-Prince en avril 2020.


    L’ex-policier Jimmy Cherisier, alias « Barbecue », fait bien l’objet d’un avis de recherche a tenu à marteler Garry Desrosiers, porte-parole adjoint de la Police nationale d’Haïti (PNH), lors d’une conférence de presse, ce 22 janvier.

    Il est accusé d’avoir pris part au massacre de la Saline, un quartier de Port-au-Prince, en novembre 2018, qui avait fait au moins 71 morts. Son nom apparaît à ce titre dans plusieurs rapports d’organismes de défense des droits humains et de la Mission des Nations unies pour l’appui à la Justice en Haïti (Minujusth).

    L’homme de 43 ans est également accusé d’avoir assassiné quatorze civils en novembre 2019, à Bel-Air, autre quartier populaire de la capitale. Treize d’entre elles sont décédées dans une maison, prises au piège dans un incendie criminel. Quand une autre a été égorgée.

    Une théâtralisation de justice?

    Alors qu’il fait l’objet d’un avis de recherche depuis 2019 par la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ), Jimmy Cherisier est apparu en avril 2020 supervisant la distribution des kits alimentaires pour une équipe de plusieurs agents de la police nationale à Delmas 6, quartier où il réside.

    La présence de « Barbecue » aux côtés des agents de la police nationale au moment de la distribution, « prouve clairement que ‘Barbecue’ agit en toute impunité et bénéficie de la complicité des autorités centrales de l’État », fustige Pierre Espérance, directeur exécutif du Réseau national de défense des droits de l’homme (RNDDH).

    Et d’insister : « cela illustre ce que le RNDDH a toujours dénoncé », auprès de nos confrères de Gazette Haiti .

    Une institutionnalisation des gangs armés

    « Barbecue » est le président du G9, un groupement de neuf gangs très puissants de Port-au-Prince. La création du G9, le 10 juin 2020, a été poussée par le président en place Jovenel Moïse, via la création d’une commission nationale de désarmement, de démantèlement et de réinsertion sociale (CNDDR). Elle a permis de fédérer les gangs armés les plus importants de l’île.

    Un groupement que l’intéressé présentait alors comme une sorte de think-tank sur l’avenir des quartiers et des ghettos haïtiens : « Les ghettos n’ont jamais bénéficié de rien. Nous n’avons ni écoles professionnelles, ni hôpitaux de qualité, nous sommes délaissés. (…) Nous sommes en train de travailler pour obtenir une alliance afin de faire taire les armes dans ces quartiers », pouvait-on ainsi lire dans le Nouvelliste. Et l’ex-policier de formellement nier toute relation avec le régime de Jovenel Moïse.

    Avec « Barbecue » comme président du G9, les assassinats se sont multipliés dans le pays. Selon nos informations, entre juillet 2020 et janvier 2021, près de cent citoyens haïtiens ont été tués. De même, les cas de kidnapping ont augmenté de façon exponentielle les six derniers mois. D’après plusieurs sources, ceux-ci se font dans une violence inouïe, notamment à l’encontre des femmes, victimes de viols dans 90% des cas. Un enfant a encore été enlevé cette semaine, lundi 25, alors qu’il se rendait à l’école accompagné de sa mère.

    Deux poids, deux mesures

    Le mois de janvier 2021 a été marqué par de nombreuses mobilisations exhortant notamment au départ de Jovenel Moïse, président du pays, et à la fin de la corruption en Haïti. Celles-ci ont toujours été dispersées par la police, à coup de gaz lacrymogène. Un ex-sénateur a même été arrêté.

    Le même traitement n’est pas réservé lorsque Cherisier et ses hommes décident de battre le pavé. Pour preuve, ce 22 janvier « Barbecue », en toute impunité, alors qu’il est encore activement recherché, était à la tête d’une manifestation. Son but ? Dire non au kidnapping, à l’insécurité et à la cherté de la vie.

    « Barbecue » est ainsi devenu le symbole de la gangstérisation de l’Etat. Tragiquement, il est loin d’être le seul. A l’instar du « Christ », qui opère à Fontamara, quartier populaire de la capitale, également membre du G9.

    Le mandat de Jovenel Moïse doit prendre fin dans une dizaine de jours, le 7 février 2021. Nombre de citoyens ne redoutant qu’il s’accroche à son siège – chose qu’il a déjà promise-, ils s’organisent en ligne pour le pousser vers la sortie. Avec un challenge, où tour à tour ils citent la Constitution pour rappeler que le 7 février sonne bien la fin de son mandat présidentiel. Les entendra-t-il ?

    
    
    
    
    

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