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    Crise climatique : 143 millions de réfugiés d’ici 2050

    Si la sensibilisation aux problématiques environnementales est, aujourd'hui, très médiatisée, l’acception d’une personne réfugiée, encadrée juridiquement par la Convention de Genève (1951), ne prend pas en compte ces nouveaux exilés. Selon la Banque Mondiale, ils seront, pourtant, 143 millions à chercher un nouvel asile d’ici 2050 à cause de catastrophes naturelles, de famine ou de maladie.

    Un article de Mana Shamshiri, Melis Omalar and Alexandre Châtel originellement écrit en anglais / Traduction et adaptation : Alexandre Châtel et Justine Segui / Photos : CC Nations-Unies.


    « Je suis comme ceux qui fuient la guerre. Ceux qui ont peur de mourir », confiait Loane Teitiota à nos confrères de la BBC en 2015. Originaire de l’archipel des Kiribati en Océanie, il aurait pu devenir le premier réfugié climatique au monde.

    En 2015, il dépose une demande d’asile en Nouvelle-Zélande, alors que le niveau de la mer monte dangereusement sur son île. Ni le tribunal d’immigration et de la protection du pays, ni la Cour d’Appel et la Cour Suprême ne retiennent sa demande.

    Entre inondations, pollution de l’eau et apparition de nouvelles maladies, Loane Teitiota arguait que Kiribati devenait inhabitable.

    Selon l’agence des Nations unies pour les réfugiés (UN-HCR), le cas de Loane Teitiota illustre bien de nouveaux enjeux : « Cela ouvre la porte à une analyse et à un examen accrus des besoins de protection internationale dans de tels cas », argue l’institution.

    Tandis que la crise climatique est déjà responsable de 150 000 décès par an d’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le droit international ne reconnaît pas ces nouveaux réfugiés.

    Le réchauffement climatique, principale cause de migrations nouvelles

    Le réchauffement climatique, phénomène créé par la diffusion trop importante de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, constitue la principale cause de ces nouvelles migrations. Durant les accords de Paris pour le climat en 2015, les chefs d’États se sont engagés à inverser la tendance. Quelque 195 pays sur les 197 que reconnaît l’ONU ont ainsi signé ou se sont engagés à signer l’accord, à l’instar de la France, de la Chine ou de l’Allemagne.

    Alors que les quatre dernières années ont été les plus chaudes de l’histoire de l’humanité, le dessein affiché est de ne pas dépasser les 2°C dans la température océanique et atmosphérique. Un seuil qui pourrait causer de conséquents bouleversements : catastrophes naturelles, stérilisation des terres, sécheresses ou encore pandémies.

    Depuis 2015, les degrés continuent de grimper : l’indice mondial de température terre-océan atteignait, en 2020, 1°C contre 0,4°C en 2000 et 0,3°C en 1980.

    D’après les prédictions de la Banque mondiale, la crise climatique sera ainsi productrice de 143 millions de réfugiés d’ici à 2050. Originaires d’Afrique subsaharienne, d’Asie du Sud ou d’Amérique latine, des populations entières seront ainsi contraintes à l’exil.

    Le terme “réfugié climatique” (ou “réfugié environnemental”) englobe toute personne forcée de fuir sa ville ou son pays « dans le contexte de désastres naturels et de changements climatiques ». « Pour des raisons impérieuses de changements soudains ou progressifs de l’environnement qui ont un effet négatif sur leur vie ou leurs conditions de vie sont obligés de quitter leur domicile habituel ou choisissent de le faire, que ce soit de manière temporaire ou permanente, et qui se déplacent soit à l’intérieur de leur pays, soit à l’étranger», complète l’OMS.

    Fonte des calottes glaciaires, Groenland, © United Nations Photo, 25.04.2014.

    33 millions de personnes mortes prématurément du fait de la pollution de l’air

    Si les réfugiés climatiques commencent tout juste à faire leur place dans le débat public, des pertes humaines sont déjà à dénombrer : « Depuis 2015, 33 millions de personnes sont mortes prématurément à cause de la pollution de l’air. En 2019, près de 500 000 enfants n’ont pas dépassé un mois d’existence, tués par la pollution de l’air », explique le média anglais Ecologist. Soit un quart des décès prématurés et des maladies à travers le monde, selon un rapport sur l’état de la planète publié par l’ONU en 2019.

    Inondations, sécheresses, vagues de chaleur – ce sont notamment les pays dits en développement qui sont le plus affectés et détruits par ces désastres naturels. D’après l’Index de Risque Climatique, le Mozambique (sud de l’Afrique), le Zimbabwe (Afrique australe), et les Bahamas (au nord de la mer des Caraïbes), constituaient les zones les plus touchées en 2019.

    Sur un durée de vingt ans (1999-2018), ce sont Porto Rico (territoire des États-Unis dans les Grandes Antilles), Myanmar (pays d’Asie du Sud-Est continental) et Haïti, État des Grandes Antilles, qui ont été particulièrement impactés.

    Le Rapport de Germanwatch sur l’Indice mondial des risques climatiques de 2021 révèle qu’entre 2000 et 2019 seulement, plus de 475 000 personnes ont perdu la vie dans l’un des 11 000 événements météorologiques extrêmes (quand les événements climatiques dépassent les capacités de réaction de la société ndlr). Avec des dégâts se chiffrant à 2 140 milliards d’euros.

    Une question de droit

    C’est la Convention de Genève de 1951, signée par la France, qui définit la notion de réfugié. Elle établit que toute personne se trouvant hors du pays dont elle a la nationalité et qui craint, avec raison, d’y être persécutée du fait « de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques » est éligible au statut de réfugié.

    Le refuge climatique n’est pas pris en compte. C’est là « une tentative collective et plutôt réussi d’ignorer le problème jusqu’à présent. Il n’y a pas de “foyer” pour les déplacés climatiques au sein de la communauté internationale, au sens propre comme au sens figuré », fustige ainsi Oli Brown, auteur du rapport sur la Migration et le Changement Climatique, publié en 2008 par l’OIM, l’organisation internationale pour la migration.

    Pour rappel, la reconnaissance du statut de réfugié permet à la personne concernée de jouir d’un titre de séjour valable dix ans en France, l’autorisant à travailler et vivre dans le pays sans crainte.

    Après l’ouragan Matthew, Haïti, © United Nations Photo, 04.10.2016.

    Enjeux et clivages politiques

    En Europe et en France notamment, le sentiment anti-immigration continue d’augmenter pour se manifester. Quelque 53% des français estiment ainsi que le nombre d’immigrés est trop élevé et seuls 14% des sondés considèrent que l’immigration a un impact positif, d’après un sondage Ipsos en 2017. Le débat sur la migration climatique est, de fait, polarisé. D’un côté, plusieurs responsables politiques posent que le refuge climatique n’est pas la réponse appropriée, puisqu’elle n’est pas encore reconnue par la Convention de Genève. Ces derniers estiment ainsi que la terminologie “réfugiés climatiques” n’est pas encore pertinente, tant elle fait majoritairement référence à des déplacements internes, sur de courtes distances.

    De l’autre côté, un nombre croissant d’experts argue qu’il faut mettre la migration climatique en perspective avec d’autres enjeux. Pour François Gemenne, Chercheur à l’université de Liège et enseignant à Sciences-Po, c’est une réalité qui est bien présente et à laquelle il faut faire face. « Il est fallacieux de présenter les migrations et déplacements liés au changement climatique comme un risque futur. C’est déjà une réalité, qui demande à la fois l’examen des chercheurs, l’attention des médias et des réponses politiques », explique-t-il dans le rapport de l’association Forum réfugiés-Cosi sur l’asile et sur le sort des réfugiés climatiques, sorti en 2020.

    L’Etat de Kiribati est particulièrement touché par la crise climatique. © United Nations Photo, 04.09.2011.

    Plaidoyer pour une action collective

    L’environnement et sa dégradation constituent une source de conflit politique évident : les effets du changement climatique continueront d’accroître la concurrence pour des ressources rares telles que la terre, la nourriture et l’eau.

    Impossible donc, clament-ils, de dissocier réalités écologiques et enjeux économiques et sociaux. Ces dynamiques vont de pair : une famille qui a perdu sa maison et son terrain à cause d’une inondation ne fait pas simplement face à un enjeu environnemental, mais aussi à une précarité économique et sociale.

    Avec cet article, Guiti News initie un cycle sur les réfugiés climatiques, afin d’en explorer et d’analyser les différentes intrications légales, sociales, économiques, humaines et psychologiques. Si vous êtes réfugié climatique ou que vous avez été touchés par des catastrophes naturelles, n’hésitez pas à écrire à la rédaction (via le formulaire de contact).

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