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    Chronique d’Haïti #5 : des policiers envoyés à la boucherie à Village-de-Dieu

    Ce vendredi 12 mars à Village-de-Dieu, un quartier de la capitale Port-au-Prince, plusieurs policiers de l'unité spécialisée SWAT team ont été tués par les bandits armés du groupe ‘’5 segonn" lors d’une opération anti-gangs.

    Un article d’Anderson D. Michel / Illustration : capture d’écran d’une vidéo, publiée par le gang « 5 segonn », le vendredi 12 mars, après l’attaque de Village-de-Dieu


    Située à environ trente minutes du Palais national (ex-palais présidentiel), Village-de-Dieu est une zone réputée comme extrêmement dangereuse de la capitale. Elle abrite le gang “5 segonn” dirigé par Izo, un criminel très recherché par la justice haïtienne.

    Ce quartier sert également de planque aux ravisseurs. Léon Charles, directeur général de la police nationale, le confirme : “Village-de-Dieu est un endroit où l’on mène la majorité des personnes qui ont été kidnappées à Port-au-Prince.”

    Rapport de l’ONU sur l’insécurité en Haïti

    Dans son dernier rapport en date du 11 février 2021, devant le Conseil de sécurité de l’organisation des nations unies, le secrétaire général de l’ONU a déclaré que “ pendant ces 12 derniers mois, les enlèvements ont augmenté de façon inquiétante jusqu’à atteindre 200% par rapport à l’année 2020. 234 cas ont été signalés en 2020 (dont les enlèvements de 59 femmes et 37 mineurs), contre 78 en 2019 »,selon le rapport présenté par ce dernier. 

    Les homicides sont devenus plus fréquents : 1380 cas signalés par la police, soit une augmentation de 20 % en 2020 par rapport à l’année précédente.

    Selon l’ONU, le nombre de cas de violences basées sur le genre enregistrés par le système national de santé a diminué de 7,3 % de septembre à novembre par rapport au trimestre précédent, faisant 424 victimes (182 femmes, 53 hommes, 146 filles et 43 garçons).

    Indignation totale pour la police nationale

     Suite à un conseil des ministres au Palais national le 10 mars dernier, des décisions ont été prises pour que la paix et la sérénité reviennent dans certains quartiers dangereux.

    Deux jours plus tard, une équipe de douze policiers de l’unité spécialisée SWAT team a été envoyée pour neutraliser le groupe “5 segonn” à Village-de-Dieu, avec un équipement conséquent de deux véhicules blindés et de plusieurs munitions, parmi lesquelles une M60, qui a ensuite été récupérée par le gang “5 segonn”.

    Après être rentrés dans le quartier, les policiers ont été pris dans un guet-apens. Les criminels ont creusé plusieurs trous pour immobiliser les véhicules blindés, avant de mettre le feu à l’un des deux véhicules.  

    Les policiers présents ont vainement tenté de demander du renfort pendant des heures auprès des responsables de la police nationale. Ce manque de soutien a coûté la vie à quatre policiers, huit sont gravement blessés selon le bilan qui a été fait par le directeur de la police nationale sur l’opération.

    Les corps des agents de SWAT team n’ont pas été récupérés.

    Dans une vidéo publiée par le groupe “5 segonn” sur les réseaux sociaux, l’on peut voir les corps des agents du SWAT mutilés. 

    Izo, le chef de gang a acheté des cercueils pour enterrer leurs corps au Village-de-Dieu.

    Les parents des victimes sont inconsolables du fait de ne pas pouvoir récupérer le corps de leur proche pour les enterrer dignement.  

    La réaction du président Jovenel Moïse

    Après cette intervention policière, le président Jovenel Moïse a fait un live sur les réseaux pour dire sa colère et son émotion. Surtout, il a continué à faire sa campagne politique avec des promesses non tenues. Parmi elles : rétablir le courant 24h sur 24h en 24 en deux ans et la construction de 1000 kilomètres de route par an.

    Il a mentionné les cargaisons d’armes illégales qui entrent dans le pays en provenance des Etats-Unis, et dit vouloir dialoguer avec les autorités américaines pour freiner ce trafic.

    Certains politiques accusent le pouvoir

    Le sénateur Patrice Dumont a qualifié le discours du président de « cinéma » et invité les policiers à se rebeller par rapport à ce système corrompu.

    Me.André Michel, membre actif de l’opposition a donné les quatres raisons selon lui qui expliquent l’échec de l’opération menée par la police à Village-de-Dieu :

    1- La police n’a pas assez d’informations sur ce qui se passe au sein des bandits.

    2- Le pouvoir a informé les bandits sur ce que veut faire la police.

    3- Le pouvoir a mieux équipé les bandits par rapport à la police. 

    4- L’incompétence du directeur général de la  police et du conseil supérieur de la police nationale (CSPN). 

    Le directeur général de RNDDH dénonce.

    Pierre Espérance, le directeur exécutif du Réseau national de défense des droits humains(RNDDH), dénonce également le pouvoir qui selon lui a fourni des armes aux bandits pour augmenter l’insécurité en Haïti. 

    Les bandits au village de Dieu ont été informés de  l’opération que la police allait faire, et ce qui s’est produit au village de Dieu c’est ce qu’a fait ce gouvernement depuis 2017, banaliser la vie des gens”, ajoute Pierre Espérance.

    Il dénonce également le fait que les responsables de la police n’ont pas réagi après des heures de demande de renforts que les policiers présents sur le lieu de l’opération ont effectué.

    Pour finir, le directeur exécutif de RNDDH critique le fait que le président et le directeur général de la police nationale n’ont annoncé aucune mesure ni sanction par rapport à cet événement. 

    Un policier explique l’échec de l’opération.

    Lionel Lazarre, un policier de l’unité Brigade d’intervention motorisée(BIM), a pour sa part déclaré qu’un inspecteur général de la police aurait saboté l’opération  en donnant des contre ordres aux policiers qui étaient au village de Dieu  pour l’opération.

    Selon lui, un drone contrôlait chaque périmètre du Village de Dieu, et cet inspecteur général devait communiquer les obstacles repérant à travers les images du drone à l’équipe sur place, or malgré le fait qu’il ait vu les trous creusés par les bandit grâce au drone, l’inspecteur général aurait communiqué à l’équipe d’avancer en direction de l’obstacle.

    Cet  inspecteur est entre les mains de l’inspection générale pour expliquer les motifs qui l’ont poussé à faire cela, selon Lionel Lazarre.

    Le bilan est lourd : parmi les 12 policiers qui ont participé à l’opération 5 ont été tués. 

    Des mesures avaient été prises  par le premier ministre Joseph Jouthe pour diminuer le phénomène d’insécurité et les enlèvements contre rançon. Parmi elles, il a demandé à tous les propriétaires de véhicules aux vitres teintées de les retirer dès le 6 mars 2021.

    Malheureusement cela n’a fait qu’augmenter les kidnappings et les cas d’assassinat.  Le pays est à la merci  des bandits armés et l’Etat affirme chaque jour son impuissance face à cette crise.

    Retrouvez ici les trois chroniques précédentes sur Haïti écrites par Anderson D. Michel.

    La création d’une agence de renseignement, dernier exemple de l’autoritarisme de l’exécutif

    L’ex-policier «Barbecue», symbole de la gangstérisation de l’État

    Vers une crise politico-sociale hors norme

    
    
    
    
    

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