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    [Festival d’Avignon] « Dispak Dispac’h » : rencontre avec Stéphane Ravacley

    « On parle des drames survenus en mer, et puis une nouvelle information arrive. Alors, on passe à autre chose. Or, le théâtre permet d’inscrire l’information de façon durable ». Stéphane Ravacley, activiste des droits humains et boulanger, est à l'affiche de la pièce « Dispak Dispac’h » jouée au festival d’Avignon. Mise en scène par Patricia Allio, elle donne la parole aux acteurs associatifs et aux principaux concernés, pour fustiger la violation des droits fondamentaux, mais aussi offrir des pistes de réflexion.

    "Dispak Dispac'h" de Patricia Allio. Photo : Christophe Raynaud de Lage

    Propulsé sur le devant de scène médiatique en 2021 après avoir entamé une grève de la faim pour empêcher l’expulsion de Laye Fodé Traoré, alors apprenti dans sa boulangerie, Stéphane Ravacley est depuis devenu une figure de la lutte pour les droits des personnes en exil.

    À l’occasion de la 77e édition du festival d’Avignon, il s’est produit dans « Dispak Dispac’h », de Patricia Allio. La pièce est inspirée d’un réquisitoire implacable du Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigrés) lors d’une session du tribunal permanent des peuples. Pour mettre en lumière comment, entre les conditions de vie dans les campements ou les pushbacks, le vieux continent a bafoué les droits fondamentaux des personnes.

    Mais, loin de se résigner, la pièce participative de Patricia Allio met aussi en lumière des résistances et des alternatives, par le témoignage de quatre citoyens engagés de la société civile. Stéphane Ravacley est l’un d’eux.

    Quelle a été la genèse de votre implication dans ce projet ?

    J’ai reçu une lettre personnelle de Patricia Allio. Elle y expliquait son envie de me voir rejoindre le projet, de rassembler des comédiens, des acteurs associatifs ou de la société civile, ainsi que des personnes exilées. D’abord, j’ai rencontré Elise Marie (comédienne et codramaturge de la pièce – NDLR). Nous sommes restés ensemble deux ou trois heures dans un café et elle m’a expliqué sa façon de travailler. Je devais seulement parler de mon combat. Je ne devais ni danser ni avoir une interaction avec les autres personnages.

    Au départ, ce devait un monologue, voire un « question-réponse » avec Patricia. Puis, lors des répétitions, j’ai rencontré le comédien Bernardo Montet, qui voulait absolument danser avec moi. Je ne suis pas acteur, mais j’avais confiance. Je savais qu’il ne voulait pas me ridiculiser.

    Finalement, c’est plutôt lui qui a suivi mon corps.

    J’ai pris énormément de plaisir à jouer ce spectacle. Je suis prêt à les suivre à travers la France et le monde avec une pièce comme celle-ci !

    Selon vous, pourquoi le théâtre constitue-t-il un bon support pour parler d’exil ?

    Parce qu’on ne s’y attend pas.

    Au quotidien, l’information nous parvient au travers de la radio, des journaux télévisés, mais il y a un côté déshumanisant. On parle des drames survenus en mer, et puis une nouvelle information arrive. Alors, on passe à autre chose.

    Or, le théâtre permet d’inscrire l’information de façon durable. Pendant une séquence théâtrale, on peut parler symboliquement et avec beauté d’un tel sujet.

    Dans « Dispak Dispac’h », on retrouve des instants gracieux et sublimes, malgré la dureté du sujet. Comme on ne s’y attend pas, on se laisse cueillir. Cela rentre plus profondément en nous.

    Stéphane Ravacley dans "Dispak Dispac'h". Photo : Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon
    Stéphane Ravacley dans « Dispak Dispac’h ». Photo : Christophe Raynaud de Lage / Festival d’Avignon

    Vous avez été sensibilisé aux questions de l’exil par la rencontre avec Laye Fodé Traoré, apprenti dans votre boulangerie, qui risquait l’expulsion à sa majorité. Est-ce votre grève de la faim pour réclamer sa régularisation qui est à l’initiative de votre implication politique ? 

    Oui, complètement. Je me suis rendu compte que les législateurs n’avaient pas fait leur travail jusqu’au bout. C’est-à-dire qu’on garde des gamins de 16 à 18 ans par le biais de l’ASE (Aide sociale à l’enfance), pour finalement les rejeter à leur majorité.

    Ça n’a aucun sens. Pourquoi les renvoyer chez eux, alors qu’ils sont intégrés chez nous dans des entreprises qui ont cru en eux ? Même simplement financièrement… Cela n’a pas de sens de mettre de l’argent pour les accueillir, les intégrer puis de les renvoyer !

    Avez-vous appris des choses en jouant dans cette pièce ?

    Bien sûr ! Quand Marie-Christine Vergiat – ex-députée européenne et vice-présidente de la Ligue des droits de l’homme NDLR – , prend la parole et qu’elle énonce les lois internationales, moi je suis un quidam ! J’en apprends beaucoup. Je suis une personne basique et je ne connaissais évidemment pas toutes ces lois.

    Quand on se rend compte que l’Europe ou la France sont condamnés régulièrement parce qu’ils sont hors-la-loi, c’est un peu problématique. Cela interroge. Les témoins comme David, originaire de Somalie, nous donnent également à apprendre avec la restitution de leur récit personnel.

    Comment a été reçu le spectacle par le public ?

    Nous n’avons pas eu une mauvaise réception. Au contraire. On a eu de très bons retours, dans la presse ou ailleurs. Peut-être parce qu’il s’agit du Festival d’Avignon ?

    Fait étrange : on a eu une grande demande de câlins et d’étreintes ! Une jeune femme belge très jeune m’a reconnu dans la rue et a pleuré plusieurs minutes sur mon épaule.

    Des hommes politiques sont également venus me voir pour me dire qu’ils ne savaient pas ou ne connaissaient pas toutes ces histoires. Me dire aussi qu’ils ne m’attendaient pas dans ce rôle-là.

    C’est une pièce qui a aussi commencé avec Mortaza Behboudi, journaliste franco-afghan et détenu arbitrairement depuis janvier dernier par les talibans. Comment la troupe a fait face à ce bouleversement ?

    Nous avions fait la première tournée en Bretagne ensemble. Mortaza, c’est un personnage : on ne peut pas le louper. Soit on l’aime, soit on ne l’aime pas.

    Désormais, on fait jouer son enregistrement vocal dans la pièce. Parfois, je me dis : « il est là ». Mais rapidement, mon cerveau me ramène à la triste réalité de sa détention. Il manque à tout le monde.

    « Dispak Dispac’h » se jouera les 4 et 5 octobre 2023 à La Criée Théâtre national de Marseille ; du 21 au 31 mars 2024 au Théâtre Silvia Monfort (Paris) ; du 9 au 13 avril 2024 au Théâtre national de Bretagne (Rennes) ; les 17 et 18 avril 2024 à la Comédie de Caen.

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