À Samos, d’un camp à l’autre : zoom sur la mobilisation des résidents
Un camp entouré de barbelés, avec miradors, caméras, portes magnétiques et scanners à rayon X. Nous étions ce 20 septembre à Zervou, sur l'île de Samos en Grèce, pour le transfert de personnes réfugiées et en demande d'asile, dans un nouveau centre de réception et d'accueil. Deux manifestations se sont tenues au centre-ville de Zervou pour dénoncer son caractère "carcéral". Récit de ces mobilisations.
Un article de Laëtitia Romain, notre correspondante sur place/ Photos DR
Ce 20 septembre au matin, les résidents du camp de Vathy, sur l’île de Samos, ont commencé à être transféré en bus vers le nouveau centre de réception et d’accueil « contrôlé et fermé ». Deux caractéristiques confirmées à la presse lors de son inauguration deux jours auparavant.
Les transferts ont été précédés par le départ en urgence, au milieu de la nuit, d’une dizaine de mineurs non accompagnés. Ceux-ci se trouvaient à proximité de la zone où s’est déclaré ce week-end un incendie, touchant une partie de la « jungle » – campement informel jouxtant le camp initial de Vathy. Les résidents du camp se sont regroupés sur le parking lui faisant face, avec sacs et valises pour ceux qui étaient chez eux au moment de l’alerte, les mains vides pour ceux qui se trouvaient en extérieur.
Selon nos informations, aucun blessé n’est à déclarer.
Zoom sur un «nouveau modèle» de camp
La dernière nuit du camp de Vathy a été mouvementée. Un stress supplémentaire pour les personnes exilées, inquiètes à l’idée de se retrouver dans un camp dont « tout le monde pense qu’il pourrait être comme une prison ».
Si le ministère grec des migrations s’est enthousiasmé d’une installation moderne, d’un «nouveau modèle » de camp, résidents et associations disent, quant à eux, leur inquiétude. Ce 20 septembre, à leur arrivée dans le nouveau centre de réception et d’accueil, ils ont été alignés en rang, avant d’être fouillés par les forces de l’ordre. Des badges électroniques leur ont ensuite été remis, et les règles rappelées. Le couvre-feu est instauré à 20 heures. Pas d’allées et venues dans la nuit. Tout manquement sera assorti d’une sanction disciplinaire.
Ce nouveau camp de plus de 14 000 mètres carrés, conçu pour contenir une population de 3.000 personnes est hautement sécurisé. Circonscrit de barbelés, assorti de miradors et de caméras, il possède également des scanners à rayon X.
Un espace de parole pour les personnes en exil
Entendant profiter de la présence des médias lors de l’inauguration officielle du centre, des manifestations se sont tenues ces 18 et 19 septembre pour mettre en lumière les conséquences d’isolement des personnes, expliquent les associations. Manifestations portées par un groupe hétéroclite d’individus constitué de résidents du camp de Vathy, de locaux et de bénévoles européens.
Le but ? Offrir un espace de parole aux premiers concernés pour exprimer leur sentiment. Des performances artistiques ont également ponctuées ces deux jours de mobilisation, notamment notamment en coordination avec un centre d’accueil pour les femmes.
« Je veux juste des papiers »
Un certain nombre de résidents de l’ex-Vathy a témoigné, et parmi eux des enfants. Dont Raz, 12 ans. « Cela fait cinq ans que je vis ici, avec mes parents et mon petit frère. J’aime la Grèce, mais je ne veux pas être dans un camp fermé. Je veux juste des papiers, obtenir le droit de résidence ».
Également croisé à la manifestation, Forutan, corrobore, martelant que l’exil n’est pas un choix. Et d’interpeler les citoyens européens : « Donnez-nous une chance ! Chaque réfugié a du talent ».
Légèrement en retrait, Soraya*, nous dit en aparté, sa fatigue d’une situation qui dure depuis plusieurs années. Elle craint de ne pas voir cela s’améliorer dans le nouveau camp : « Je me sens vraiment mal à l’idée d’y aller. En Afghanistan, on peut être tués d’un jour à l’autre. Ici, c’est comme si on nous tuait lentement, jour après jour. […] On ne vit pas, on survit ».
Ce rassemblement a également été l’occasion de dévoiler un court-métrage documentaire produit par Ahmad Ibrahim, syro-palestinien ayant récemment reçu son statut de réfugié, et Simone Van Den Akker, bénévole néerlandaise travaillant à Samos depuis près d’un an.
« Montrer combien notre vie n’est pas considérée »
« Raconter au monde ce qu’il se passe ici, ce qui est fait aux réfugiés. Montrer comment notre vie n’est pas considérée ».
C’est d’abord mû par cette envie qu’Ahmad Ibrahim a tenu à réaliser ce film. Donner une voix aux personnes directement touchées par la situation représente également, à ses yeux, un enjeu politique.
Suite à la projection de son film le week-end dernier, Ahmad Ibrahim est mitigé. « Je ne sais pas quoi dire, je suis partagé… J’étais fier parce que je pouvais faire entendre leur voix, mais tellement triste de ne pas pouvoir faire plus ».
Plus loin dans la manifestation, un groupe de jeunes hommes propose une performance. Sorte de mise en scène de leur ressenti quant à la privation de liberté. Alignés, dans une posture accablée, d’abord agenouillés, tête baissée et main menottées derrière le dos, puis allongés, visages contre le sol.
Les mobilisations se sont achevées au rythme de chants de résistance afghane. Dans une quiétude angoissée.
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