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    A Cuba, le futsal comme refuge pour les exilés

    Insularité, distance avec leur pays d’origine, rationnement, attente… Pour les réfugiés afghans et syriens en exil à Cuba, l’île n’a rien de l’eldorado promis. Pour eux, le futsal, un sport dérivé du football, constitue une réelle échappatoire, pour oublier le temps d’un match, les épreuves de l’exil.

    « L’objectif est de valoriser la solidarité cubaine avec les étrangers et les réfugiés », insiste l’organisateur Mario, ici debout dans son t-shirt blanc.

    La Havane. C’est entre le quartier de Vedado et la gare routière nationale, près du coeur de la capitale, que se trouve le petit gymnase Dauza. Les gradins, aux couleurs vives orange et rouge, surplombent un terrain, homologué pour le handball. Mais aujourd’hui, pas de passes à la main au programme. Les lieux ont été investis pour un tournoi de futsal, ce sport dérivé du foot qui se joue à cinq contre cinq, en intérieur.

    Cinq équipes participent à la rencontre. La première est composée de Palestiniens, la deuxième d’Angolais, la troisième d’étudiants cubains, la suivante regroupe plusieurs nationalités présentes sur l’île. La dernière, quant à elle, rassemble des hommes réfugiés venus d’Afghanistan ou de Syrie. Ils sont tous là pour la même raison: participer à la première édition de la Copa Esperanza del Mundo [Coupe du Monde Espoirs, ndlr], organisée en l’honneur des 500 ans pour la solidarité des peuples à la Havane.

    Valoriser la solidarité cubaine

    Il est 9h30 lorsque la compétition, exclusivement réservée aux hommes, prend place dans le gymnase de haut plafond : l’équipe de la Palestine affronte l’équipe d’étudiants cubains. Le gymnase n’est pas équipé de climatisation mais on entend résonner, sur les enceintes, My heart will go on de Céline Dion et quelques titres de salsa cubaine.

    Mario, un Argentin d’une trentaine d’années, est l’organisateur de la compétition. Il est très accueillant et parle volontiers du tournoi. «L’objectif est de valoriser la solidarité cubaine avec les étrangers et les réfugiés. » Aux dires des autres joueurs de football, Mario est très investi dans le sport et organise régulièrement des activités avec les jeunes de l’île des Caraïbes.

    « Il n’y a pas de travail pour les cubains. Imaginez pour nous… »

    Fajer, membre de l’équipe des réfugiés, est un Syrien de 26 ans. Il a quitté son pays en 2011 pour étudier à La Havane dans le but de devenir un jour dentiste. Huit ans plus tard, malgré son diplôme en poche, il peine à exercer son activité convenablement. Pourtant, il dit apprécier Cuba et sa population chaleureuse. Mais n’ayant pas de papiers lui permettant de travailler comme un cubain, il ne touche que l’équivalent de 44 dollars par mois en exerçant sa profession auprès de ses connaissances.

    Fajer ne peut cependant pas retourner en Syrie car « c’est trop dangereux et c’est la guerre. » Il assure « qu’ici il se sent vraiment en sécurité, les gens sont très accueillants et nous respectent. Mais le problème c’est qu’il n’y a pas de travail pour les cubains, alors imaginez pour nous. La pénurie de nourriture, la défaillance des transports ou l’épreuve constante pour se connecter à internet, rendent le quotidien très difficile », insiste-t-il.

    L’inaction du HCR pointée du doigt

    Le jeune homme syrien dénonce le silence du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) depuis le renouvellement de sa demande pour quitter Cuba, il y a maintenant 9 mois. L’Etat cubain, n’étant pas signataire de la Convention de Genève, il n’octroie pas de statut de réfugié. Ce rôle revient au HCR qui lui apporte également une aide financière chaque mois.

    Cependant, Cuba semble être une étape intermédiaire par laquelle les réfugiés passent avant d’être redirigés dans un autre pays. N’étant pas épargnés par les délais longs et l’attente, un même sentiment d’isolement est ressenti par les autres réfugiés venus jouer ce jour-là.

    Le gymnase Dauza en pleine ébullition pendant le tournoi de futsal hommes.

    Le futsal, pour préserver la santé mentale

    L’insularité, la distance avec leur pays d’origine, l’étroite communauté de réfugiés à Cuba les poussent tous à essayer d’obtenir un visa pour un autre pays. C’était le cas de Mansour, afghan et âgé de 32 ans, avant qu’il en obtienne un pour la France il y a quelques semaines. Souriant et chaleureux, l’homme originaire de la ville d’Erate en Afghanistan, parle un espagnol parfait.

    À Cuba depuis quatre ans il explique que dans son pays « Ils [les détenteurs du pouvoir] nous tuent avec des armes, mais ici c’est plutôt avec le manque et le rationnement». Pour lui aussi la situation est difficile. Heureusement que le futsal, vécu quotidiennement comme vecteur de lien social, lui permet de s’échapper et d’oublier la situation compliquée dans laquelle il est. Il reconnaît que s’investir dans un sport collectif lui permet de garder un ancrage dans la réalité et de préserver sa santé mentale.

    « Cuba n’est que le paradis des touristes »

    Hassan, jeune palestinien de 21 ans, ne se considère pas comme réfugié. Aujourd’hui, comme tous les autres membres de son équipe, il porte un maillot où figure le territoire de la Palestine rempli des couleurs de leur drapeau. Le jeune homme a quitté Gaza, sa ville natale il y a quelques années pour venir étudier à Cuba. Diplômé de trois années de médecine, il joue aussi au futsal depuis quinze ans maintenant.  

    « Mon équipe a gagné un match mais a perdu le deuxième », m’avoue-t-il d’un air déterminé. Même s’il admet bien facilement que jouer sous cette chaleur est très difficile, cela n’empêchera certainement pas son équipe d’atteindre la finale.

    Habituellement les trois hommes se retrouvent minimum deux fois par semaines dans un autre stade non loin de celui-ci en fin de journée lorsque la température le permet. « Il n’y a pas grand chose d’autre à faire ici pour nous » s’accordent-ils à dire. « L’ONU doit le comprendre, nous ne pouvons pas espérer ici un futur stable et viable. Cuba n’est que le paradis des touristes qui ne font que profiter du charme de l’île pendant quelques semaines. » conclut Fajer.

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