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    Chroniques d’Haiti #6 : les enlèvements comme système de gouvernance

    L’enlèvement de sept religieux catholiques ce dimanche 11 avril, parmi lesquels deux français, a eu un retentissement médiatique mondial. Dans ses précédentes chroniques d’Haïti, Anderson D. Michel, journaliste spécialiste de la région, mettait déjà en lumière la recrudescence de la pratique du kidnapping contre rançon, symbole de la dérive du pouvoir. L’île caribéenne traverse une crise politico-sociale hors norme, tandis que 60% de la population vit sous le seuil de pauvreté d’après la Banque mondiale.

    Un article d’Anderson D. Michel / Illustration : capture d’écran d’une vidéo Facebook / Radio écoute FM montrant le pasteur Audalus Estimé avant son rapt. (01/04/21)


    200 %. C’est le taux exponentiel d’augmentation des cas d’enlèvements contre rançon survenus ces douze derniers mois en Haïti, d’après le rapport des Nations Unies sur l’insécurité dans le pays, publié le 11 février dernier. Policiers, enseignants, politiques, avocats et hommes d’affaires : les kidnappings sont aveugles et prennent pour cibles les ressortissants fortunés comme les plus précaires.

    Ces deux dernières semaines, ce sont des membres de l’Église qui ont été enlevés. D’abord ce 1er avril, quand en plein culte, des bandits lourdement armés se sont introduits dans un temple adventiste de Diquini (un quartier de Port-au-Prince) pour capturer le pasteur Audalus Estimé et trois fidèles de l’assemblée, Steven Jérôme, Welmyr Jean Pierre et Francisco Dorival.

    La cérémonie étant retransmise en direct sur Facebook, les internautes ont assisté, médusés, à cet enlèvement. Nous avons visionné ces images pour apercevoir distinctement le visage de l’un des membres du gang (non masqué) empoigné avec virulence les membres de l’Eglise d’une main, tenant son arme de l’autre. Les quatre hommes ont été libérés contre rançon a-t-on appris le 5 avril.

    Inquiétude et émotions après le rapt de religieux

    Dix jours plus tard, dimanche à 9 heures du matin, ce sont sept religieux de confession catholique, qui ont été enlevés à Croix-des-Bouquets, un quartier de non-droit de Port-au-Prince. Le gang armé “400 mawozo” (qui pourrait se traduire par 400 « bâtards » en français) réclame la somme d’un million de dollars (837 000 euros ndlr) pour la libération des prêtres Evens Joseph, Michel Briand (de nationalité française), Jean Nicaisse Milien, Joël Thomas et Hugues Baptiste et des sœurs Anne-Marie Dorcélus et Agnès Bordeau (de nationalité française).

    La conférence des évêques de France a exprimé ce 12 avril sa profonde inquiétude dans un communiqué de presse : « La grande pauvreté de ce pays alliée aux contestations politiques, accroît l’insécurité déjà très prégnante depuis de nombreuses années. L’Église de France et la vie religieuse connaissent une proximité particulière avec l’Église d’Haïti et l’ensemble de ce pays. Dans ce temps d’angoisse pour nos frères et sœurs kidnappés, elles veulent assurer les catholiques d’Haïti et tous ses habitants de leur soutien et de leur prière », explique la conférence des évêques de France. Elle demande aux ravisseurs la libération des sept otages.

    En plus de ces sept enlèvements, douze autres ont été commis dans la même nuit du 10 au 11 avril à Port-au-Prince.

    Une violence institutionnalisée

    Toujours à Port-au-Prince, un massacre est survenu le 1er avril dernier, faisant six morts. Un massacre orchestré par le G9, une fédération de neuf gangs armés très puissants de Port-au-Prince. Créée en juin 2020 – et permise par le président Jovenel Moïse – elle est dirigée par Jimmy Cherisier,, alias « Barbecue », un ex-policier auquel nous avions consacré une précédente chronique.

    Par ailleurs, l‘évasion fin février de 400 criminels du pénitencier de haute-sécurité de Croix-des-Bouquets (dans la banlieue de Port-au-Prince), a participé à renforcer ces dernières semaines le sentiment d’insécurité au sein de la population.

    Dans sa communication, le gouvernement, lui, a fait de la lutte contre l’hyper-violence de l’île un leitmotiv, pour déclarer l’état d’urgence le 18 mars dernier. Le but ? « restaurer l’autorité de l’État, garantir la sécurité du territoire et permettre aux citoyens de vaquer librement à leurs activités », a insisté Frantz Exantus, le secrétaire d’État à la communication à l’Agence France-Presse (AFP).

    Retrouvez ici les chroniques précédentes sur Haïti écrites par Anderson D. Michel.

    La création d’une agence de renseignement, dernier exemple de l’autoritarisme de l’exécutif

    L’ex-policier «Barbecue», symbole de la gangstérisation de l’État

    Vers une crise politico-sociale hors norme

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