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    [Festival d’Avignon] « Dans la mesure de l’impossible », radiographie laudative des travailleurs humanitaires

    "Dans la mesure de l'impossible" braque les projecteurs sur les humanitaires. Un métier pas comme les autres ou l'ont est confronté au meilleur comme au pire. Portée par d'immense comédiens, le nouveau directeur du festival d'Avignon ne laisse personne indemne.

    "Dans la mesure de l'impossible" Photographie : Christophe Raynaud de Lage

    Demain, on recommence. Demain, on devra faire un nouveau choix cornélien : décider – froidement – lequel des trois enfants on pourra tenter de sauver avec une perfusion. Un bambin, seulement un.

    Demain, on recommence. Demain, devant une mère éplorée, l’on assistera, impuissants, au décès de son nourrisson dans ses bras.

    Demain, on recommence. Demain, on interviendra au cœur d’un génocide qui, aveuglement, multiplie ses victimes.

    Demain, on recommence. Demain, on fait face aux exactions, aux pillages, aux violences. Demain, comme tous les jours, on fait face à l’inhumanité. On fait face à l’innommable.

    Demain, comme proclamait l’autre, on se dira « Plus je connais les hommes, plus j’aime mon chien ».

    Pourquoi continuer, quand à l’évidence, changer le monde est impossible ?

    « Dans la mesure de l’impossible » est une création née à la suite de centaines d’interviews menées par Tiago Rodrigues avec une trentaine de collaborateurs du Comité international de la Croix Rouge et de Médecins sans frontières. Ces travailleurs humanitaires, Tiago Rodrigues les traite comme des « héros », mais des héros complexes avec une dualité assumée.

    Sur scène, alternant entre l’anglais et le français, Beatriz Bras, Isabelle Caillat, Baptiste Coustenoble et Adama Diop, les quatre comédiens qui jouent les témoignages des travailleurs humanitaires évoluant dans des camps de réfugiés, s’interrogent. Comment et même pourquoi continuer quand une évidence s’impose : changer le monde est impossible.

    Vêtus de couleurs chatoyantes, les artistes développent dans leur partition l’antagonisme du sacrifice et du devoir. Une ambiguïté personnifiée, métaphorisée par une tente. Symbole tout à la fois de précarité et d’abri temporaire.

    C’est d’ailleurs l’imposant choix scénographique de la pièce. A mesure qu’elle progresse, une tente toujours plus grande se déploie, jusqu’à paraître happer les spectateurs en son sein. Des spectateurs participant ainsi, comme témoins, à une forme d’agora avec les comédiens.

    Le théâtre comme « assemblée humaine »

    Avec ce spectacle – proposé à la suite de l’annulation des « Émigrants » de Krystian Lupa -, le désormais directeur du festival d’Avignon offre son acception toute personnelle de la représentation théâtrale.

    Arguant : « Je ne cherche pas à faire un théâtre qui emmène ailleurs, qui essaie d’effacer la réalité du moment théâtral. (…) Le but du théâtre est de rassembler des gens et, par la puissance des mots, des corps et de l’imagination des spectateurs de permettre une expérience autre », confie ainsi Tiago Rodrigues à Marc Blanchet lors d’un entretien pour le festival d’Avignon.

    Le comédien portugais considère ainsi le théâtre comme un exercice démocratique, une « assemblée humaine ».

    Des métiers qui isolent

    La pièce réussit à mettre en relief un impensé, ou plutôt un tabou, du travail social : le burn-out. Car, certes c’est l’un des métiers qui a le plus de sens – qui fait montre d’un « égoïsme généreux » comme le verbalise le comédien Adama Diop, sourire en coin -, mais, il est terriblement dur. Il ostracise.

    Devant les proches à la recherche d’une anecdote marquante de la dernière mission, on se retrouve bien à la peine de revenir sur ce que l’on a vécu. Et les acteurs de rappeler à juste titre que comme les victimes, les aidants sont aussi traumatisés.

    Une assertion qui a résonnée en nous. Dans notre métier de journaliste racontant quotidiennement la migration, nous sommes également souvent confrontés à ces questions de risques psychosociaux. Inlassablement, devant les drames et l’innommable, nous nous demandons : comment dire tout cela sans se faire engloutir ? Comment rester dans son propre rôle ?

    Il faut raconter l’histoire de ces femmes et de ces hommes ordinaires, qui menaient une vie ordinaire et qui ont été propulsés contre leur gré dans les affres de l’histoire. Il faut poursuivre malgré le découragement et le sentiment d’impuissance. Mettre en avant l’élan de solidarité dont sont aussi capables les humains. Humanitaires ou journalistes, la question se pose en permanence.

    S’il met en lumière des expériences éprouvantes, « Dans la limite de l’impossible » parvient, avec habileté, à nous décocher des sourires face à tant d’absurdité. Bien sûr, souvent de façon sardonique.

    « Dans la limite de l’impossible » se jouera également au MAC de Créteil en janvier 2024.

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