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    [ Exposition ] Avec « Conversations », les photographes Sara Farid et Abdul Saboor racontent nos vies en France

    L’inventive technique du cyanotype mêlée au travail documentaire. Dans l’exposition croisée « Conversations » à Paris, les photographes Sara Farid et Abdul Saboor mettent en lumière le quotidien des personnes exilées dans l’Hexagone. Rencontre.

    Les photographes Sara Farid et Abdul Saboor à la Fabrique de la Solidarité (Paris) lors du vernissage de l’exposition le 13 juin.

    Apposé sur le mur, notre oeil est immédiatement attiré par ce cliché d’un homme, debout, le drapeau de l’Afghanistan enroulé autour du cou. Un exilé afghan photographié par Abdul Saboor en 2021, au campement de Grande-Synthe (Hauts-de-France). Lui faisant face, l’image d’un autre garçon est exposée, pose hiératique, à la veste orange. Il se réchauffe les mains sur un feu de camp, assis sur des rails désaffectés.

    « Après avoir choisi les photographies, je me suis rendu compte que personne ne sourit, note le photographe, lui-même originaire d’Afghanistan. Mais dans les camps, il y a quand même de la joie et des gens qui sourient ! ». 

    C’est ainsi une pertinente sélection de portraits et d’illustrations de campements entre Paris, Dunkerque et Calais qui sont exposés jusqu’au 29 septembre à la Fabrique de la Solidarité à Paris (Île-de-France). Une exposition nommée « Conversations » qui fait entrer en résonance les travaux de Sara Farid et d’Abdul Saboor. 

    « Se concentrer sur le sujet »

    La photographe Sara Farid (ancienne collaboratrice à Guiti News – NDLR) a opté pour des images imprimées d’après la technique du cyanotype : en bleu et blanc figurent ainsi des portraits de personnes exilées.

    Le recours à cette ancienne technique d’impression complète la photographie documentaire aux couleurs vives d’Abdul Saboor. 

    « Le noir et blanc enlève tout ce qui relève du quotidien et qui accroche le regard, pour se concentrer sur le sujet, explique Sara Farid. Avec le bleu et le blanc, c’est la même chose ».

    Avec cette technique du cyanotype, Sara Farid entend se concentrer sur le sujet.

    Créer du lien par la photo 

    Les hommes photographiés par Sara Farid regardent frontalement la caméra pour sembler vous scruter, d’aucuns sourient. Un témoignage accompagne chaque portrait, preuve du lien créé avec l’artiste. Tant les instantanés de Sara Farid et celles d’Abdul Saboor sont le fruit d’une conversation avec les personnes qu’ils rencontrent.

    Sara Farid a commencé la série « Conversations » en 2018 lorsqu’elle est arrivée en France depuis le Pakistan. Elle se rendait alors régulièrement à la Halte Humanitaire à Paris, lieu d’accueil et d’aide d’urgence situé à la Chapelle dans le 18e arrondissement. « Je venais travailler les dimanches, raconte-t-elle. La vie des personnes exilées est très chargée entre les différents rendez-vous et le parcours administratif. Le dimanche, on avait plus de temps ». 

    Sara Farid a commencé la série « Conversations » en 2018 lorsqu’elle est arrivée en France.

    Abdul Saboor aussi prend le temps. « Je n’ai pas vraiment beaucoup de photos, précise-t-il. Je m’assois et je discute avec les gens ». Le photographe ne demande jamais que les personnes lui racontent directement leur histoire et ne les approche pas avec la proposition d’un projet photo. Il ne photographie que ceux qui l’acceptent. 

    « Pour nous, c’est la vie ici en France » 

    L’exposition « Conversations » constitue ainsi l’aboutissement d’un travail très personnel. Sara Farid a d’abord photographié des demandeurs d’asile afghans avec qui elle pouvait échanger en ourdou (langue officielle du Pakistan). L’un des clichés exposé immortalise une partie de ping-pong à la Halte Humanitaire. « Là, c’est une exposition de travail. Mais pour nous c’est la vie, ici en France ». 

    C’est en parallèle de son engagement bénévole dans les campements qu’Abdul Saboor immortalise le quotidien des personnes exilées.

    A Calais ou à Dunkerque, Abdul Saboor photographie en parallèle de son travail bénévole dans les campements. Il documente les conditions de vie, la fatigue des personnes exilées, et les violences auxquelles ils sont confrontés. 

    Dans les couloirs de l’exposition, il s’arrête devant l’une de ses images prise au campement de La Chapelle à Paris. « J’aime les lignes de cette photo ». Pour l’artiste, la perspective des deux ponts et les tentes en contrebas rappelle les silhouettes des églises ou des palais.

     « Je n’étais pas réfugiée à l’époque, je ne pouvais pas comprendre complètement »

    A plusieurs occurrences, Abdul Saboor s’est dit que ce serait la dernière fois qu’il prendrait des photos, tant il ne se considérait pas comme photographe. Il commence la photographie sur les routes de l’exil : il documente son déracinement avec son téléphone portable puis, en Serbie, une bénévole lui prête un appareil photo.

    A son arrivée dans l’Hexagone, Sara Farid se consacre elle aussi à la photographie et quitte le journalisme télé qu’elle pratiquait. Au Pakistan elle racontait déjà la vie des immigrés afghans, des minorités religieuses et de genre. « Mais, je n’étais pas réfugiée à l’époque, je ne pouvais pas comprendre complètement ».

    Sara Farid a d’abord photographié des demandeurs d’asile afghans avec qui elle pouvait échanger en ourdou.

    Les deux artistes s’interrogent systématiquement sur la portée de leur travail. Abdul Saboor se demande toujours si ces images seront bénéfiques pour la personne photographiée. « Ça aide individuellement, glisse-t-il. Si je ne le fais pas, rien ne changera ». Sara Farid souligne aussi l’importance de raconter le voyage entrepris par les déracinés, l’impérieux besoin de faire comprendre ce qu’ils ont vécu.

    Cette conversation à travers la photographie se poursuit dans les salles de cours. Sara Farid enseigne à Rennes (Bretagne) et fait se rencontrer des réfugiés et ses élèves. « Ils étaient très timides au début, ils avaient peur de ne pas être corrects. Ils ont fini par parler ensemble en quatre langues différentes ! ». La professionnelle se réjouit ainsi d’avoir réussi à créer un espace pour l’échange et la spontanéité. Pour elle, son travail est accompli. 

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