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    Quels sont nos nouveaux eldorados ?

    L'eldorado (littéralement ce qui est doré) renvoie à cette contrée extraordinaire fantasmée et recherchée par les Espagnols au XVIe siècle. Désormais passé dans le langage courant, l'eldorado englobe cette aspiration, vague parfois, à une vie meilleure. Le rendez-vous artistique Lille 3000 en a fait la thématique de cette année, pour proposer depuis ce 27 avril de nombreuses expositions et performances. Alors, comment la notion d'eldorado continue à infuser l'art contemporain ? Élément de réponse avec Jean-Max Colard, l'un des commissaires de l'exposition Eldorama, accueillie au Tripostal de Lille.

    "Hope" d'Adel Abdessemed au Tripostal de Lille. Rempli de sacs poubelle, ce bateau de fortune échoué représente les traversées clandestines en Méditerranée, souvent tragiques.

    Guiti News : Cette nouvelle édition de Lille 3000 interroge la notion d’eldorado dans l’art. Est-ce que vous pouvez revenir sur son acception historique ?

    Jean-Max Colard : L’eldorado est le nom donné au pays imaginaire des conquistadors espagnols qui ont fantasmé cette contrée de l’or et qui ont, en même temps, décimé les civilisations aztèques. Avant cela, d’autres eldorados ont évidemment existé, comme celui autour du mythe de l’Atlantide, cette cité enfouie que certains ont ardemment recherché. Plus tard, la rue vers l’or – non seulement en Californie mais aussi en Alaska – a constitué un nouvel eldorado. En somme, il est devenu un terme courant – et bien souvent synonyme de prospérité – pour désigner toute recherche éperdue d’un lieu de vie meilleure.

    Jean-Max Colard posant dans l’installation « Match Fixed » de Jiten Thukral et de Sumir Tagra. Exposition Eldorama au Tripostal de Lille.

    Et nos nouveaux eldorados, quels sont-ils ?

    On ne cesse de les voir. Nous sommes sollicités en permanence par des images, de la publicité, qui nous vendent des eldorados réels ou de pacotille. Or vert, or noir et or gris désormais (celui d’un troisième âge fortuné qui voyage), nous sommes saturés par les promesses d’une autre existence.

    Mais, c’est un terme qui cache également une autre réalité, plus cruelle…

    En effet, il renvoie aussi à la quête d’individus qui sont dans la précarité, environnés de misère, de famine, de problème politique, de terrorisme… Qui se disent qu’il existe possiblement sur cette Terre des endroits où la vie est plus douce.

    Cette quête de l’eldorado est souvent une aventure difficile, voire tragique.

    On pense en effet forcément aux migrations, aux périls en mer…Dans son essence, l’eldorado a toujours été en réalité celui d’un récit violent, de conquête, de pillage, d’extermination de populations autochtones. Et c’est bien cela que nous avons souhaité montré dans l’exposition Eldorama, tant les artistes contemporains se sont attelés à mettre au jour le versant cruel de cette quête.

    Nous l’avons dit, l’eldorado est surtout un fantasme, or cette part d’inconnu nous est désormais accessible. Comment représenter l’ailleurs dans un paysage de saturation ?

    C’est la vraie question. Est-ce qu’il y a un ailleurs ? Que peuvent les artistes dans un monde où on nous vend beaucoup d’ailleurs stéréotypés et touristiques ? Dans un monde très cartographié, il faut s’ouvrir à d’autres conceptions de l’eldorado, autres que celle de la pure prospérité, celle des contingences matérielles. L’eldorado, ce peut aussi être la quête d’une meilleure vie intérieure, dans la jouissance et la liberté des corps, ou encore la recherche de la spiritualité et de métaphysique. Et puis parfois, pour les artistes, il n’existe pas d’autre eldorado que l’art en lui-même, quand sa pratique devient une vraie obsession, une vraie jouissance. La culture aussi constitue un eldorado pour nous tous, ce lieu d’un transport vers des vies améliorées.

    L’installation « Happy Go Lucky, The darkest journey » de Marnie Weber au Tripostal de Lille. Avec cette barque qui transporte des créatures démoniaques dans un paysage orageux, l’artiste tend à suggérer que l’eldorado n’existe pas ailleurs que dans les fictions et dans l’inconscient.

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