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    Confinement : un sentiment d’exclusion renforcé chez les enfants placés

    Depuis le 16 mars, toutes les écoles françaises sont fermées afin d’enrayer la propagation du Covid-19. Pour les 300.000 enfants qui font l’objet d’une mesure de protection, le confinement est une épreuve de plus à gérer. Si leur quotidien est difficile hors crise sanitaire, cette situation risque encore d’intensifier leurs problèmes. Texte : Juliette Vincent. […]

    Depuis le 16 mars, toutes les écoles françaises sont fermées afin d’enrayer la propagation du Covid-19. Pour les 300.000 enfants qui font l’objet d’une mesure de protection, le confinement est une épreuve de plus à gérer. Si leur quotidien est difficile hors crise sanitaire, cette situation risque encore d’intensifier leurs problèmes.

    Texte : Juliette Vincent. Dessins : Gaspard Njock / Chloé Sartena.


    Dans les foyers d’accueil, les travailleurs sociaux doivent redoubler d’efforts pour s’occuper des jeunes, mais aussi tenter de les rassurer sur la situation. Tel est le cas du centre éducatif et professionnel de la Douce à Belfort (90) qui accueille 92 mineurs non accompagnés (MNA).

    « Leur quotidien est difficile en temps normal. On observe que, depuis le confinement, les angoisses sont réactivées, le sentiment d’exclusion est renforcé et cela peut entraîner des violences », nous raconte ainsi Cécile Flaget, psychologue au sein du centre.

    Un enfermement de plus

    « C’est difficile pour eux en tant qu’étrangers. Ils ont survécu à plein de choses, traversé de nombreux pays et une fois ici, on leur dit ‘tu ne bouges plus’. C’est un enfermement supplémentaire », poursuit-elle.

    Alors, le personnel du centre s’efforce d’être le plus présent possible. Au programme : devoirs, activités récréatives et sportives. En off, un éducateur nous confie que les jeunes comprennent bien l’enjeu sanitaire et se plient aux exigences.

    Cap sur l’association de Seine-Saint-Denis Concorde qui accueille 301 jeunes dans quatorze établissements. Là aussi, le personnel encadrant ne s’est pas laissé abattre et a rapidement réagi. « Les salles de réunion ont été transformées en classe. Les cours ont lieu le matin et sont effectués par des éducateurs ou des intervenants scolaires. L’après-midi, on fait des jeux dans le jardin » , nous explique Florence Mazerat, la directrice de l’établissement.

    « L’après-midi, on fait des jeux dans le jardin, » raconte Florence Mazerat. Malgré le confinement, le personnel de l’association de Seine-Saint-Denis Concorde reste présent pour les jeunes.

    Si pour le moment, « les gamins réagissent plutôt bien au confinement » et se « prêtent au jeu » , Florence Mazerat affirme que « sur du long terme, ça va être compliqué ».

    Des enfants replacés, des fratries séparées

    A Paris, dans un centre d’accueil d’urgence qui accueille des enfants maltraités, l’ambiance est sous tension depuis l’annonce du confinement. Les éducateurs qui veillent habituellement sur une centaine d’enfants auraient reçu pour consigne de les placer dans des familles d’accueil pour une durée de 45 jours.

    D’après une éducatrice, qui a souhaité gardé l’anonymat, il s’agirait « d’accueillir en urgence les enfants qui subiraient des maltraitances pendant le confinement ». Elle nous confiait qu’une cinquantaine d’enfants aurait été replacée.

    Une situation tragique pour les huit éducateurs qui préparent les enfants pendant des mois à partir dans de bonnes conditions. Les enfants auraient été dispersés dans les quatre coins de la France dans des familles qu’ils ne connaissent pas. Direction l’inconnu. Des fratries auraient été séparées.

    « Venez voir cette petite fille en larmes écroulée au milieu du couloir criant qu’elle ne veut pas partir. Venez voir la tristesse et la peur dans les yeux de ce petit garçon à travers la vitre de la voiture qui l’emmène dans sa famille d’accueil » , peut-on ainsi lire dans une lettre écrite par trois éducateurs du centre, souhaitant sonner l’alerte.

    Des enfants auraient été dispersés dans les quatre coins de la France. Des fratries auraient été séparées.

    Alors ces enfants… Comment vont-ils vivre ce confinement ? Loin du centre, loin de leur famille, sans repère. « S’ils s’épanouissent dans leur famille d’accueil, c’est génial, mais au bout de 45 jours, on va leur annoncer qu’ils devront rentrer dans leur centre à Paris », affirme l’éducatrice, aujourd’hui confinée chez elle. Situation déboussolante pour ces enfants. Et déboussolante également pour les éducateurs.

    Ce témoignage n’est bien sûr pas un cas général des centres d’accueil en France pendant le confinement. Il interpelle néanmoins sur la situation de ce public fragile en danger hors et pendant crise sanitaire.

    Moins de personnel, plus de boulot

    Lyes Louffok, membre du Conseil national de la protection de l’enfance, s’interroge sur les problèmes qui vont s’accumuler dans les foyers, notamment pour les enfants handicapés. Selon lui, 70.000 enfants sont reconnus handicapés, soit 30% des enfants confiés à l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE). C’est une population qui demande une attention constante, un investissement massif des éducateurs.

    Depuis les mesures annoncées par le gouvernement, une majorité des structures d’accompagnement médico-social dédiées aux enfants handicapées sont fermées. Résultat : les foyers d’accueil doivent gérer les enfants 24h/24. « On va épuiser les professionnels » , s’alarme Lyes Louffok.

    Il évoque également les jeunes souffrant d’addiction. « Des enfants nous ont écrits, ceux accro à la cigarette et au cannabis » , poursuit-il. Le cheminement pour se procurer ces substituts se complique à cause du confinement. Aussi, aimerait-il qu’un médecin addictologue soit mis à leur disposition. Et d’ajouter que des dérogations pour prescrire les substituts seraient judicieuses.

    Des enfants nous ont écrits, ceux accro à la cigarette et au cannabis”, déplore Lyes Louffok. Se procurer ces substituts se complique à cause du confinement

    Autre source d’appréhension : le manque de personnel dans les centres. Un sujet déjà évoqué avant le confinement. Mais pour cette période, le manque se fait encore doublement ressentir. Il faut davantage d’organisation avec autant de moyens. Et le virus n’épargne pas les éducateurs et le personnel qui se mettent en arrêt de travail. Dans l’association Seine-Saint-Denis Concorde, parmi les 256 salariés, une vingtaine s’est arrêtée de travailler.

    Alerté sur ce problème, le gouvernement a réagi pour la deuxième semaine de confinement. Depuis lundi 23 mars, les salariés de la protection sociale à l’enfance peuvent également faire garder leurs enfants dans les écoles réquisitionnées par l’Etat, au même titre que le personnel soignant.

    Une mesure que salue les associations.

    En France, l’organisation diffère d’un centre d’accueil à un autre, les réactions des enfants aussi. Mais tous les éducateurs se rejoignent sur une même appréhension : l’après-confinement et ces nombreux enfants maltraités qu’il ne faudra pas oublier.

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