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  • À la loupe

    Référendum sur l’immigration : la marotte des promesses électorales

    L’immigration est au cœur des agendas politiques de la campagne pour la présidentielle de 2022. Nombreux sont les candidats, à droite et à l’extrême droite notamment, qui promettent de réformer la politique migratoire en France à l’aide d’un référendum. Une idée anticonstitutionnelle, loin d’être nouvelle.

    Un article de Justine Segui. Illustration : montage photo (DR) figurant Marine Le Pen, Xavier Bertrand, Nicolas Dupont-Aignan, Éric Ciotti et Éric Zemmour.


    De concert, Marine Le Pen (Rassemblement national), Xavier Bertrand (Divers droite), Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France), Michel Barnier (Les Républicains), Éric Ciotti (Les Républicains) ou encore Éric Zemmour (sans étiquette, extrême droite), exhortent à la tenue d’un référendum pour le prochain quinquennat. Le dessein ? Réformer la politique migratoire dans l’Hexagone.

    Suppression du droit du sol, durcissement des critères de naturalisation, fin du regroupement familial, externalisation des demandes d’asile ou encore suppression de tout obstacle à l’expulsion des délinquants étrangers… Tant d’idées sont médiatisées, mais qu’en est-il vraiment de leur faisabilité ?

    Cela est peu probable tance Serge Slama. Le professeur de droit public à l’université Grenoble-Alpes estime ainsi que « la plupart des propositions ne peuvent pas être soumises à référendum, car elles sont contraires à la Constitution ».

    Le droit d’asile est protégé par la Constitution…

    Proposer un référendum nécessiterait dès lors de faire appel à l’article 11 de la Constitution.

    « Il pourrait porter sur une réforme des politiques sociales ou économiques. Mais, la question posée ne peut pas être contraire à la Constitution. Cela exclut d’office des questions sur le regroupement familial ou le droit d’asile qui sont protégés par ce texte », insiste ainsi Tania Racho, docteure en droit européen, lors d’un point presse organisé par Désinfox Migration.

    De fait, les personnes en situation de migration ont des profils multiples.

    Certaines ont déposé une demande d’asile, d’aucunes sont en France pour étudier ou travailler. D’autres encore pour retrouver leur famille. Et, ces trois cas sont soumis à différentes juridictions.

    Toucher au droit d’asile « nécessiterait de sortir des accords internationaux et européens, ce qui n’est pas envisagé ni anticipé dans la proposition de référendum », insiste Tania Racho.

    … Mais aussi par des accords européens et internationaux

    En somme, le « bouclier constitutionnel », soit l’idée d’instituer la supériorité du droit français sur le droit européen en matière d’immigration qu’érige Marine Le Pen n’est pas faisable. Tant il semble ardu de mettre en place une politique contraire à la Constitution pour protéger celle-ci.

    « De plus, il faudrait aller à l’encontre de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, précise Tania Racho. Le seul moyen de mettre cela en place serait de sortir de l’Union européenne. Et même là, il y aurait toujours la convention de Genève qui bloquerait ».

    Ces accords cités par la docteure remontent aux années 1950 pour garantir l’asile comme « droit fondamental ».

    Un référendum qui ne pourrait porter que sur les demandes de visa

    Un autre article de la Constitution a également été évoqué. Il s’agit de l’article 89, soit l’idée de proposer un référendum pouvant réviser la Constitution. David Lisnard, le maire Les Républicains de Cannes (Côte d’Azur), est en faveur de cette mesure.

    Selon Tania Racho, cette solution « semble davantage possible juridiquement. Mais, cela se limiterait à des questions d’immigration légale économique et ne pourrait pas porter sur l’asile ni sur les étrangers ressortissants européens ».

    Dans le cas des personnes ayant obtenu un visa pour venir travailler ou étudier en France, même son de cloche. Il semble compliqué de limiter leur venue. « On ne peut pas dire aux universités d’arrêter de faire venir des étudiants de l’étranger. Au contraire, ces programmes font briller la France à l’international, et c’est pareil pour les entreprises qui accueillent des employés venant d’autres pays », rapporte Serge Slama.

    Des promesses électorales qui ne sont pas nouvelles

    En résumé, la mise en place de mesures plus strictes concernant l’immigration paraît complexe. « On veut nous faire croire que la France connaît une immigration massive, mais ce n’est pas le cas », pondère le chercheur.

    En 2020, près de 85 000 personnes ont obtenu la nationalité française selon le Ministère de l’Intérieur sur une population totale de 67,3 millions d’habitants.

    Et les spécialistes de rappeler que ces propositions de référendum sont des marronniers. Elles ont déjà fait l’objet de campagnes politiques.

    À l’instar de ce qu’a pu mettre en avant Xavier Bertrand. Le président de la région Hauts-de-France et candidat à la présidentielle déclarait par exemple le 13 septembre dernier sur BFMTV vouloir demander « aux Français s’ils sont d’accord pour que chaque année le Parlement dise combien d’étrangers nous sommes en mesure d’accueillir et d’intégrer. Est-ce que nous avons de l’emploi pour eux, est-ce que nous avons les conditions de logement, est-ce qu’ils pourront vivre décemment ? (…) Et c’est, chaque année, le Parlement qui déterminera clairement le nombre d’étrangers que nous accueillerons ».

    Une proposition qui s’inscrit dans la lignée de ce qu’avait essayé de mettre en place Nicolas Sarkozy durant sa présidence (2007-2012), ou encore plus récemment Emmanuel Macron. « Il devait y avoir un débat annuel sur l’immigration à l’Assemblée, mais il n’a eu finalement lieu qu’en 2019. Donc si on ne peut même pas faire un simple débat, comment demander au Parlement de faire des quotas et un rapport sur le nombre de personnes que nous pouvons faire venir ? », rappelle Serge Slama.

    Le nombre de fausses informations sur l’immigration diffusées à sept mois de la présidentielle inquiète les chercheurs.

    Tandis que Serge Slama s’est vu demander de préciser la nature de ces fake news, il a cyniquement répondu : «demandez-moi plutôt quelles informations sont vraies, ça ira plus vite».

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