fermer menu
  • fr
  • en
  • fermer menu
    Croisons les vues, croyons les regards.
  • fr
  • en
  • Guiti aime

    La rentrée littéraire au prisme de l’exil et de la discrimination #1

    Le marathon de la rentrée 2022 a bel et bien commencé. Auteurs français ou étrangers, romans ou essais, la rédaction vous a concocté sa sélection. Autour du thème de l'exil évidemment.

    Les cinq livres sélectionnés par la rédaction de Guiti News valent le détour.

    490. C’est le nombre de livres publiés entre août et octobre pour la rentrée littéraire 2022. Même si ce chiffre est en baisse par rapport aux années précédentes – 521 en 2021 – ce marathon livresque offre une myriade de nouveautés, allant des primo-auteurs aux auteurs primés, d’Amélie Nothomb, à Clara Banador. Et dans cette offre éditoriale, une partie invite le lecteur au voyage. Des turpitudes de l’exil aux questions identitaires, Guiti News vous propose une première sélection

    La communauté Tsigane vue par le grand ethnologue Patrick Williams

    Patrick Williams, Tsiganes ou ces inconnus qu’on appelle aussi Gitans, Bohémiens, Roms, Gypsies, Manouches, Rabouins, Gens du voyage…, PUF, en librairie depuis le 24 août 2022 (27 €).

    « Si nous portons un regard panoramique sur cette diversité, qu’observons-nous ? Un ciel gonflé d’étoiles ».

    ​​Pour cet ouvrage posthume, Patrick Williams (1947-2021) nous offre un voyage dans un autre monde. Un monde que l’on connaît peu, mal et dont la société est remplie de préjugés. Dans une première partie, le plus grand ethnologue des Tsiganes raconte, à la manière d’un roman, ses premières rencontres avec les manouches de la Creuse, en 1954, à l’âge de 7 ans, puis celle des Roms Kalderash (une branche des Tsiganes originaire de l’Europe de l’Est dont il fait l’historique plus tard dans le livre) à Paris, en 1968, âgé de 21 ans. Il nous plonge dans les rites, les danses, les chants de ces communautés, depuis Buenos Aires jusqu’à la Russie, en passant par Paris et le Portugal.

    Puis dans une seconde partie, le chercheur nous entraîne dans son apprentissage des rites et coutumes de cette communauté qui a su dépasser les siècles, les discriminations, pour garder son essence de voyageurs, sa langue, et son unicité. Mais Patrick Williams nous dit aussi, à travers leur histoire, l’évolutions de notre société. Le chercheur s’attarde enfin dans des considérations historiques, sociologiques et surtout, ethnologiques. Une ultime partie qui s’apparente alors davantage à un essai. 

    Pourquoi l’on aime ?

    On apprécie particulièrement cette lecture qui oscille entre sociologie et roman autobiographique. Un ouvrage nécessaire sur la diversité de cette communauté Tsigane, qui continue de souffrir de tant d’amalgames et de clichés. Dans cette œuvre monumentale, Patrick Williams relate ses connaissances apprises sur le terrain au gré des rencontres et des expériences (« Souvenirs »), tout en essayant de définir ce que sont réellement les Manouches et les Roms. Pour cela, il utilise une métaphore poétique : le ciel étoilé parsemé de constellations. Ce titre posthume est un indispensable sur les étagères des curieux et des ethnologues. 

    Patrick Williams a été chercheur au CNRS au laboratoire d’anthropologie urbaine dont il a été le directeur. Ethnologue, il a consacré ses travaux de recherche aux communautés tsiganes d’Europe. Il a notamment écrit Nous, on n’en parle pas. Les vivants et les morts chez les Manouches (Maison des sciences de l’homme, 2009), ou encore Django (Parenthèses, 1993).  

    Ecrire pour se sauver

    Léonora Miano, Stardust, Grasset, en librairie depuis le 31 août 2022 (18,50 €).

    « Stardust » est un roman autobiographique. Ecrit il y a plus de vingt ans, en 1996, l’auteure raconte son arrivée sur le territoire français, alors jeune mère de 23 ans. Accueillie avec sa fille dans un centre de réinsertion et d’hébergement d’urgence du 19e arrondissement de Paris, sans titre de séjour, elle découvre l’Hexagone, de manière intime. Cette adresse à la jeune femme qu’elle a été, dont elle est fière – elle le dit dans son avant-propos – nous transporte dans un monde que l’on ne peut appréhender sans connaître l’immigration.

    A la troisième personne, dans un rythme rapide assumé, l’on nous propose de rentrer – comme une urgence -, dans le quotidien de Léonora Miano – rebaptisée Louise -, pour se confronter à ses rêves et ses espoirs. Un quotidien invisible aux yeux de tous dans des lieux qui n’existent pas, insiste-t-elle. « Stardust » se fait aussi le porte-voix d’autres femmes avec qui elle se lie. Elle nous dit aussi, combien face à la dureté de cette nouvelle existence, elle a envie de jeter l’éponge.

    Pourquoi l’on aime ?

    Dès la première page, l’on s’attache à ce nouveau monde que Léonora Miano nous décrit, tout comme à sa galerie de personnages.

    Lors d’une interview dans l’émission « La Grande Librairie » (France 5), Léonora Miano avoue avoir « commencé à écrire pour sauver ma peau ». Cette peau est mise en danger, torturée, mais aussi mise à l’écart par les agressions sexuelles, l’exil, le racisme. Pourtant, chaque page semble être une lumière dans ce début d’histoire française si précaire. « Sa chair à vif », avoue-t-elle, qui représente ce roman, est sublimé par sa poésie. La solitude de cette femme peut nous parler, d’une façon ou d’une autre. On lit la prise de parole de Léonora Miano, ou Louise la narratrice, et on aime ce cri de cette rentrée littéraire.

    Léonora Miano est née à Douala, au Cameroun, et est arrivée en France dans les années 1990. Romancière, dramaturge et essayiste, elle est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages dont Contours du jour qui vient (Plon, 2006) qui a reçu le Prix Goncourt des lycéens ; Ecrits pour la parole (L’Arche) pour lequel elle a obtenu le prix Seligmann contre le racisme en 2012. Enfin, en 2020, elle a fondé le prix « Frontières Léonora Miano ». 

    Percevoir l’altérité face aux fantasmes et préjugés

    Catherine Wihtol de Wenden, La figure de l’Autre. Perceptions du migrant en France (1870-2022), CNRS Editions, en librairie depuis le 30 juin 2022 (22 €).

    « La France comme l’Europe ne s’acceptent pas comme terres d’immigration, ce qu’elles sont pourtant ». Avec pour fil rouge la perception de « l’Autre », Catherine Wihtol de Wenden, chercheuse au CNRS spécialiste de l’immigration, nous interroge sur la façon dont le migrant est vu par la société française depuis le XIXe siècle.

    Dans son histoire contemporaine, la France a connu l’immigration à divers degrés, entraînant par-là une augmentation de la haine envers l’Autre : antisémitisme, xénophobie, islamophobie… Les arguments n’ont, eux, pas évolué au fil des époques : religion, violence, concurrence déloyale sur le marché du travail, « assistanat » demeurent récurrents.

    Dans cet ouvrage – fruit de 40 ans de recherches -, la chercheuse s’appuie sur un corpus documentaire riche de statistiques, d’articles de presse, de documents policiers, de romans et de films pour nous montrer la prégnance de la figure de l’Autre dans notre société par les discours politiques ou culturels ; et rejette le fantasme d’une société homogène. 

    Pourquoi l’on aime ?

    Indispensable pour mieux comprendre la place de l’Autre dans notre société française, Catherine Wihtol de Wenden écrit là un important ouvrage scientifique. Avec ce fil directeur de la figure de « l’Autre », on intègre davantage l’idée que les perceptions négatives du migrant relèvent, finalement, d’une mauvaise de « l’Autre », de l’altérité. On apprécie particulièrement la façon dont la chercheuse démonte ce fantasme d’une société homogène ; mais aussi les quelques pistes pour améliorer la société dans laquelle nous nous trouvons en la rendant plus inclusive – et donc plus tolérante. 


    Catherine Wihtol de Wenden est directrice de recherche au CNRS, spécialiste des questions migratoires. Elle a notamment écrit Le droit d’émigrer (CNRS Editions, 2013) ou encore La question migratoire au XXIe siècle (Presses de Sciences Po, 2017).

    Un voyage dans les souvenirs de l’exil

    Beata Umubyeyi Mairesse, Consolée, Autrement, en librairie depuis le 17 août 2022 (21 €). 

    « Je pense aux féministes et à des gens comme nous qui même deux ou trois générations après l’exil des parents, sont considérés comme étrangers. C’est le truc le plus hypocrite qu’on puisse imaginer : on reproche à ceux qui veulent en être de ne pas vouloir y appartenir et le plus fou, c’est que tout un tas de gens y croient… »

    Consolée est pêle-mêle un roman sur l’exil, la maladie d’Alzheimer, et l’histoire. A travers deux points de vue – Consolée/madame Astrida et Ramtata – l’on plonge dans le passé de cette femme âgée, Consolée, rebaptisée madame Astrida, atteinte d’Alzheimer.

    Née au Rwanda, alors sous tutelle belge, elle fut enlevée à sa mère pour être placée dans un orphelinat. A travers les yeux de la quinquagénaire, Ramtata, et avec l’aide de la psychothérapeute Claude, on se fond dans un passé colonial, aux échos avec les leurs, deux femmes déracinées.

    Pourquoi l’on aime ?

    Ce roman est un voyage. Un voyage au Rwanda, en Belgique ou encore au Sénégal. Un voyage dans les souvenirs des unes et des autres, de ces femmes singulières. Mais aussi un voyage dans la difficulté de vivre dans un Ehpad, au nom charmeur, “Les Oiseaux”, et vers la fin d’une vie. 

    Beata Umubyeyi Mairesse est née au Rwanda et est arrivée en France après avoir survécu au génocide des Tutsi. Son premier roman, Tous tes enfants dispersés, retrace l’histoire d’une famille meurtrie par le génocide rwandais. Il a reçu le Prix des cinq continents de la Francophonie. Pour cette rentrée littéraire 2022, elle signe son deuxième roman.

    « Le Liban, c’est mes parents »

    Sabyl Ghoussoub, Beyrouth-sur-Seine, Stock, en librairie depuis le 24 août (20,50 €). 

    « En fait, le Liban, c’est mes parents. Quand je passe les voir dans leur appartement parisien, j’atterris au Liban… Dans leurs yeux, je vois ce pays. » Avec poésie, Beyrouth-sur-Seine nous transporte dans les routes de l’immigration familiale, entre le Liban et la France. Le narrateur questionne ses parents sur leur pays d’origine : le Liban, quitté en septembre 1975, alors que le pays sombre dans le conflit. Dans un contexte historique et politique difficile, on traverse le temps : les années 1970, 1980, et même les années 2010.

    Aux élans autobiographiques, Beyrouth-sur-Seine est une quête intime sur l’immigration, la vie de personnes touchées par des événements qui peuvent paraître lointains – qui, pourtant, affectent toujours autant.

    Pourquoi l’on aime ?

    La rédaction a particulièrement apprécié cette plume fluide et poétique. Le Liban nous ouvre ses portes, les expériences singulières nous émeuvent. Et on en redemande.

    Sabyl Ghoussoub, journaliste, détaille une histoire migratoire à travers l’histoire du pays d’origine de ses parents, pays envers lequel il a une attache particulière. C’est par l’histoire de nos parents que l’on se construit, et que l’on essaye de comprendre, comme lui, ses origines. En informant, en racontant la guerre et les révolutions au Liban, il cherche à se rapprocher d’eux.

    Sabyl Ghoussoub est né à Paris d’une famille libanaise. Il tient la chronique littéraire “Quoi qu’on en lise” dans le quotidien francophone L’Orient-Le jour. De 2011 à 2015, il a dirigé le Festival du film libanais à Beyrouth. En 2018, il publie aux éditions de l’Antilope Le Nez juif, puis Beyrouth entre parenthèses.

    fond de couleur pour message abonnement

    Cet article vous a intéressé ?
    Abonnez-vous à Guiti News à partir de 2€/mois*

    Vous aimerez aussi :

    icone du ministere de la culture francaise, qui soutient Guiti News
    © Guiti News 2021 – tous droits réservés