[Parti pris] Olivier Py au théâtre du Châtelet, le fait du prince
Manque de diversité sur scène et dans la salle, art bourgeois, une affaire d'homme... L'élection d'Olivier Py à la tête du théâtre du Châtelet au détriment de celle de Valérie Chevalier et de Sandrina Martins, réveille les vieux démons du théâtre.
La culture, ce milieu si ouvert et inclusif, n’est pourtant pas exsangue des maux qui rongent notre société depuis des millénaires. Il suffit d’aller au théâtre pour s’en rendre compte. Dans le public ou sur scène, la diversité des profils est encore loin d’être une évidence.
Les candidats dits des minorités sont peu nombreux à passer les portes du quatrième art. Peut-être parce que le théâtre a effacé les héroïnes non-blanches de son répertoire… Peut-être parce que le théâtre populaire n’est plus qu’un mythe depuis la mort de Jean Vilar (comédien et créateur du festival d’Avignon – NDLR).
On ne peut s’empêcher d’observer combien, pièce après pièce, le théâtre du XXIe siècle reste presque toujours une affaire d’hommes… blancs.
Ni vu, ni connu
Il existe des êtres pour qui le fait du prince est un acquis indéniable. Olivier Py en fait partie. L’ancien directeur du festival d’Avignon vient d’être élu à la tête du théâtre du Châtelet, au nez et -surtout- à la barbe de Valérie Chevalier et de Sandrina Martins.
Soit deux femmes artistes dont le projet avait conquis le comité de sélection. À l’heure où aucune scène nationale n’est dirigée par une femme, cette décision fait grincer des dents. Elle vient remuer le couteau dans une plaie béante.
« Py n’était absolument pas retenu. Son profil ne correspondait pas, son projet, c’était du blabla déjà vu, et son entretien a été catastrophique », nous confie ainsi quelqu’un à la mairie, sous couvert d’anonymat.
Mais alors, comment Py s’est retrouvé à la tête du prestigieux théâtre ? La procédure est, en principe, transparente. Le comité de sélection se charge d’étudier les candidatures et de transmettre une short list à Anne Hidalgo, qui prend la décision finale.
Retournement de situation digne d’un vaudeville : la maire socialiste occulte les deux noms proposés par le comité et nomme Olivier Py. Ni vu ni connu, l’homme prend ses fonctions le premier février.
La domination masculine
Qu’on s’entende bien, ce ne sont pas les compétences du metteur en scène qui sont ici pointées du doigt. Dix ans à l’Odéon, dix ans à diriger le plus prestigieux des festivals de théâtre… Olivier Py a la tête de l’emploi, même si Châtelet n’est pas tout à fait un théâtre comme les autres… Mais, ce n’est pas le sujet.
L’infamie ? Cette nomination s’est faite au détriment de celle de deux artistes femmes accomplies. Encore. Il est de bon ton de rappeler que M. Py à la tête d’Avignon en 2018, c’est 91 % des projets portés par des artistes hommes et 9 % seulement par des femmes dans le programme du IN. La parité, un mythe au théâtre comme ailleurs.
La metteuse en scène Carole Thibaut, qui dirige le Centre dramatique national de Montluçon en parlait déjà il y a quatre ans sur les planches d’Avignon : « J’en ai ma claque de voir une majorité de femmes muettes, privées de parole, venir s’asseoir dans l’obscurité des salles, pour recevoir là bien sagement la parole des hommes, la vision du monde portée par des hommes, dessinée par des hommes, en majorité blancs ! ». Quatre ans plus tard, force est de constater que rien ou presque n’a changé.
Récemment, c’est aussi la rumeur de la nomination de Jean-Yves Le Drian à l’Institut national du monde arabe en remplacement de Jack Lang, qui a fait beaucoup parler. Et si la culture (comme la politique) n’était elle aussi qu’une histoire de copinage et de sexe ?
Les circonstances de la nomination d’Olivier Py nous rappellent à quel point la domination masculine a encore de beaux jours devant elle.
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