Covid-19 : exigeons des papiers pour tous !
Soutien économique aux entreprises, plan d’urgence pour l’hôpital public… Depuis début mars, le gouvernement français a accéléré sa machine juridique pour mettre en place des mesures urgentes de gestion de la crise sanitaire. Cependant, les personnes exilées et leurs conditions, une fois encore, sont passées sous silence. Comment appeler à l’effort national, au renforcement des mesures sécuritaires peut-il aller de pair avec un refus d'intégrer à la fois dans le discours et les mesures, les demandeur.eus.es d’asiles et exilé.e.s ?
Alors que le Portugal régularise temporairement les personnes migrantes et demandeuses d’asile, en France celles-ci n’ont toujours pas fait l’objet de mesures gouvernementales. Mis à part le prolongement de trois mois de la validité des récipissés donnant droit de séjour sur le territoire, un silence significatif demeure.
A cela s’ajoute des mesures répressives injustifiées. La criminalisation et la pénalisation des initiatives solidaires, comme à Calais lors d’une distribution alimentaire par exemple, symbolise une discordance dans le discours gouvernemental. Appeler à la solidarité et à l’unité ne peut être conditionnel ni même instrumentalisé pour renforcer la distinction entre le légal et ce qui ne l’est pas.
Pour rester chez soi, il faut un chez soi
La crise du coronavirus montre que les exilé.e.s subissent plus largement les conséquences des politiques d’austérité en termes d’accès aux structures de soin, droit du travail ou encore d’avantages sociaux. Il apparaît évident que la population concernée voit ses conditions de vie se dégrader, les exposant davantage à l’exploitation ou pire, à la mort. Le confinement révèle alors une société à deux vitesses, celle des citoyens et celle des autres, laissés à eux-mêmes.
Pour rester chez soi, il faut un chez soi. Mais un centre de rétention, un camp insalubre ou encore un logement social temporaire sont-ils vraiment des ‘chez soi’ valables? Vendredi 9 avril, un premier cas a été confirmé au CRA de Vincennes selon l’Association service social familial migrants (Assfam). Quant aux évacuations de camps de Moira à Aubervilliers, aucune communication n’a été faite sur le sort réservé à ses habitant.es.
Les demandes pour maintenant et pas pour demain!
La pandémie n’est pas seulement ‘l’ennemi que l’on doit combattre’ pour reprendre le ton guerrier de la rhétorique présidentielle, mais d’abord un levier pour exiger une rupture et une transformation radicale de nos sociétés. Voilà l’objectif de nombreux collectifs militants et associatifs. D’abord, archiver, pour ne pas oublier les conséquences inévitables des mesures prises dans l’urgence mais aussi inciter à la mobilisation en créant des espaces d’échange et de lutte sur les réseaux sociaux.
Depuis quelques semaines, en France et partout en Europe, les luttes sociales se réorganisent et se transforment en continuant de manifester depuis chez soi. Ce moyen d’action, a priori inoffensif, renforce les liens entre collectifs, associations et militant.es, qui prennent le temps de multiplier les résistances et les solidarités. S’il y a un demain à construire, c’est avant tout à travers un maintenant qui progresse et bâtit déjà.
Revendications d’une pandémie, en est un exemple. Cette initiative collective et militante née au Danemark s’est progressivement propagée en France et en Angleterre. Aujourd’hui d’autres pays européens, l’Irlande et les Pays-Pays ont rejoint le mouvement. Tous les dimanches, fleurissent aux fenêtres des banderoles et des slogans, déterminés à pointer du doigt des situations sociales dont le dénominateur commun est l’inégalité dans la crise : celles des conditions des travailleur.euse.s régularisé.e.s et non régularisé.e.s, des travailleuses et femmes victimes de violences, des habitants des camps et centres de rétention administrative. Sur les banderoles: l’appel à la fermeture immédiate de tous les lieux de privation de liberté (Prisons, CRA, zone d’attente..) et la fin des expulsions, pour la mise en sécurité de tous et toutes.
Les photos prises des bâtiments décorés de banderoles sont ensuite partagées sur les différents réseaux sociaux sous les hastags #RevendicationsdUnePandémie #DemandsfromaPandemic #KravFraenPandemi ou encore #LeaveNoOneBehind.
Des papiers pour toutes et tous
A l’échelle européenne une campagne de régularisation massive exige ‘une protection égale et inconditionnelle de tous et toutes face à l’urgence sociale et sanitaire’. Sous le slogan “PAPERS FOR ALL”, Revendications d’une Pandémie et ses homologues européens dénoncent l’absence de législation mais refusent aussi ‘toute forme de législation temporaire’ qui ne garantit ‘ni conditions de travail sans danger, ni accès aux soins’. Etre considéré “illégal”, c’est aussi avoir un sentiment de peur à l’approche d’un hôpital, parce qu’il est une institution étatique.
Se réapproprier l’espace public
Pour ces collectifs militants, la métaphore de la pandémie en tant que sujet politique permet d’élaborer des demandes radicales sur le court et long terme. Ce n’est pas seulement faire acte des conséquences de l’activité humaine sur la planète, mais aussi de repenser une éthique du futur, autrement dit d’exiger dès maintenant de nouveaux fondements pour l’avenir. Aujourd’hui, l’état d’urgence limite les moyens d’actions traditionnels. Cependant, revendiquer aux fenêtres c’est prendre part au politique différemment et continuer de lutter en se ré-appropriant l’espace public.
Le coronavirus est une entité vivante amorale, ce que nous faisons en réaction à son développement traduit quelque chose de notre société. A quoi sert la croissance si ce n’est à garantir des services publics essentiels, gratuits et accessibles pour tous et toutes et plus particulier les exilé.e.s demeurant sur le territoire français et européen ?
Soyons solidaires et manifestons ensemble à nos fenêtres !
Un édito écrit par Diane Courteille et Elie M
Cet article vous a intéressé ?
Abonnez-vous à Guiti News à partir de 2€/mois*