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    «Partageons la joie de la résistance!» : l’appel d’une ex-prisonnière d’opinion en Syrie

    « Au fin fond de ma cellule, j’ai appris à me libérer de mes peurs, de mes biens, de mes rancunes ». Duha Ashour a été faite prisonnière d’opinion en Syrie, pendant six ans et demi. Elle revient sur ce long enfermement, tout en nous enjoignant collectivement à résister pour nos libertés. Une tribune de […]

    « Au fin fond de ma cellule, j’ai appris à me libérer de mes peurs, de mes biens, de mes rancunes ». Duha Ashour a été faite prisonnière d’opinion en Syrie, pendant six ans et demi. Elle revient sur ce long enfermement, tout en nous enjoignant collectivement à résister pour nos libertés.

    Une tribune de Duha Ashour / Un dessin d’Al’Mata


    J’ai été prisonnière d’opinion durant six ans et demi de ma vie, en Syrie, dans les années 1990. En prison, je suis devenue maman d’une petite fille prénommée Diana, mon enfant unique.

    En prison, je suis née une seconde fois, pour devenir la personne que je suis, aujourd’hui.

    Un bain chaud, des vêtements propres

    Lors de ma détention, j’ai été privée de tout. J’ai vécu des moments difficilement supportables ; souvent, je rêvais d’un repas correct, propre… Il m’arrivait également de rêver d’une pomme, d’un oeuf, ou…simplement d’huile d’olive. Mon souhait le plus cher était de pouvoir me détendre dans un bain chaud, de porter des vêtements propres.

    Ceux que je portais de façon continue durant mon calvaire étaient tellement sales qu’ils avaient moisi à même mon corps. Ma peau s’était écorchée sous l’effet de l’humidité et de la crasse.

    J’avais une peur bleue des insectes qui rampaient autour de moi et qui m’empêchaient de trouver le sommeil, dans un lit trempé de sueur et couvert de sang, Les couvertures étaient, elles aussi, très sales.

    La littérature comme alcôve

    J »étais encerclée, privée de toute liberté et j’ai dû apprendre à vivre ainsi. Malgré tout, j’ai réussi à garder en moi l’amour de la vie. Cette vie à laquelle j’essayais coûte que coûte de m’accrocher. Une petite voix me répétait alors, sans cesse, que je devais garder mon sang-froid pour pouvoir supporter ce qui m’attendait.

    Plus encore, je me devais de résister pour défendre mes droits et celui de mon foetus : son droit à la vie. J’ai appris, au fil du temps, à remplacer la lecture par les souvenirs que j’en gardais. Je repensais au célèbre roman de Cervantes « Don Quichotte ». Je me remémorais la mythologie grecque et la littérature de la Révolution française dont je me nourrissais. Je me remémorais Paul Eluard, Albert Camus et Simone de Beauvoir.

    J’ai entamé une grève de la faim qui a duré dix-sept jours, suite aux maltraitances que j’ai subies et à l’interdiction de visites dont j’ai fait l’objet. Pour tenir, je me remémorais encore la phrase du poète grec Ritsos, qui me confortait tant et que j’avais écrite sur le mur de ma cellule

    « Si l’on doit mourir, qu’il en soit ainsi, car la liberté prime ! »

    Je rêvais d’un cheval me transportant sur tous les recoins de la Terre, m’élevant vers le ciel afin que je comprenne mieux les hommes, leurs croyances et leurs religions. Je me faisais une idée de l’heure à partir du soleil.

    L’ennui du bruit

    Au fin fond de ma cellule, et au milieu du silence assourdissant, le bruit me manquait, les gens dans toute leur diversité me manquaient eux aussi. Je portais une attention particulière aux fourmis que j’ai appris à observer, à contempler.

    J’attendais avec impatience la venue des papillons, mais j’ai surtout réalisé la faiblesse des êtres vivants, leur fragilité.

    Pour ma part, je pense avoir opté pour le courage pour faire face aux aléas de la vie.

    « La dictature a volé notre jeunesse, nos rêves, nos espoirs »

    Au fin fond de ma cellule, j’ai appris à me libérer de mes peurs, de mes biens, de mes rancunes, et j’ai compris que seule la liberté pouvait nous rendre bons et nobles. Je revis encore ces moments où durant la révolution syrienne, des manifestants chantaient et dansaient de joie, se sentant forts, invincibles, car ensemble, ils étaient.

    Cette image de fraternité et de solidarité me donne aujourd’hui encore les larmes aux yeux. Je sais au plus profond de mon coeur, que passer outre ses peurs, ressentir l’extase de la résistance et agir ensemble accentuent les liens et les sentiments fraternels.

    Gilles, mon père, était un homme de gauche ; il a passé sa vie en prison. A son époque, la Syrie aurait pu devenir un « paradis terrestre », mais la dictature en a voulu autrement. Elle (la dictature) a volé notre jeunesse, nos rêves, nos espoirs, nous a poussé à partir, à quitter notre Syrie, malgré nous. Certains en ont perdu la raison.

    « Partageons ensemble la joie que nous procure la résistance ! »

    Aujourd’hui, on compte plus de 300 000 détenus, sans compter les personnes portées disparues, et des milliers d’autres assassinées sous la torture. Les conditions de détention étant difficiles, grand nombre d’entre eux meurent de faim, de froid ou d’épidémies.

    Enfin, je voudrais dire aujourd’hui, et avec force, que les valeurs humaines si fièrement portées et défendues par la République Française me font honte des dictatures qui existent et perdurent encore dans le monde. Nous avons, donc la responsabilité, tous ensemble, de soutenir les révolutions des peuples, où qu’elles soient, dans le but de prôner haut et fort la liberté, la justice et la fraternité. Partageons ensemble la joie que nous procure la résistance !

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