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  • C'est leur histoire

    Étudiants étrangers en France, à l’épreuve du Covid-19

    « Depuis six mois, mon titre de séjour a expiré. Je n’ai pas de bourse et je ne peux pas travailler. Mais si je ne travaille pas, je ne vais pas réussir à survivre », s’inquiète Khouloud Douzi, ex-étudiante tunisienne. Avec la pandémie, l’année 2020 a présenté une série d'enjeux et de défis pour les étudiants en France, confrontés à l’isolement et à la précarité. Au mois de janvier, la part d'étudiants aidés par le Crous (Centre régional des œuvres universitaires et scolaires) a augmenté de 39 %, par rapport à la même période en 2020. Un constat similaire pour les étudiants étrangers, où entrent également en compte les galères administratives, la peur de perdre son droit de séjour et le mal du pays. Pour Gérard Aristide Zadi, Khouloud Douzi, Lamine Sall ou encore Simon Martin*, ce sont autant de préoccupations quotidiennes depuis plus d’un an.

    Un article de Justine Segui / Photos : DR


    Le 16 mars 2020, le président de la République, Emmanuel Macron annonçait le premier confinement à la télévision. Devant son poste, Gérard Aristide Zadi, étudiant ivoirien en France depuis six ans, ne pense alors qu’à une chose : son stage.

    Plus tôt dans la semaine, il a -enfin- reçu une réponse positive d’un employeur. « J’étais en fin d’étude de master en finances et il fallait trouver un stage pour valider son année. Sans stage, pas de diplôme », explique-t-il.

    A l’instar de nombreux autres étudiants, il s’est vu refusé cette expérience professionnelle. « Mon employeur m’a envoyé une lettre disant qu’au vu de la situation, il était dans l’obligation de ne pas me convier pour le stage. Ça m’a vraiment affecté sur le plan psychologique », se souvient Gérard Aristide Zadi.

    A cause de la situation sanitaire, Gérard Aristide Zadi n’a pas pu faire son stage de fin d’étude. © Archives personnelles

    Pour les étudiants en fin d’étude et particulièrement pour les étudiants étrangers, le stage reste la meilleure entrée dans le monde professionnel, pour ainsi pouvoir prétendre faire sa vie en France. Khouloud Douzi, ancienne étudiante tunisienne installée à Lyon, a pu faire un stage à l’hôpital de Lyon et s’est même vu proposer un CDD à la fin. Seul problème ? La préfecture n’a pas renouvelé son titre de séjour.

    « On ne peut rien faire »

    « À cause du Covid, ils ont créé une plateforme en ligne, alors qu’en soi, c’est une démarche assez simple qui peut s’effectuer en un jour en allant à la préfecture. Là, ça a changé. J’ai créé mon dossier, ajouté les justificatifs mais je ne peux pas contacter les personnes en charge. Sans réponse, j’attends depuis cinq mois », nous partage Khouloud Douzi. Son employeur lui a assuré que son poste l’attendait, dès qu’elle serait régularisée.

    Mais pour elle, l’argent vient à manquer. Très régulièrement, elle contacte le standard téléphonique de la préfecture pour demander des comptes. « Je leur explique que depuis six mois mon titre de séjour a expiré. Je n’ai pas de bourse. Je ne peux pas travailler. Et si je ne travaille pas, je ne vais pas réussir à survivre. On me répond simplement “on ne peut rien faire” ».

    Une précarité double : administrative et financière

    Des écueils administratifs récurrents, déplore Gérard Aristide Zadi. « J’ai vécu cette peur, reconnaît-il. Sans carte de séjour, je serai en situation irrégulière. Je devais renouveler la mienne en mars dernier, mais avec le confinement et la limite des 100 kilomètres, je ne pouvais pas faire le trajet entre Limoges, la ville où j’habitais, et Paris pour me rendre à la préfecture ».

    Désormais, la préfecture de Haute-Garonne propose aux étudiants qui rencontrent des obstacles administratifs, de solliciter un titre de séjour « recherche d’emploi / création d’entreprise ». Elle y précise les démarches à effectuer et argue « ce titre de séjour vous permettra de commencer à travailler immédiatement à temps plein et sans avoir à solliciter d’autorisation de travail ».

    Quant à Gérard Aristide Zadi, il a finalement pu renouveler sa carte. Et son université a autorisé les élèves qui n’avaient pas de stage à le remplacer par une soutenance, afin de valider leur année. Depuis, il a été embauché en CDD en tant que conseiller de gestion patrimoniale.

    Une sérénité à laquelle aspire aussi Khouloud Douzi. L’incertitude administrative provoquant « un stress incroyable, j’y pense tout le temps ».

    La jeune diplômée parvient, tout de même, à travailler : « J’officie dans une agence d’aide à domicile, en tant qu’auxiliaire de vie. Arrivant à l’expiration de mon titre de séjour, j’ai dit au directeur : “si vous m’arrêtez là, ça va être galère pour moi. Mais, je comprends.” Il m’a répondu que je pouvais continuer. En réalité, je ne sais pas comment c’est possible d’un point de vue légal, mais je ne pose pas la question, parce que cela m’arrange ».

    Un temps partiel de trois à quatre heures par jour, pour une rémunération oscillant entre 500 et 700 euros par mois. « J’ai un salaire qui me permet de vivre plus ou moins correctement, puisque j’arrive à payer mon loyer et à faire mes courses », conclut Khouloud Douzi.

    Aujourd’hui jeune diplômée, Khouloud Douzi est en attente de la réponse de la préfecture. © Archives personnelles

    Une précarité amèrement familière pour Lamine Sall. De nationalité sénégalaise, l’étudiant débarque à Amiens, dans les Hauts-de-France, en 2018. Avant la pandémie, il allait à la fac de droit et avait un petit boulot à côté, dans la restauration, pour compléter sa bourse.

    Aujourd’hui, il suit ses cours à distance et la fermeture des restaurants a rendu sa situation compliquée. « En tant qu’étudiant, c’est très difficile, admet-il. Les cours à distance ne sont pas franchement adaptés. Subsiste surtout l’aspect économique : nous sommes nombreux à avoir perdu notre travail ». D’autant plus que la crise sanitaire a déclenché de nouvelles dépenses : « nous avons besoin d’acheter plus de choses de façon régulière : masques, gel hydro alcoolique… », souligne-t-il. L’étudiant en droit n’a que sa bourse, fournie par l’État sénégalais, comme rentrée d’argent, mais il ne s’en plaint pas. Il assure ; « j’arrive à m’en sortir ».

    De l’indispensable soutien des associations

    Dans ce contexte, beaucoup peinent à s’en sortir et se tournent ainsi vers des associations ou des syndicats.

    « Plusieurs de mes amis m’ont contacté, ils avaient du mal à se nourrir, ils ne pouvaient pas travailler. Ce ne sont pas des choses qu’on expose au grand jour mais, ils mourraient en silence », insiste Gérard Aristide Zadi, qui est engagé au syndicat de l’Unef (Union nationale des étudiants de France). Cet engagement militant a été, pour lui, l’occasion de comprendre la complexité et la dureté de situations vécues par ses pairs.

    « Il faut exposer ce que vivent ces étudiants : on a tous dû traverser la crise, mais pour beaucoup, la précarité s’est accentuée », scande-t-il. Au mois de janvier 2021, la part d’étudiants aidés par le Crous a ainsi augmenté de 39 % par rapport à la même période en 2020. Le montant total des aides attribuées de septembre à décembre 2020 a, lui, connu une hausse de 48%. Selon l’Insee, cela s’explique par l’augmentation du nombre de bénéficiaires, mais aussi par le montant mensuel moyen reçu par bénéficiaire, soit +10% par rapport à 2019.

    Depuis Amiens, Lamine Sall reconnaît précisément l’importance des associations. « Beaucoup sont venues aider les étudiants comme l’Agoraé (un espace d’échange avec épicerie solidaire pour les étudiants), le Secours populaire, mais aussi le Crous avec des tickets restos des repas à 1 euro ».

    Même son de cloche à Dunkerque (Hauts-de-France), où réside Simon Martin*, étudiant sénégalais en bachelor de commerce. Entre ses missions d’intérim et le soutien financier de sa famille, le jeune homme arrive à s’en sortir avec 500 à 600 euros par mois. Sans logement Crous dans la ville, le prix d’un loyer en résidence privée monte cependant vite. Le soutien des associations constitue ainsi une aide précieuse dans son quotidien estudiantin. « Je n’ai pas réussi à bénéficier d’aides, mais je m’en sors à Dunkerque, notamment grâce aux assoc’ distribuant denrées alimentaires et produits d’hygiène ».

    Le mal du pays

    Pourtant, chez Simon Martin, ce n’est pas tant le manque d’argent qui est source de souffrance, mais plutôt le mal du pays : « C’est assez dur de se dire que l’on est loin de chez soi, surtout avec les manifestations survenues au Sénégal qui ont fait plusieurs morts. N’étant pas sur place, nous ne pouvons pas battre le pavé ». Le jeune homme de 19 ans est en France depuis février 2020. « J’ai débarqué avant le premier confinement. Et je n’ai aucune idée de ce à quoi ressemble la vie étudiante en France sans Covid ! »

    De quoi lui faire douter de sa présence dans l’Hexagone : « tous les cours sont en ligne. Souvent, je me dis que j’aurais pu les suivre à distance depuis chez moi, sans avoir besoin d’être en France et d’être confiné ».

    Entre l’isolement et la distance avec leurs proches, les étudiants étrangers sont particulièrement touchés par les répercussions de la crise sanitaire : « Moi ça va mais, j’ai des amis qui sont presque en dépression. Et, ce sont principalement des étudiants étrangers », poursuit Simon Martin.

    Quelque 73% des jeunes déclarent avoir été affectés sur le plan psychologique, affectif ou physique durant le premier confinement, quand 23% d’entre eux disent avoir eu des pensées suicidaires, alerte ainsi une étude de la fédération des associations générales étudiantes (Fage) réalisée par Ipsos.

    Depuis Dakar, Marie-Claire Jùuf attend de pouvoir s’envoler vers la France afin de poursuivre des études de journalisme. © Archives personnelles

    Le mal du pays

    Manque du pays, de la famille… Si elle veut vivre en France, Khouloud Douzi souffre de ne pas avoir vu les siens depuis deux ans. « Si je rentre, je ne pourrais pas revenir », déplore la jeune femme. Elle espère à présent que sa situation s’améliore d’ici le mois d’août, pour se rendre au mariage de sa sœur.

    D’aucuns aspirent à rentrer au bercail, quand d’autres ambitionnent de le quitter. C’est le cas de Marie-Claire Jùuf. En avril 2019, elle passe les concours pour intégrer l’IUT de journalisme de Cannes, sur la Côte d’Azur. Elle est reçue.

    Et s’attendait, dès septembre 2019, à pouvoir s’envoler pour la France. Presque trois ans plus tard, elle est, pourtant, toujours chez ses parents à Dakar.

    Marie-Claire Jùuf s’est vu refuser sa demande de visa deux fois pour la même raison : « Informations incomplètes ou pas fiables ».

    Cette année, elle tente à nouveau, mais craint que sa demande soit retoquée du fait de la situation sanitaire. « Avec le corona, je pense que ça va être compliqué, commente la jeune femme, avec les frontières fermées, ils ne vont pas accepter beaucoup de demandes. Ils font déjà des tris, ils vont en faire encore plus ».

    Selon le rapport 2021 de Campus France, un organisme qui accompagne les étudiants internationaux, l’Hexagone aurait accueilli 25% d’étudiants étrangers en moins cette année. Malgré cette baisse, le pays reste le 6ème pays d’accueil d’étudiants étrangers au monde avec 59 990 visas délivrés pour la rentrée 2020.

    « C’est dur d’avoir 20 ans en 2020 », proclamait le président de la République. Ça l’est d’autant plus avec des problèmes administratifs, peu de perspectives et l’éloignement familial. Un cocktail qui concerne les 370 000 étudiants étrangers résidant dans l’Hexagone, constituant 14% de la population estudiantine française, rappelle Campus France.

    *Les noms ont été modifiés.

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    « LA NOUVELLE DE LA CLASSE : LE QUOTIDIEN DIFFICILE DES FEMMES MIGRANTES EN REPRISE D’ÉTUDES » : Être nouvelle dans une classe n’est jamais une partie de plaisir. Plus encore si le pays, la langue, les gens, la culture divergent de tout ce vous avez connu auparavant. Gloria et Alba, réfugiée et demandeuse d’asile étaient « complètement perdues » à leur arrivée en France. Pourtant, elles étaient loin d’imaginer les difficultés qu’elles allaient devoir affronter pour reprendre ou poursuivre leurs études. Entre la barrière de la langue, les difficultés administratives, le sexisme, le racisme et le manque d’accès aux réseaux, elles, comme beaucoup d’autres femmes migrantes, ont dû redoubler de motivation et s’armer de patience pour accéder à l’enseignement supérieur.

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