« Les Olympiades »: diversité à la française façon Audiard
« J'aime travailler avec des gens que je ne connais pas. Si c'est pour être dans la reproduction de soi, on roupille. Cela ne sert à rien! », nous lance Jacques Audiard. Son dernier film « Les Olympiades » suit les pérégrinations de quatre jeunes adultes entre un accès difficile au monde du travail, et donc au logement et des interrogations sur la sexualité. En salles cette semaine, le long-métrage adapté de trois nouvelles graphiques de l'américain Adrian Tomine, nous prouve encore combien Audiard est inclassable.
Une chronique de Leïla Amar. Photo : DR.
Sélectionné au 74ème festival de Cannes, « Les Olympiades » entremêle les destins de quatre jeunes, Emilie (Lucie Zhang), Camille (Makita Samba), Nora (Noémie Merlant) et Amber Sweet (Jehnny Beth).
Tous diplômés, ils peinent pourtant à trouver un travail en lien avec leurs études, devant se résoudre à accepter des boulots alimentaires afin de payer le loyer, parfois même en collocation.
« J’avais envie de traiter cette classe moyenne, jeune et cultivée qui a du mal à se loger », nous expliquait ainsi le réalisateur du film, Jacques Audiard.
« Le 13ème arrondissement pour moi dit la modernité de Paris »
Plantée au coeur du 13ème arrondissement de Paris, l’intrigue, quasiment tournée exclusivement en noir et blanc, dépeint un Paris cosmopolite, loin des clichés habituels attribués à la ville Lumière.
Pour avoir longtemps vécu dans ce quartier de la capitale, Jacques Audiard explique qu’il trouve Paris difficile à filmer sans verser rapidement dans le côté muséal. D’où son choix du noir et blanc, sur la dalle des Olympiades, théâtre d’un lieu en ébullition.
La modernité des « Olympiades » ne se résume pas au seul arrondissement, mais aussi à la présence de protagonistes issus de l’immigration tenant les premiers rôles. Chose tristement rare sur nos écrans français.
« J’aime travailler avec des gens que je ne connais pas. Si c’est pour être dans la reproduction de soi-même, on roupille. Cela ne sert à rien! », étaye Jacques Audiard.
Audiard, faiseur d’acteurs
L’une des spécialités du réalisateur français réside bien dans le fait de révéler des talents, de lancer des carrières, à l’instar de Tahar Rahim avec « Un Prophète ».
Dans « Les Olympiades », Lucie Zhang incarne son premier rôle au cinéma. Sa collaboration avec Audiard, elle la dépeint comme une révélation. « Il m’a laissé beaucoup de liberté tout au long du tournage. Il ne dit jamais trop concrètement les choses, il y a toujours une ambiguïté que ce soit bon ou mauvais ».
Pour Noémie Merlant (« Portrait de la jeune fille en feu »), également présente à Cannes pour son premier long-métrage en tant que réalisatrice (« Mi Iubita mon amour »), le travail a débuté difficilement. : « J’ai eu du mal à proposer quelque chose à cause du premier confinement. Pourtant, je n’ai jamais été aussi connectée à un personnage, à cette quête de désir. Avec les autres comédiens, nous sommes entrés dans nos personnages par le corps, en se rendant sensible à notre façon de se toucher, pour comprendre ce que l’on se raconte avec nos corps », nous confie-t-elle.
Les personnages complexes des nouvelles d’Adrian Tomine ont pu, à travers l’oeil d’Audiard, mais aussi grâce à l’écriture des scénaristes et réalisatrices Céline Sciamma (« Portrait de la jeune fille en feu », « Bande de filles ») et Léa Mysius («Ava »), prendre vie au cinéma. Des personnages qui suscitent donc des questionnements existentiels. À quoi servent les études? Le porno pour mieux vivre, pourquoi pas? Quel mode de vie adopter quand se loger devient impossible? Connait-on réellement notre orientation sexuelle? Ou encore, quel rapport avons-nous au corps dans une société hypersexualisée?
Autant de sujets au coeur des débats actuels sur lesquels il est bon de méditer devant l’un des meilleurs films de la sélection cannoise. Encore une fois, Audiard, l’inclassable, se trouve là où on ne l’attendait pas.
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