La difficile prise en charge des femmes réfugiées et migrantes à l’hôpital de Lariboisière
Différences culturelles, expérience traumatique de l’exil, barrière de la langue. Si les femmes réfugiées et migrantes peuvent accoucher à l’hôpital parisien, leur prise en charge n’est pas toujours adaptée. Certaines sont exposées à des formes de violences multiples. Mina Niakate, infirmière à Lariboisière, a exposé son travail de recherches à nos journalistes.
Il est considéré comme l’hôpital parisien de charité par excellence. L’établissement de Lariboisière est connu pour accepter les femmes réfugiées ou migrantes enceintes au sein de ses locaux. Une réputation internationale. Mina, infirmière à Lariboisière durant un an et demi nous confie que les exilées « ont souvent sur elles des petits papiers qui leur expliquent comment y venir directement quand elles arrivent à Paris. » Elle ajoute : « Je viens du Mali, et là bas, les femmes connaissent l’hôpital Lariboisière. »
Mina n’est pas seulement infirmière, elle est aussi étudiante à l’école de puériculture de Picpus dans le 12e arrondissement. Là-bas, la jeune femme a réalisé un travail de recherche sur l’accompagnement médical des mères migrantes et de leurs enfants. Elle y questionne leur prise en charge au sein des structures publiques de soin.
L’étude s’intéresse principalement aux femmes qui, une fois arrivées en France, ont déclaré une grossesse et ont accouché à l’hôpital de Lariboisière. Selon Mina, vivre une grossesse dans un pays autre que le sien conduit inévitablement à un bouleversement pour la mère. Les pratiques, le vocabulaire médical, tout diffère. Ces exilées ont du mal à trouver leurs repères.
Un personnel « pas préparé » à l’accouchement des femmes réfugiées
« Leur parcours de vie, leur culture sont des facteurs à prendre en compte dans leur accompagnement, et pourtant le personnel soignant n’y est pas préparé. On leur demande de les accueillir comme une maman française lambda. » Résultat : ces femmes réfugiées peuvent être exposées à des violences.
De plus, le système hospitalier français est parfois peu clément envers les femmes qui ne sont pas blanches, assure-t-elle. La faute au cliché du « syndrome méditerranéen ». Tous ces facteurs couplés au manque de moyens matériels et financiers des hôpitaux publics, rend difficile une prise en charge adaptée.
Pour comprendre les difficultés que rencontrent le personnel médical, Mina a interrogé plusieurs médecins et psychologues au sein de la structure. Le constat est unanime:
C’est le fait d’être une femme isolée qui devrait impliquer une prise en charge particulière. Pas le statut de migrante. Cet isolement peut entraîner des conséquences graves sur le bon développement de l’enfant et la santé mentale de la mère. Tout cela expose davantage ces mamans à la dépression post-partum.
Mina Niakate
Barrière de la langue, mémoire traumatique, syndrome de la blouse blanche (le fait d’être stressé dans un milieu médical, ndlr)… La communication peut se révéler compliquée pour ces jeunes mères. Mina constate qu’elles sont de manière générale peu écoutées. Un exemple parmi d’autres: en France, on ne baigne pas un enfant avant ses deux jours, pour éviter qu’il n’attrape froid. Mais dans certaines cultures, il existe un rite de purification qui exige que l’enfant soit lavé immédiatement après l’accouchement. L’absence de dialogue peut aboutir à des situations parfois dangereuses. Une fois seule, une mère peut effectuer une pratique en cachette, et donc, dans de mauvaises conditions.
Un accompagnement post-partum
Malgré le manque de moyens et de temps, le personnel essaye autant que possible d’aider ces mamans, insiste Mina. Des assistant·e·s de service social profitent de leur séjour en maternité pour leur donner du lait, des couches ou encore des tickets de métro. Ces femmes exilées ont aussi la possibilité de bénéficier d’un accompagnement juridique ou administratif. Un soutien clé dans le cadre d’une procédure de demande d’asile.
Lorsque certaines se retrouvent sans endroit pour dormir, l’hôpital essaye toujours de les garder un ou deux jours de plus. Pendant ce temps-là, les travailleurs sociaux tente de leur trouver une solution de logement pérenne. « Cet accompagnement n’est pas commun aux hôpitaux, c’est une démarche volontaire et spécifique de Lariboisière », conclut Mina.
Cet article vous a intéressé ?
Abonnez-vous à Guiti News à partir de 2€/mois*