« Il y a des radicaux des deux côtés »: Momin Abujami, réfugié palestinien en France
En 2018, Momin Abujami a fui Gaza pour se réfugier en France. Depuis, il s’engage sans relâche pour favoriser l’inclusion par le sport à Toulouse, où il construit sa nouvelle vie. Alors qu'il tente d'oublier les traumatismes de sa vie avant l'exil, il a été rattrapé par les événements tragiques qui s'enchaînent au Moyen-Orient depuis le 7 octobre.
Qu’est ce qui vous a poussé à quitter la bande de Gaza, en 2018 ?
Je suis arrivée en France il y a cinq ans. J’ai fui parce que j’écrivais des articles contre certains groupes islamistes à Gaza. Je suis musulman, et les islamistes, eux ont des projets politiques contre lesquels je m’opposais en prenant position publiquement. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai dû quitter Gaza.
Grandir à Gaza, quand on est gamin, à entendre le bruit incessant des opérations militaires, les images horribles que l’on voit souvent, ça vous marque. J’ai bien sûr aussi des beaux souvenirs là-bas, mais Gaza est un endroit tristement célèbre, avec une succession d’événements tragiques…. Ma famille habite toujours à Gaza. C’est extrêmement difficile de grandir loin d’eux. Nous Palestiniens, sommes habitués malheureusement, c’est triste de dire ça.
Depuis l’attaque sanglante du Hamas sur le sol israélien le 7 octobre 2023, le gouvernement israélien bombarde massivement la bande de Gaza. Parvenez-vous à avoir des nouvelles de votre famille ?
La situation actuelle est terrible ces temps-ci, je me coupe complètement des informations, c’est très lourd à porter. C’est extrêmement difficile pour moi de voir tous les jours des civils qui se font tuer, des personnes qui doivent quitter leurs maisons, ne sachant pas s’ils vont pouvoir y revenir, où encore essayer de trouver refuge dans des écoles. Les quelques échanges que je peux avoir avec ma famille sur place tournent autour des mêmes questions. Est ce qu’ils ont pu trouver de l’eau, de la nourriture ? Sont-ils loin des bombardements ? A Gaza, les gens sont désespérés. Tous les deux ans, il y a une guerre. Il faut trouver une solution politique. Je suis contre l’attaque de civils, des deux côtés. J’ai toujours été pour une solution politique mais le gouvernement israélien est radical depuis assez longtemps et ne laisse pas s’établir cette solution. Nous autres palestiniens, appelons constamment à la mise en place d’une solution à deux États. On n’arrive pas à dialoguer avec ce gouvernement. On va vers une destination inconnue, c’est pour cela que moi et d’autres avons fui. On s’attendait à un événement comme celui des attaques du 7 octobre. Sans solution politique, rien ne changera dans cette région. Il faut trouver une médiation. Je ne souhaite pas que le Hamas reste au pouvoir. Je le répète, je suis pour cette solution à deux États, mais est-ce que c’est possible avec toutes ces colonies en Cisjordanie ? C’est impossible. Et il y a des radicaux des deux côtés, que ce soit le Hamas où l’extrême droite israélienne qui veut nous voir disparaître. Il faudrait peut-être que la gauche israélienne soit au pouvoir ou bien que la communauté internationale impose cette solution. Moi j’ai décidé d’oublier tout ça, et ce n’est pas facile. Il faut remplacer ces expériences difficiles avec d’autres, comme les rencontres, le sport, qui vont apporter une stabilité.
Pour quelles raisons avez-vous choisi de vous réfugier en France ?
Je ne connaissais pas la culture française, mais je connaissais quelqu’un en France qui m’a convaincu de venir. Je dois dire que je suis bien tombé sur un beau pays où il y avait une stabilité. Et je me suis fait des amis. En arrivant, je ne savais dire que quatre mots. Au début, j’étais hébergé par des familles d’accueil, qui m’ont appris la culture, la langue.
En attendant l’instruction de votre demande d’asile, vous n’aviez pas le droit de travailler. Vous vous tournez alors vers l’engagement associatif. Qu’est ce que cela vous a apporté ?
Aujourd’hui, je suis engagé dans plusieurs associations en France, comme Singa et « J’accueille ». Je fais partie de leur Conseil d’Administration. Récemment, j’ai créé une association qui s’appelle Rugby Diversité pour aider, orienter les personnes qui viennent d’arriver en France et leur permettre de s’intégrer. Nous accompagnons cinquante personnes, et notamment dans l’intégration professionnelle. Nous recevons des subventions de Toulouse métropole et nous sommes maintenant assez visibles dans le milieu associatif à Toulouse. J’ai découvert le rugby en travaillant pour un club de rugby associatif. J’ai aimé cette idée du collectif dans ce sport. Et puis, c’est représentatif de la culture locale, de la région Occitanie. Toulouse est la capitale de l’ovalie ! Cela fait partie de l’identité culturelle de la région où je vis maintenant, ça a été une motivation aussi. J’ai aimé ce sport, les copains au rugby. Dernièrement, j’ai été bénévole à la Coupe du monde. J’ai donné de mon temps et de mes compétences pour l’accueil du rugby mondial en France avec ses touristes et ses supporters. C’était très riche en rencontres et en missions.
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