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  • C'est leur histoire

    De l’Afghanistan à Stalingrad : pérégrinations autour d’une coupe de cheveux

    Dans une rue qui ne ressemble à aucune autre, nichée dans le quartier de Stalingrad à Paris, des dizaines de commerces se côtoient : restaurants, fast-food, salons de coiffure, magasins en tout genre. Mille et une histoires se rencontrent dans ces lieux. Les promeneurs sont des habitués, ils connaissent chaque recoin, chaque chat errant. Ils […]

    Dans une rue qui ne ressemble à aucune autre, nichée dans le quartier de Stalingrad à Paris, des dizaines de commerces se côtoient : restaurants, fast-food, salons de coiffure, magasins en tout genre. Mille et une histoires se rencontrent dans ces lieux. Les promeneurs sont des habitués, ils connaissent chaque recoin, chaque chat errant. Ils viennent ici depuis des années, ils se saluent, discutent. En dehors de cette rue, ils sont des inconnus.

    Texte : Melis Omalar, Noémie Tissot ; photos : Sameer Al-Doumy


    C’est là que nous avons rencontré Zabi*, un réfugié afghan, arrivé en France il y a une dizaine d’années. Il sortait d’un salon de coiffure, avec une toute nouvelle coupe. Nous l’avons recroisé plus tard, à la terrasse d’un café, accompagné de sa femme et deux de leurs cinq enfants. Toujours aussi émerveillé par cette rue si particulière, où ils ne sont pas regardés comme des étrangers.

    C’est grâce à un ami que Zabi a découvert cette rue refuge et son salon de coiffure préféré. « C’était magnifique pour moi », nous décrit-il..

    « J’y vais très souvent désormais. Ici, on dit au coiffeur ce que l’on veut, il le fait. Ailleurs, c’est différent, on est jamais satisfait à la fin de la coupe. Ce n’est pas un problème de langue ou de compréhension, c’est le style, leur manière de coiffer. Je pense que cet endroit est unique. »

    Alors, même si Zabi vit dans l’Oise, il n’hésite pas à faire plusieurs dizaines de kilomètres pour le plaisir de se promener dans cette rue et de confier sa tête aux ciseaux et la dextérité des coiffeurs de Stalingrad. «C’est loin, mais ça va. Je mets entre quarante-cinq et cinquante minutes pour y aller. Ça ne me dérange pas, les coiffeurs connaissent toutes les coupes comme chez nous !», renchérit Zabi.  

    Menaces et exil

    Autour d’un café, il poursuit, heureux de nous partager son histoire. Une histoire singulière, comme celle des centaines de passants qui arpentent cette rue bruyante. Avant Stalingrad et ses coiffeurs, Zabi était « commissaire adjoint en Afghanistan. Je m’occupais notamment des affaires de kidnappings dans la région. Je suivais de gros dossiers ».

    Mais un jour, un homme qu’il avait arrêté et qui purgeait une peine de prison à perpétuité, est libéré. « Il avait peut-être payé un gardien… Je ne sais pas… Quelques mois plus tard, il entre en contact avec moi, il me menace. J’ai demandé à mes supérieurs une protection. En vain. Il est venu chez moi, il a tué ma mère. Après ça, j’ai quitté l’Afghanistan, c’était en 2008. »

    Menacé en Afghanistan, Zabi quitte le pays en 2008.

    A l’époque, le pays est une zone de guerre. Après avoir renversé le régime des talibans, les États-Unis et leurs alliés s’enlisent dans le conflit.  Des attaques terroristes font des dizaines et des dizaines de morts.

    Le déclassement social en France

    Inde, Népal, Thaïlande, Malaisie, Singapour, Laos… pendant une année, Zabi voyage « grâce à un ami russe qui me devait un service et qui m’a obtenu un passeport », précise-t-il. L’ex-commissaire adjoint arrive dans l’Hexagone en juillet 2009. Les six premiers mois sont éprouvants.

    «Tout changeait. En Afghanistan, j’avais un chauffeur, trois voitures, une maison très sécurisée, des soldats sous mon commandement. Je donnais les ordres. Puis tu quittes tout, tu viens ici et tu travailles pour quelqu’un qui te dit “tu fais ci, tu fais ça”. C’est compliqué ».

    Comme la plupart des réfugiés contraints de fuir leur pays, Zabi subit de plein fouet un déclassement social. Mais, le plus dur pour lui, «c’était de passer le permis de conduire, avec le code ! C’était long. Pour le reste, je n’ai pas vraiment eu de problème : les papiers, le travail ».

    En France, Zabi se découvre une nouvelle passion : la cuisine. Et, après plusieurs années de solitude, sa famille, restée en Afghanistan le rejoint enfin. En septembre 2013. Zabi se lance dans la restauration à Roissy. Dans l’avenir, il se voit bien ouvrir son restaurant. Être son propre patron. Il poursuit son petit bout de chemin et dans la rue bruyante, la vie continue. Mille et une histoires restent à raconter. 

    * le prénom a été modifié.

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