«Persées » d’Alexandra Lacroix : du théâtre documentaire qui interroge nos représentations
La dernière création scénique d’Alexandra Lacroix confronte les récits de personnes exilées venues d’Afghanistan et d’Iran avec la poésie des Nuits persanes d’Armand Renaud et les Mélodies persanes de Camille Saint-Saëns. Un spectacle polyphonique qui nous expose avec subtilité à nos biais de regard et de pensée, sans tomber dans la dénonciation caricaturale.
Une chronique de Laure Woestelandt/ Photographies : Pascal Gely DR
Perse du XIXème siècle et d’aujourd’hui se côtoient sur scène. La première incarnée par le ténor François Rougier, la deuxième par la comédienne Mina Kavani qui investit les différents récits de personnes exilées d’Iran et Afghanistan. Poésies aux rêveries orientalistes et témoignages bruts s’unissent au son de la guitare de Pierre Pradier.
Allers-retours entre rêverie exotique et réalité, crue et cruelle
Et nous, spectateurs, sommes embarqués pour ce voyage, ces allers-retours entre rêverie exotique et réalité, crue et cruelle.
Le dispositif scénique est minimal. Des chaises alignées, comme dans une grande salle d’attente ou d’embarquement, où résonnent et se répondent récits de migrations et mélodies de Saint-Saëns. Ils ou elles sont journalistes ou mannequins. Ils fuient leur pays où règne la restriction de libertés, et risquent la prison pour le simple fait d’exercer leur métier, ou de ne pas porter le voile.
La beauté fugitive éblouit le désespoir
Ils s’envolent vers l’Europe, vers Paris. L’atterrissage est brutal. Commence alors leur long parcours de réfugiés. L’errance. La dignité qui s’abîme le long des nuits sur l’asphalte parisien. L’humanité qui s’écorche face aux interrogatoires suspicieux « je ne suis pas un criminel … j’ai juste fui un pays liberticide ».
La France, pays des droits de l’Homme ne serait-elle qu’une chimère ? Et la honte envahit l’esprit de ceux qui se sentent à côté de la société, sans pouvoir partager leurs langues, leurs savoirs. Pourtant ils résistent, à la lueur d’une aurore sur les faubourgs, à la faveur d’une échappée dans les jardins de la capitale.
La beauté fugitive éblouit le désespoir.
Des représentations en décalage avec le réel
Témoins de ces trajectoires bousculées, nous sommes confrontés à notre propre regard occidental. Déformé.
Fantasmes d’hier (luxure et voluptés) et d’aujourd’hui (dangerosité, criminalité) se croisent et se côtoient pour comprendre ô combien nos représentations semblent en décalage avec le réel de ces fragments de vie en exil.
Mélange de théâtre documentaire et de fiction poétique, Persées nous expose avec subtilité à nos biais de regard et de pensée (sans tomber dans la dénonciation caricaturale).
Le spectacle « Persées » se jouera les 21 et 22 octobre 2021 à l’espace Lino Ventura à Garges-lès-Gonesse ; le 9 décembre dans un lycée d’Eaubonne ; le 15 décembre à Bordeaux Caudéran et le 19 décembre à l’Opéra de Limoges.
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