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  • C'est leur histoire

    « Mes adieux au journalisme à Kaboul »

    Halima Karimi a vu sa vie basculer le 15 août 2021, lorsque les talibans ont envahi Kaboul. Elle fait alors ses adieux à son métier de journaliste et à son pays pour se réfugier en France. Membre de la rédaction de Guiti News depuis fin 2023, elle se confie dans 1er épisode de notre série documentaire « La rédaction en exil. »

    La fuite du patron de presse

    Je m’appelle Halima Karimi, j’ai 25 ans je suis journaliste. Je vais vous raconter mon dernier jour de travail à Kaboul. C’était un matin comme les autres. J’étais dans mon bureau et le président de notre média est arrivé et il a dit : « Au revoir, je vais y aller. J’ai un vol pour aller à Londres. » Tout le monde était choqué. Et il dit : « Prenez soin de vous, faites attention à vous. » Après notre chef éditorial est venu et il a dit « Allez les filles, vous devez aller chez vous parce que les talibans sont en train d’arriver, ils entrent dans Kaboul. Et le gouvernement a chuté. J’étais choquée. Pourquoi est ce que cela m’arrive à moi ?

    Halima Karimi, journaliste de la rédaction de Guiti News raconte son dernier jour de travail à Kaboul.

    20 ans plus tôt, ma mère a vécu le même enfer

    Vingt ans plus tôt, ma mère m’a raconté avoir vécu ce jour où les talibans sont arrivés. Il y avait des gens partout qui voulaient partir et il y avait des gens qui étaient très stressés, énervés. Nous étions obligés de quitter la maison et d’aller dans un endroit qui est un peu mieux que chez nous et un peu sécurisé. J’ai tout de suite pensé à ce souvenir raconté par ma maman et j’ai dit non, ce n’est pas possible. Pendant 20 ans, les femmes ont fait des études, nous étions libres, nous avions un peu de droits comme celui d’aller à l’université, de faire des études, de travailler.

    Mais mes collègues ont dit : « Allez les filles, allez ! Dépêchez-vous ! » Il n’y a pas beaucoup de temps.
    J’ai marché pendant 1 h de mon travail jusqu’à la maison et sur la route, j’ai pleuré. J’ai pensé que toute ma vie est finie. Il y avait deux gens qui me disaient « Allez, allez ma fille dépêche toi, ce n’est pas c’est pas sécurisé pour toi de rester dans la rue. J’ai vu des filles, des femmes qui étaient très stressées, qui pleuraient parce que nous savions qu’avec les talibans, il ne serait plus possible de sortir de la maison. J’étais en fille qui était toute la journée dehors, au travail en train de discuter avec des gens pour faire des interviews et préparer mes reportages. Vraiment, c’était un jour horrible. C’était le dernier jour de ma vie professionnelle.

    J’étais présentatrice à la radio

    J’étais présentatrice à la radio. J’avais un programme le mercredi sur les violences domestiques faites aux femmes. Et mon premier but, c’était de travailler pour les femmes qui n’ont pas de voix parce qu’en
    Afghanistan, il y a beaucoup de femmes qui ne peuvent pas dire non à leur mari, à leurs parents, même en société.

    Halima Karimi présentait une émission hebdomadaire consacrée aux violences faites aux femmes Crédit : H. Karimi

    Et j’ai travaillé pour des reportages d’investigation aussi sur la corruption opérée par les talibans
    et ça c’était vraiment très dangereux pour moi. Pour les talibans, une femme qui est journaliste, une femme qui est éduquée et une femme qui est libre, c’est comme un pistolet parce que les talibans, ils savent qu’une femme qui est éduquée, elle sait dire non. Et elle sait ce qui est vrai, ce qui est faux.
    Ce qu’est la vérité et ce qu’est la liberté. Les talibans ne peuvent pas accepter que les femmes
    d’aujourd’hui en Afghanistan soient vraiment très très fortes, même plus fortes que des hommes. Et ça, c’est la plus grande vérité en Afghanistan. Aujourd’hui, on a des femmes fortes qui restent en Afghanistan et qui n’ont pas l’opportunité de quitter le pays.

    Tout quitter seule

    C’était un choix très difficile pour moi de quitter mon pays et de venir en France mais je n’avais pas le choix car j’étais journaliste et en plus, j’étais une femme activiste. J’oeuvrais pour les droits des femmes. J’avais une association qui aide des orphelins et les enfants qui travaillent dans les rues.

    J’ai demandé un visa pour la France et après, pendant cinq mois, je me suis cachée dans un petit village
    avec ma famille, pour ma sécurité et celle de mes proches. Et heureusement, après j’ai une réponse de l’ambassade qui m’a donné un visa. Je me souviens que le jour du départ vers l’Europe, ma maman n’a pas pu aller avec moi à l’aéroport. Elle ne voulait pas que je parte. Elle a dit : « Ne pars pas. » Mais j’étais obligée parce que je savais qu’un jour il arriverait de mauvaises choses à ma famille à cause de moi et je n’ai jamais voulu ça. Ma maman était très attachée à moi et moi aussi… Je suis partie et j’ai pris le vol. Quand je suis arrivée en France, c’était un cauchemar pour moi d’arriver ici tout seule, sans ma famille. J’ai demandé à l’ambassade si je pouvais aller en France avec un membre de ma famille mais ils ont dit non. Malheureusement, ils pouvaient m’aider mais pas ma famille. Pas encore. Je dois travailler pendant un an et ensuite je pourrais demander le rapprochement familial. Parce que je dois soutenir ma famille financièrement.

    Ma famille est encore en Afghanistan et c’est très difficile pour eux. Pour moi, non plus ce n’est pas facile parce qu’ici je suis en liberté. Je suis en sécurité. Je peux aller dehors, je peux faire tout ce que je veux. Mais là-bas, ils sont déprimés et ça, c’est vraiment quelque chose qui me fait mal. Je pense aux femmes afghanes qui restent toute la journée à la maison. Et si la femme a un mari, elle est comme un objet sexuel pour son mari et c’est tout. Elle élève les enfants et c’est tout. C’est le grand job et la grande responsabilité qu’a une femme afghane. Et ces femmes sont comme un oiseau dans une cage.

    L’impossible retour ?


    Si un jour, les talibans quittent l’Afghanistan et que tout se passe bien là-bas, alors je retournerai dans mon pays natal. Je voudrais travailler là-bas être avec ma famille, mes amis. Dans notre langue, le pachto, il y a une petite phrase qui dit : « La vie est une belle douleur continue. »

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