« Je ne pouvais pas rester là sans rien faire » : Quand la solidarité pour le Maroc se nourrit d’initiatives spontanées
Le bilan du séisme qui a frappé le Maroc dans la nuit du vendredi 8 au samedi 9 septembre dernier est lourd : 3 000 morts et 5 500 blessés selon les dernières estimations. ONG et particuliers se démènent pour porter secours aux victimes et appellent à des dons financiers. En France, des initiatives citoyennes très spontanées, organisées le plus souvent par des membres de la diaspora marocaine, ont vu le jour dans différentes villes. Reportage en région parisienne avec Najette, Lat_ess et Myriam.
Lat_ess et Dunya, sa fille, remercient chaleureusement la personne qui vient de déposer un sac de vêtements au Fait-Tout Boissière. C’est dans ce café associatif montreuillois (93) qu’elles ont organisé une collecte de soutien aux victimes du séisme, qui a frappé le Maroc dans la nuit du 8 au 9 septembre.
Le sac vient rejoindre la dizaine d’autres qui s’étalent sur le sol, remplis de vêtements, de chaussures, de couvertures et de duvets, mais aussi de bougies et d’allumettes. D’autres, scellés et disposés à l’écart, contiennent des pansements, du sérum physiologique et des soins de premier secours.
« La solidarité fonctionne. On est à Montreuil »
Il est 17h30 ce mercredi 13 septembre : le point de collecte a ouvert ses portes seulement une heure et demi auparavant. Lat_ess a organisé cette collecte spontanée de A à Z par ses propres moyens. Des affichettes dans les rues de Montreuil, une ou deux publications sur les réseaux sociaux, du bouche-à-oreille dans le quartier, et le tour était joué. « La solidarité fonctionne. On est à Montreuil », sourit-elle.
Ces initiatives de solidarité organisées par des particuliers – souvent des membres de la diaspora marocaine, et dans leur majorité, des femmes – fleurissent en région parisienne et dans toute la France depuis le séisme. Derrière la simplicité du dispositif se cache une logistique minutieusement ficelée. « Il ne suffit pas de collecter : il faut aussi acheminer, selon les besoins », assène Lat_ess. Pour acheminer les dons, elle a contacté une association franco-marocaine en lien avec un transporteur, qui s’occupera ensuite de les redistribuer dans les villages touchés.
« Même si c’est de l’humanitaire, il faut de la transparence »
Mais pas question de perdre la trace des colis. Pour elle, il était essentiel d’assurer la fiabilité et la transparence du transfert : « Je connais les autorités marocaines, et le problème des autorisations douanières. Il faut que cela soit structuré ». Alors, Lat_ess envoie des photographies à tous·tes les donateurs et donatrices « à toutes les étapes, pour les rassurer ».
« C’est aussi pour cette raison que l’on n’envoie pas d’argent », explique-t-elle doucement. « Même si c’est de l’humanitaire, il faut de la transparence ».
En parallèle du point de collecte, Lat_ess récolte des dons à son domicile. « Entre la famille, le travail … bon, on s’en sort ! », rit-elle. Impliquée dans de nombreuses associations locales, elle n’en est pas à sa première initiative.
Le convoi partira samedi 16 septembre, direction Marrakech en passant par Toulouse. En attendant, Lat_ess et Dunya entreposeront les dons chez elles. « Heureusement qu’on a un grand garage », remarque Dunya. Elles s’apprêtent à recevoir un colis de lampes électriques, don d’un groupe électrogène. Lat_ess se réjouit : « Cela peut éclairer tout un village. Je suis trop contente. Je sais qu’il va y avoir de la lumière quelque part… ».
Pour certaines personnes issues de la diaspora marocaine, organiser ces actions de solidarité permet de faire le lien avec le Maroc, malgré la distance. « Je ne pouvais pas rester là sans rien faire », appuie Najette. Cette habitante du 8ème arrondissement parisien était en vacances dans le sud de la France quand le séisme s’est produit.
Impossible de dormir cette nuit-là. « Je suis d’Agadir : j’ai directement appelé ma famille. Ils étaient sous le choc, mais ça allait ». Pourtant, sa « boule au ventre » ne l’a pas quittée.
Cerner les besoins au Maroc depuis la France
Alors à peine de retour à Paris, Najette contacte des associations au Maroc et décide de se consacrer à la mise en place d’une collecte. Son objectif : être au plus près des besoins des personnes sinistrées. « La nourriture ne manque pas et les vêtements, ça prend trop de place. Mais les médicaments, ça relève vraiment de l’urgence », explique-t-elle « Je connais le Maroc : il existe un manque important de médicaments, et les hôpitaux, c’est compliqué ».
Grâce à quelques posts sur les réseaux sociaux, relayés par ses amis et des restaurants marocains, les dons affluent. « Du Doliprane, ça parait rien, mais il en faut. Sinon des bandages, des antiseptiques… des premiers secours quoi ».
Najette se déplace chez les donateur·ices : la plupart sont des ami·es d’Argenteuil (Val-d’Oise), où elle a grandi. « Ce sont eux qui ont le plus donné. Il existe une forte communauté marocaine et les personnes se sentent concernées ». Comme Lat_ess, Najette n’accepte que les dons en nature, mais pas d’argent.
Certain·es se montrent très généreux, comme sa cousine, qui a acheté pour 300 euros de matériel en pharmacie. « Par contre, il faut que les personnes comprennent que ce n’est pas un vide grenier! », remarque Najette. « Les médicaments contre la toux, ça me sert à rien. Pareil, les flacons de désinfectant déjà ouverts, c’est non. Je ne prends que des choses neuves ».
Najette a fait le choix de transporter le colis elle-même. Départ le lendemain matin à 6 heures tapantes, pour un aller simple destination Marrakech avec 60 kilos en soute. Ensuite, elle portera son chargement à une association qui centralise les dons dans un hangar d’approvisionnement près des montagnes frappées par le séisme. Sa seule crainte : la douane, où Najette redoute que certains médicaments soient refusés.
« J’arrête pas »
Mais à la veille de son départ, entre les derniers dons à récupérer, la préparation de sa valise et la réservation d’un logement, l’épuisement commence à se faire sentir. « Hier, je me suis arrêtée à minuit. J’arrête pas. J’ai mal au dos », partage Najette.
Fatigue que partage Myriam, présidente d’une association qui soutient les orphelins au Maroc. Depuis samedi 9 septembre, son téléphone n’en finit plus de sonner. « C’est un vrai standard », souffle-t-elle. Cinq cabas et une valise s’entassent dans l’entrée de son appartement du 6ème arrondissement parisien. « Et encore, hier, il y avait trois fois ça! ». Nounou à temps partiel, mère de trois enfants, depuis le séisme, son travail de bénévole l’occupe du matin au soir.
Myriam récolte des dons toute la journée tout en gérant une équipe composée de 25 bénévoles en France et au Maroc. « Chaque bénévole récolte de son côté, elles font le tour après leur travail », détaille-t-elle. « Et samedi, c’est rendez-vous au Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne) pour déposer le colis à un transporteur, qui part ensuite pour Marrakech ».
Myriam s’est coordonnée avec d’autres associations pour faire partir un convoi tous les trois jours. Sur place, le transporteur fera le tour des villes où se trouvent les bénévoles de son association, qui s’occuperont ensuite de les redistribuer. Ils lui envoient des photographies des colis une fois réceptionnés. Cette organisation sans intermédiaire lui inspire confiance. « C’est carré », affirme la dynamique bénévole.
Penser à la suite
Au Maroc, les dons affluent depuis les premiers jours de la catastrophe. Rachel Notteau, journaliste envoyée sur les lieux du séisme pour le magazine Le Pélerin, témoigne : « Sur place, les bénévoles pensent déjà à la suite : l’hiver va arriver, il faudra des vêtements chauds, mais aussi des dons de la part de groupes électrogènes pour se chauffer ».
Rachel a rencontré un bénévole franco-marocain qui distribue et organise l’aide dans six douars (un douar est une unité territoriale qui désigne un groupement d’habitation au Maroc-NDLR) près d’Amizmiz, à 55 kilomètres au sud-ouest de Marrakech. Il essaye de centraliser les dons pour pouvoir les redistribuer dans les villages, en fonction des besoins.
Sur place, comme pressenti par Najette, le manque de médicaments se fait sentir pour les personnes sous traitement, car beaucoup de pharmacies ont fermé et les médecins sont mobilisés pour soigner les blessés du séisme.
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