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    En Occident, le traitement des réfugiés s’illustre toujours par du classisme et du racisme

    Quand en claquant des doigts, l’on parvient à accueillir des centaines de milliers de personnes tout en en laissant une myriade d’autres mourir dans la rue et en mer, cela relève d’une hypocrisie intolérable. Journaliste, immigré non-européen, je veux partager ma colère.

    « Nous sommes devenus insensibles au spectacle des mauvais traitements infligés aux réfugiés et aux migrants», interpelle John Washington, auteur de « The Dispossessed : a story of asylum at the us-mexican border and beyond » (« Les dépossédés : une histoire d’asile à la frontière américano-mexicaine et au-delà ») (Verso Books-2020).

    Il est en effet devenu quotidien, banal, normal d’entendre aux informations que des dizaines, des centaines de migrants ont perdu la vie en essayant de traverser une frontière. Il est devenu normal, voire légitime, d’expulser des individus qui ont passé des mois, si ce n’est parfois des années, à tenter de traverser des déserts, des mers et des jungles.

    Les médias européens mainstream et l’opinion publique ont besoin de la perte de centaines de vies de migrants pour en parler. Pour prêter attention à la mort, à la souffrance et à la déshumanisation des personnes. Des nations riches, qui défendent avec acharnement les droits de l’Homme, qui sont tellement « pro-vie » qu’elles ont adopté des lois pour contrôler le corps des femmes (pro-life entendant signifier l’opposition à l’avortement). 

    « S’ils étaient blonds et européens »

    L’ONG The Missing Migration Project (Projet pour les migrants disparus), qui enquête sur le décès des exilés, a estimé que plus de 49 000 personnes avaient perdu la vie en essayant de traverser des frontières depuis 2014. La majorité d’entre elles a péri en mer Méditerranée, en faisant l’une des frontières les plus meurtrières au monde. Et, de loin.

    « Si quelqu’un est responsable de ce qu’il se passe à la frontière, ce sont les mafias qui font du trafic d’êtres humains ». Une déclaration si commune qu’elle pourrait être attribuée à n’importe quel dirigeant occidental. 

    C’était là la réaction littérale de Pedro Sanchez, le premier ministre espagnol, quant à la tragédie qui a coûté la vie à plus de 23 personnes le 24 juin dernier, tandis qu’elles tentaient de passer l’enclave espagnole de Melilla. L’on retrouve cet argumentaire chez Boris Johnson, Premier ministre britannique démissionnaire, ou chez Gérald Darmanin, ministre français de l’Intérieur, qui a tenu pour responsables les « passeurs » dans le décès des 27 individus, qui voulaient se rendre en Angleterre en novembre 2021.

     « S’ils étaient blonds et européens, l’on tiendrait des réunions d’urgence au plus haut niveau, l’on dédierait des émissions télévisées à l’histoire de leur vie et à leur famille », rappelle ainsi Pablo Echenique, porte-parole de Podemos, le partenaire junior de la coalition gouvernementale espagnole avec les socialistes, sur Twitter.

    Si les migrants, les réfugiés, les déracinés ne sont ni blancs ni riches ni chrétiens, alors leur vie est insignifiante.  

    Entrer d’une manière légale : un motif récurrent de la narration 

    Les gouvernements et les médias occidentaux ne cessent d’affirmer que leurs frontières sont grandes ouvertes aux migrants et aux réfugiés qui entrent « par la bonne porte ». Un concept popularisé notamment sur la chaîne de propagande d’extrême-droite américaine Fox News. Empoisonnant nos temps de cerveaux disponibles, on nous répète à l’envi qu’il existe des moyens légaux d’entrer sur le territoire, mais que ce sont les migrants qui choisissent d’entrer illégalement. 

    Au Royaume-Uni, la ministre de l’Intérieur, Priti Patel, a déjà procédé à des réformes du système britannique de visa et d’asile, rendant plus difficile l’entrée des personnes sur le sol. Avec la réforme de Priti Patel,  les demandeurs d’asile arrivant “illégalement” verront leurs droits diminuer par rapport aux autres :  regroupement familial bafoué, risque de renvoi même après l’obtention du statut de réfugié…

    Pour demander un visa, seules les compétences et expériences sont mises en avant. Le demandeur est réduit à son niveau d’anglais et aux offres d’emploi qu’il reçoit, lui permettant de gagner des points s’il espère un jour séjourner légalement dans le pays. Ainsi, il remporte 20 points s’il gagne plus de 25 600 livres sterling par an (soit environ 30 200 euros), mais zéro point s’il ne gagne que le Smic. 

    Vous avez dit double-standard ? L’exemple ukrainien

    Le Royaume-Uni n’est pas le seul à tenter de rendre impossible aux migrants le franchissement légal de sa frontière, c’est aussi le cas d’autres pays européens comme le Danemark. Le gouvernement socialiste de Mette Frederiksen s’est fixé comme objectif de n’avoiraucun demandeur d’asile. Il a ainsi refusé de renouveler les permis de séjour des réfugiés syriens, tout en accueillant 30 000 réfugiés ukrainiens. 

    D’autres pays comme la Pologne et la Lituanie ont laissé réfugiés et migrants africains et asiatiques mourir de froid en hiver avant la guerre en Ukraine. Aujourd’hui, ils ouvrent les bras à leurs voisins réfugiés ukrainiens. D’autres nations méditerranéennes, comme l’Espagne, la Grèce, la France et l’Italie, ont regardé pendant des années leurs frontières se transformer en morgue pour des milliers de femmes, d’hommes et d’enfants, sans jamais bouger le petit doigt pour créer un chemin légal et sûr. 

    Le Royaume-Uni et le Danemark ont conclu un accord pour envoyer au Rwanda tous les migrants et demandeurs d’asile « entrés illégalement » dans leurs pays. Le premier vol britannique a été annulé par la Cour européenne des droits de l’Homme. « C’est une victoire pour la compassion et la justice, mais ce n’est pas la fin du chemin », posait Sonya Sceats, directrice générale de Freedom from Torture (Liberer de la torture), l’un des plus grands centres au monde pour aider et réhabiliter les personnes qui ont souffert et souffrent de la torture. 

    Du privilège d’aller où l’on veut

    « Reprendre le contrôle de nos frontières », tel est le leitmotiv, le ticket gagnant de nombreux politiciens pour leur réélection. Nous vivons une époque caractérisée par une hystérie anti-immigration. Non seulement, il n’y a plus de place pour l’humain, mais aussi pour le rationnel.

    Impossible donc de se rendre compte de ses propres privilèges. « Il y a une bonne façon d’entrer aux États-Unis et en Europe et c’est d’avoir beaucoup d’argent. Si vous avez une entreprise florissante, si vous avez fait des études supérieures ou si vous avez reçu une offre d’emploi, alors vous pouvez probablement entrer. Pour ceux qui n’ont pas d’argent et dont les études supérieures sont hors de portée, il n’y a absolument aucune voie correcte », insiste ainsi John Washington. 

    L’écrivain américain appuie sur la force du passeport, qui nous rend aveugle à bien des choses. « J’ai un passeport américain, je peux aller où je veux. Nous acceptons simplement le fait que nous avons ce privilège incroyable ; grâce auquel nous pouvons aller où nous voulons et les infrastructures frontalières militarisées incroyablement sophistiquées nous paraissent bien banales ».

    Illustrations : Oriane Sebillote pour Paris d’exil.

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