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    Boubou Diakite, élève « exemplaire » sous OQTF

    Jeudi 23 mai, Boubou Diakite était absent à son épreuve de baccalauréat blanc au lycée Eugène Hénaff de Bagnolet. Cet élève malien de 21 ans a été embarqué aux aurores par la police lors de l’évacuation du squat dans lequel il dormait avec plusieurs familles, à Montreuil. A sa sortie du commissariat, il s’est vu remettre un avis de reconduite à la frontière, sans délai.

    Boubou s’apprêtait à partir au lycée lorsqu’il a entendu les portes « exploser » au sein du lieu alternatif dans lequel il logeait depuis juillet 2023. « Les policiers m’ont rapidement mis les menottes comme un criminel. Dans le fourgon, j’ai juste eu le temps d’alerter un ami par sms, en lui disant qu’ils m’amenaient au commissariat ». A sa sortie, c’est la douche froide. L’OQTF qu’il reçoit ne lui laisse que 48 heures pour formuler un recours. « Je ne dors plus, je ne parviens plus à manger » soupire Boubou qui ignore s’il pourra passer son baccalauréat en juin. 

    Nous le rencontrons près de la maison de quartier de Montreuil. Il a rendez-vous avec l’un des bénévoles du collectif En Gare qui gérait le lieu alternatif évacué à Montreuil. Certains effets personnels des habitants ont pu être récupérés in extremis dans un utilitaire. Boubou espère y trouver ses affaires scolaires afin de retourner en classe le lendemain. Au bout de quelques minutes de recherche, il met la main sur son sac. Sous un exemplaire des Misérables de Victor Hugo et plusieurs carnets de correspondance, il trouve ses cours ainsi que la dizaine de trieurs plastifiés qui renferment ses 4 années de scolarité. « Je suis scolarisé en France depuis 2019. J’ai commencé par une année en section UP2A, (NDLR : unité pédagogique pour les élèves allophones arrivants). Puis l’année suivante, j’ai fait une seconde en CAP en installation thermique. J’ai obtenu mon diplôme de CAP et j’ai attaqué le bac pro en parallèle. Je suis actuellement en terminale ICCER, installateur en chauffage climatisation et énergies renouvelables au lycée Eugène Hénaff.

    « Je me retrouve dehors alors que je m’apprête à passer le Bac. Je suis très triste ». 

    Boubou Diakite cherche ses livres de cours, après l’évacuation du squat de la Rue Michelet, à Montreuil. Crédit J.Montfort

    Enseignants et élus mobilisés 

    Depuis l’évacuation de la Rue Michelet, Boubou Diakite est hébergé aux Lilas chez une ancienne professeure. L’élève peut compter sur le soutien de ses enseignants mobilisés pour lui éviter l’expulsion vers le Mali. Arrivé mineur en France, il raconte avoir quitté son pays car il y était livré à lui-même avec sa soeur, suite au décès de leur père. Depuis, il mène une « scolarité exemplaire » en France, comme l’écrit Agnès Périer-Schiano, proviseure du lycée Eugène Hénaff dans une lettre de soutien datée du 27 mai 2024. Elle ajoute qu’il est « assidu, ponctuel et met tout en oeuvre pour réussir malgré une situation sociale extrêmement précaire ».

    Dans un courrier adressé au Préfet de Seine Saint Denis, l’équipe pédagogique du lycée Hénaff rappelle que Boubou Diakite est scolarisé depuis 4 ans au sein de l’établissement et qu’il est « un élève très sérieux, agréable et compétent ». Déjà titulaire d’un CAP, le jeune homme vient de recevoir une promesse d’embauche de son ancien maitre de stage, scandalisé par l’annonce de l’OQTF.

    Boubou Diakite montre l’un de ses résultats scolaires au lycée Eugène Hénaff. Crédit: Julia Montfort

    Une pétition contestant l’OQTF atteint 560 signatures

    Une pétition signée par 560 soutiens circule également en ligne. « Laissez Boubou vivre en France et passer son baccalauréat » indique le document lancé par le réseau éducation sans frontières, RESF. Parmi les messages laissés par ses soutiens, celui de l’un de ses anciens professeurs.

    « Boubou a été l’un de mes élèves. Exemplaire dans son attitude comme dans son travail, il mérite de rester en France. Il l’a prouvé tout au long de ces années »

    Michel, ancien enseignant de Boubou Diakite

    Cette pétition -signée par Tony Di Martino, maire de Bagnolet conteste la décision de la préfecture qui prétend que Boubou Diakite « n’a pas démontré sa volonté de régulariser sa situation au regard du droit au séjour. » Chloé Tranchevent, l’une des enseignantes qui l’aide dans ses démarches administratives atteste que « c’est faux! »  Jointe par téléphone, elle fait part de sa « stupeur et de son incompréhension. « Nous avons déposé ensemble une demande de titre de séjour en 2023. Cette demande a été classée sans suite ».  Motif invoqué : le certificat de naissance présenté ne correspondait pas aux critères demandés. A savoir qu’il devait être daté de moins de 5 ans et être traduit en français. Or « le document était bien traduit en français et datait de moins de 5 ans » précise l’enseignante et « lorsque la préfecture affirme le contraire, c’est encore faux ». Guiti News a pu consulter le certificat en question et constater qu’il répondait aux critères exigés par la Préfecture de Seine Saint Denis. Contactée lundi 27 au matin, la Préfecture n’a pas encore répondu à nos sollicitations.

    Boubou Diakite et Edouard Denuel, lors de la cérémonie de parrainage républicain organisée par RESF. Crédit : J.Montfort

    L’OQTF indique également que Boubou ne justifie pas des conditions d’existences pérennes, ni même d’une insertion particulièrement forte au sein de la société française. Un « argument fallacieux » pour Edouard Denouel, son parrain républicain au sein du réseau éducation sans frontière depuis plus de 2 ans. Adjoint au Maire de Bagnolet à l’environnement et à l’éducation, l’élu brosse le portrait « du garçon le plus gentil du monde. Un bosseur qui fait des efforts titanesques pour s’intégrer ». Très ému par la situation de Boubou Diakite, il précise « qu’il l’accueillera chez lui s’il le faut, le temps de lui trouver une solution d’hébergement pérenne afin qu’il puisse passer son bac dans de bonnes conditions ».

    Pour l’heure, le lycéen a repris le chemin du lycée pour préparer son baccalauréat. Ses enseignants se sont organisés pour qu’il puisse passer l’épreuve qu’il a raté lors de son immobilisation au commissariat. Du côté des recours, une première contestation a été faite dans les 48 heures imparties. Son avocate est chargée de lancer un recours contentieux pour casser l’avis de reconduite à la frontière sans délai reçu le 23 mai.

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