La fresque migratoire XXL à voir de toute urgence
En trois longs métrages, Brady Corbet révolutionne les codes du cinéma, et c’est en parlant de migration qu’il dévoile le coeur de son talent. Alors que la course aux Oscars bat son plein, The Brutalist sort aujourd’hui en salles. Faites vous ce cadeau. Le plot, le voici: Après la Seconde Guerre mondiale, László Toth, un […]

En trois longs métrages, Brady Corbet révolutionne les codes du cinéma, et c’est en parlant de migration qu’il dévoile le coeur de son talent. Alors que la course aux Oscars bat son plein, The Brutalist sort aujourd’hui en salles. Faites vous ce cadeau.
Le plot, le voici: Après la Seconde Guerre mondiale, László Toth, un architecte juif né en Hongrie survivant d’un camp de concentration émigre aux États-Unis avec son épouse Erzsébet pour enfin connaître le « rêve américain ». Architecte émérite en Hongrie, c’est en tant que manoeuvre sur les chantiers que Laszlo gagne sa croûte.
“Classique” penserait-on. Sauf que dès le premier plan, assez long pour que l’on se demande si nous sommes dans la bonne salle, dévoilant une statue de la Liberté à 90 degrés, on saisit que Brady Corbet va nous emmener dans un voyage cahotique et magnifique à la fois.
Alliant le son à l’image, l’ambiance est assourdissante, malgré le confort du siège de la salle de cinéma, on aimerait s’extirper de là, ce bateau tangue, on y devine des odeurs nauséabondes, et pourtant, le rêve d’une vie meilleure nous fait supporter le pire: un voyage difficile, souvent dangereux, sans aucune promesse de réussite à l’arrivée et loin, très loin des siens.

La magie Brady-Brody
24 ans après son rôle d’un jeune pianiste juif durant la seconde guerre mondiale, qui lui valu l’oscar du meilleur acteur, Adrien Brody renoue avec une incarnation similaire: un artiste juif-hongrois tentant de fuir l’atrocité du régime nazi. Cette fois-ci en mouvement et non plus bloqué dans le ghetto de Varsovie, c’est un personnage complexe et flamboyant que Brady écrit, et que Brody incarne. Lui-même issu d’une famille hongroise réfugiée aux Etats-Unis dans les années 50, Brody explique que cette expérience lui permit d’établir des parallèles en son personnage et ses parents qui l’emplirent de gratitude.
Depuis sa première mondiale à la dernière Mostra de Venise 2024 qui lui valu un Lion d’argent à la réalisation, le troisième long métrage du réalisateur américain Brady Corbet n’en finit plus de séduire les votants des plus grandes accolades du septième art avec un trois Golden Globes et dix nominations aux Oscars qui auront lieu le 3 mars prochain.

Sept ans plus tard
Si réaliste qu’on croirait une biographie, l’histoire de László et Erzsébet Toth (Felicity Jones) n’est pourtant pas exactement véridique: bien qu’un couple homonyme de Hongrie ait réellement existé à cette époque, il ne s’agissait pas d’un architecte brutaliste au destin exceptionnel et de sa femme journaliste comme ce que nous livre Corbet. Ingénieuse pirouette de la part du réalisateur et de sa co-auteure Mona Fastvold. Se rapprocher de la biographie et brouiller les pistes afin de générer assez d’intérêt autour d’un migrant. Car oui, l’histoire d’un migrant n’est pas facile à vendre sur papier, et le destin de “The Brutalist” ne semblait pas né sous une bonne étoile.
Un cinéma fait main
Il aura donc fallu sept années de sueur et de combat pour que Corbet puissent nous offrir une oeuvre grandiose tant sur le plan narratif que photographique. Les personnages de Corbet et Fastvold, plus vrais que nature, donnent à voir l’un des chemins que tout réfugié connait en sa chair, avec son lot de sacrifices, de doutes, de maladie, de dangers, d’incertitude, de rencontres, bonne ou mauvaises, mais aussi et surtout d’injustice, de déclassement et d’humiliation, de la part d’étrangers et parfois pire, ses siens. Accepter l’inacceptable, László Toth l’a fait, gardant toujours en ligne de mire ce moment où à force de travail, il ferait enfin partie du clan des gens d’ici”, où il aurait sa place et les siens avec.
Seulement, ce moment arrive-t-il jamais?
Par un procédé s’apparentant à de la magie, la caméra de Brady Corbet nous fait pénétrer dans la peau d’un éxilé sur plus de six décennies durant lesquelles les effets de l’exil sur une famille se ressentent jusque dans notre épiderme. Une prouesse qui tient en 3h30 avec entracte. S’il eût fallu passer deux fois plus de temps face à cette inoubliable fresque historique de l’intime, c’eut été un privilège de spectateur à qui l’on offre ce genre d’orfèvrerie cinématographique que trop rarement.
Corbet a mis plus que son coeur à l’ouvrage que l’on vous invite à découvrir à présent en salles, il y a également mis tous les refus de l’ordre établi et l’humanité qui menace déserter nos sociétés modernes.
Il n’a jamais été si urgent d’aller au cinéma.
« The Brutalist » est actuellement en salles.

Cet article vous a intéressé ?
Abonnez-vous à Guiti News à partir de 2€/mois*