fermer menu
  • fr
  • en
  • fermer menu
    Croisons les vues, croyons les regards.
  • fr
  • en
  • À chaud

    SIRÃT: film d’action intérieure.

    Prix du jury au Festival de Cannes cette année, Sirãt sort en salles ce mercredi. Chargé à l'acide, hypnotique et mystérieux, d'une profondeur abyssale dans son propos, le quatrième long métrage du réalisateur franco-espagnol Oliver Laxe est de loin l'une des plus puissantes propositions de cinéma de ces dernières années.

    « Sirãt » d’Oliver Laxe ©Pyramide distribution

    Au départ, une histoire simple

    Le film débute sur Luis (brillamment interprété par Sergi Lopez) distribuant des portraits de Marina, sa fille disparue lors d’une rave party au Maroc où se déroule l’action. Accompagné de son fils Esteban (Bruno Nuñez), âgé d’une douzaine d’années, et de leur chien, le duo venus d’Espagne en voiture ne recule devant rien pour retrouver la jeune femme, que personne ne semble avoir vue. Alors que les autorités mettent fin à la fête et somment tous les participants de quitter le territoire, Luis et Esteban se mettent à suivre un groupe de raveurs acharnés en route pour une autre fête à la frontière sud. En cherchant Marina, qui peut-être, est allée là-bas, Luis, Esteban, ainsi que le groupe d’amis en route pour cette destination lointaine, iront aux confins de l’âme humaine. Spoiler: si le spectateur cherche une réponse claire à cette oeuvre, il devra être prêt à passer par sa propre spiritualité pour en entrevoir une, voire plusieurs, avec de la chance mais surtout un miroir dépoussiéré face à lui.

    Bande annonce, « Sirãt » d’Oliver Laxe ©Pyramide distribution

    Le choix de la marginalité

    Cette quête, pour le moins initiatique, c’est dans un univers marginal que Laxe a décidé de la mener. Premier plan, petit matin, une rave party en plein désert, des corps dégoulinants à force de danser depuis des jours et des nuits, une ambiance poisseuse à travers l’écran, une présentation en images seulement des personnages principaux, dans leur transe, leur moment, son à fond.

    L’action, prenant place dans le désert marocain, infestée de poussière, de moiteur et d’inconfort: les personnages dorment dans leurs véhicules sans climatisation, manifestement construits avant l’an 2000, ne prennent aucune douche durant toute la traversée et mangent dans des boites de conserve. Le groupe de fêtards, interprété par des acteurs non professionnels et réellement «punks» dans la vie, évolue au rythme des fréquences techno, quelque soit l’heure, en quête de transe et de sensations vibratoires, à tous les niveaux que cela implique, matériels et subtils.

    Tonin Janvier, Stéfania Gadda, jade Oukid, Joshua Liam Henderson dans « Sirãt » d’Oliver Laxe ©Pyramide distribution

    Pourquoi ce choix? Loin des contingences auxquelles est soumise la société moderno-capitaliste, l’humain se voit mieux. Or, qui serait en mesure de s’affranchir des règles qui régissent nos sociétés notamment en Europe (travail, horaires, revenus, impôts, congés, emprunts etc. …) facilitant ainsi l’accès à l’humain dans sa plus pure expression? Être punk reste avant tout un geste politique, et c’est dans cet environnement là que Laxe offre aux spectateurs la possibilité de s’interroger sur la vie, notre rapport à l’autre que l’on a tant envie de juger de prime abord. Coup de maitre du cinéaste qui le long de ce récit, donne à voir avec toute la subtilité d’un conteur de génie, ce que les uns et les autres peuvent s’apporter dans l’épreuve alors même qu’ils vivent dans des sphères diamétralement opposées. « L’autre», thème crucial s’il en est en 2025 à travers les bouleversements que connait notre civilisation à l’heure actuelle.

    Un choix politique fort à l’heure du silence

    Dans le grand théâtre Lumière de Cannes, salle principale du festival avec ses 2309 places, résonnent les versets de la sourate Al-Fatiha, pierre angulaire de la prière musulmane, sur un plan de route qui défile le long du désert, un chemin vers l’inconnu, espérant trouver quelqu’une, quelque chose peut-être. Un mot revient deux fois, le titre du film: sirãt. Au sens littéral, le «chemin» vers la droiture. Au sens propre, le nom du «pont suspendu au-dessus de l’enfer étant plus fin qu’un cheveu et plus tranchant qu’une épée». Le pont que chacun devra traverser comme un ultime obstacle vers le paradis ou l’enfer, faisant écho à l’une des dernières et plus édifiantes scènes du film, à l’heure où le spectateur sera déjà entré dans l’introspection ou sorti de la salle. Pour ma part, la grande réponse de Sirãt se trouve dans la question que je me pose depuis: «Comment vais-je vivre à présent à présent que je sais la mort possible à chaque instant? Quel sera le chemin que je décide d’emprunter à présent?». Une question d’autant plus centrale à l’heure où le monde semble traverser l’un des plus grands bouleversements de son ère civilisée, notamment en termes de conscience collective.

    Et si la puissance du geste d’Oliver Laxe ne suffisait pas à travers son cinéma, c’est tout en simplicité qu’il prononça l’un des plus importants discours d’acceptation de cette édition (et bien d’autres), en gommant les écarts crées par l’homme dont seul l’humain semble avoir le secret, rappelant aux 2309 âmes qui l’applaudirent ce soir là, que nous venions tous après tout, du même endroit, et que la vie n’était qu’une belle occasion de nous connaitre un peu mieux.

    Discours d’acceptation d’Oliver Laxe – Cannes 2025 ©festival de Cannes / France télévisions

    Sirãt est en salles à partir du 10 septembre.

    fond de couleur pour message abonnement

    Cet article vous a intéressé ?
    Abonnez-vous à Guiti News à partir de 2€/mois*

    Vous aimerez aussi :

    icone du ministere de la culture francaise, qui soutient Guiti News
    © Guiti News 2021 – tous droits réservés