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« Il faut que l’héritage social des Jeux olympiques bénéficie à tous » : « Terrains d’Avenir » veut faire rimer sport et solidarité

« Ici, ça joue ». Une fois que l’on dépasse l’entrée franchement peu hospitalière d’un parking en silo, un ascenseur attend tranquillement, un peu plus loin, que l’on s’intéresse à lui. A l’intérieur, la courte phrase indique l’étage consacré au FIVE de Paris 18. La cabine s’élève. Ding. Les portes s’ouvrent et le brouhaha familier des salles de sport, entre cris exaltés et bruits de pas martelant le sol, nous parvient aux oreilles. Les athlètes du jour s’activent pour une journée liant sport et solidarité organisée par « Terrains d’Avenir ».

Lancé en février 2022, « Terrains d’Avenir » est un projet misant sur l’intégration des jeunes personnes exilées en Ile-de-France via des activités sportives, mais aussi via un accompagnement plus vaste pour les aider à construire leur futur dans le pays d’accueil. Il est soutenu par l’Olympic Refuge Foundation et le Ministère des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques, ainsi que par d’autres institutions (la Ville de Paris, le HCR – l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés et le Comité d’Organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris2024).

Sur la pelouse du premier terrain trônent les kakemonos des six organisations et associations qui y participent (Kabubu, PLAY International, Emmaüs Solidarité, Fútbol Más France, Ovale Citoyen et Taekwondo Humanitarian Foundation).

Ensemble, elles ont un challenge à relever sur trois ans. Concevoir et organiser des entraînements physiques gratuits pour quelque 6 000 jeunes en situation d’exil, âgés de 10 à 24 ans dans le bassin francilien.

Le sport comme moyen de « respirer »

Arrivé en retard au rendez-vous, Nya Morel tente de se glisser discrètement dans l’atelier de breakdance qui dispose encore de quelques places de libre. Vêtus de chasubles jaunes et vertes, les autres apprentis danseurs tentent pendant ce temps de suivre les pas experts de leur intervenant. Entre rires et concentration. Lui qui donne des cours de français à la Maison des réfugiés a sauté sur l’occasion pour rencontrer de nouvelles personnes et « pour se dépenser ». Chose qu’il n’a pas pu faire depuis son arrivée en France, regrette-t-il.

L’idée derrière ce projet ? Permettre aux personnes exilées de « se détendre, de respirer » gratuitement pour s’échapper d’un quotidien stressant, confirme Khaled Maiza, président du club de rugby de Corbeil-Essonnes (Île-de-France) et salarié de l’association Ovale Citoyen, qui veut favoriser l’insertion des personnes discriminées ou exclues par le rugby. Durant son entraînement, le professionnel fait en sorte d’intégrer des chansons et des expressions françaises ou de changer régulièrement les règles du jeu pour que les concernés puissent « développer de nouvelles compétences ».

« Les JO sont un accélérateur des politiques qu’on mène depuis des années »

« Le sport est un catalyseur », corrobore Mams Yaffa, adjoint au maire du 18ème chargé des sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques.

Via les entraînements sportifs organisés par « Terrains d’Avenir », sa mairie offre la possibilité aux personnes en situation d’exil d’entrer dans des clubs comme les Enfants de la Goutte d’Or et ceux de Paris Sports Culture. Mais aussi de commencer une carrière de coach sportif ou de professeur d’EPS.

Des initiatives solidaires possibles grâce à différents soutiens. L’un des salariés de l’Olympic Refuge Fondation, un fonds entendant rendre le sport accessible à un million de jeunes déplacés d’ici 2024, l’affirme : « il faut que l’héritage social des JO bénéficie à tous ! ». 

Quand on l’interroge sur le nombre de bénéficiaires ou de vocations découvertes depuis le lancement du projet, Mams Yaffa se fait plus discret. Tout en certifiant : « Les JO sont un accélérateur des politiques que l’on mène depuis des années ». 

« Le premier obstacle est de mobiliser des jeunes qui sont en difficulté »

Au-delà du célèbre motto des JO « Plus vite. Plus haut. Plus fort.», l’un des desseins de cette initiative est bien de pousser, à travers la pratique sportive, à l’acquisition ou au renouvellement de compétences psychosociales chez des personnes éprouvées après un difficile déracinement.

Sorti pour fumer sur la terrasse du FIVE, Fabien Buffet fait dos à une vue panoramique dont le gris des immeubles d’Aubervilliers se fond avec celui des nuages. Il est chargé des partenariats chez Play International, une ONG qui forme les travailleurs sociaux à organiser et mener des activités sportives pour mineurs. Pour énoncer les compétences psychosociales clefs de son programme, il s’aide de ses doigts. L’index se lève : « exprimer ses besoins ». Le majeur le suit : « retrouver sa confiance en soi ». Et l’annulaire termine : « croire au principe de coopération».

Pour « Terrains d’Avenir », ses équipes ont ainsi formé les salariés des Apprentis d’Auteuil – qui accueille des jeunes avec des difficultés familiales, scolaires ou professionnelles –  et de France terre d’asile, une association spécialisée dans l’aide aux demandeurs d’asile. De quoi remarquer quelques angles morts du projet.

« Le premier obstacle est de mobiliser des jeunes qui sont en difficulté, qui ont beaucoup de trucs à gérer », insiste-t-il. Au premier plan, les femmes en situation d’exil. Au total, elles ne représentent en moyenne que 26% des participants aux activités.

Si le responsable évoque également le manque de connaissances sportives des travailleurs sociaux, il ne doute pas des retombées du projet. « Passé les JO, l’objectif sera de réussir à former des éducateurs socio-sportifs dans des clubs locaux et d’y accueillir des jeunes au parcours difficile », gage-t-il, confiant. La pause est finie. Mais la journée sportive n’en est qu’à sa moitié et « Terrains d’Avenir » qu’à ses débuts.