« Je suis contente que cela se fasse en physique ». Maryam Samaan laisse éclater sa joie. Après une édition en distanciel en 2020 pour raisons sanitaires, le festival engagé « Syrien n’est fait » revient du 10 au 12 septembre avec une programmation éclectique en proche banlieue parisienne.
« Point de justice pour les enfants syriens »
Et cette année, entre une installation et une exposition, le travail de la plasticienne Maryam Samaan est particulièrement mis à l’honneur. Sur la péniche du Petit Bain, lieu culturel amarré dans le 13e arrondissement parisien, elle proposera son exposition « Layers (strates) : Violence, rêve et icône ».
Soit trois séries de dessins imaginés sur des clichés en noir et blanc d’enfants syriens meurtris par la guerre. Des œuvres initiées en 2013, délaissées un temps, qu’elle a décidé de reprendre à l’occasion du festival.
Les clichés utilisés comme matériau sont terribles et saisissants. Ils représentent des enfants échoués sur une plage – pour faire écho à la photo devenue virale d’Aylan Kurdi -, ou des bambins sous les bombardements.
« Point de justice pour ces enfants-là. Ils n’ont pas choisi la guerre. Il ne faut pas non plus succomber à cette image de martyre, ce sont des victimes innocentes », insiste Maryam Samaan. L’une de ses trois oeuvres a, par ailleurs, été sélectionnée pour réaliser un graffiti aux Relais Solidaires de Pantin (Seine-Saint-Denis).
Artiste multidisplinaire, elle a étudié les Beaux-arts ainsi que la scénographie à Damas, en Syrie, avant d’obtenir un diplôme en études théâtrales à Paris et un en design à Rennes.
Elle réfute le côté trop technicien. « Avant tout, je suis mes sentiments. D’abord, j’ai des idées à exprimer et ensuite je trouve des techniques les plus adéquates », explique Maryam Samaan.
Des marionnettes comme art-thérapie
Son œuvre est résolument politique. Cette syro-palestinienne de 37 ans a obtenu l’asile en France, avant de se rendre au Liban durant trois ans, afin de travailler dans des camps auprès d’enfants réfugiés. Mue par un besoin de se sentir utile. « Avec eux, nous avons imaginé un théâtre de marionnettes. Les bambins pouvaient y raccrocher, inventer des histoires. Utiliser ces fantoches comme médium reste un moyen magique pour faire grandir les enfants et leurs idées, pour découvrir le monde. C’est de l’art-thérapie à portée de mains », rapporte l’artiste.
Après cette incursion libanaise, elle revient en France déterminée à continuer à travailler sur la transmission et la mémoire avec le même médium. C’est bien là l’objet de l’installation qu’elle présente aux Relais solidaires.
Avec « the other I », un titre volontairement choisi pour un jeu de mots avec le regard (« eye » en anglais). « Cette idée m’est venue à la suite d’une sensation, de celle que vivent de nombreux exilés quand ils quittent leur pays. Avec cette myriade d’images de la maison qui s’accroche à la mémoire ».
« The other I » se présente sous la forme d’une installation, d’un nuage de marionnettes flottantes, représentant l’inconnu.
Pour continuer à parler de la Syrie
Une première participation au festival « Syrien n’est fait » qui réjouit Maryam Samaan tant elle lui offre l’opportunité, au-delà de son art, de continuer à mettre la lumière sur la situation politique à Damas. « On oublie très vite ce qu’il se passe, après dix, onze ans de conflits. Ce rappel à l’actualité fait du bien », avance-t-elle dans un large sourire.
Et de poursuivre, opiniâtre : « Prétendre que la Syrie est en paix et que l’on peut désormais y retourner, c’est absurde, aveugle et injuste. Il faut donc cueillir l’opportunité de parler des thématiques de justice pour notamment en discuter avec les plus jeunes générations », conclut Maryam Samaan.
Plusieurs conférences viendront en effet ponctuées ce week-end festivalier. L’une interrogera la perception des printemps arabes à l’aune des trajectoires de la Tunisie et de la Syrie. Une autre se penchera sur la postérité du patrimoine culturel syrien en se concentrant notamment sur les initiatives de la société civile pour tenter de le préserver.
Entre les expositions et les conférences, des concerts live seront également au rendez-vous. Avec notamment le compositeur et oudiste Hareth Mhedi et le DJ set d’Aïda Salander.
Quant à Maryam Samaan, elle fourmille de projets. A Londres, entre autres, avec l’ONG Good chance theater, où elle va poursuivre son exploration marionnettiste avec la performance « la marche ». Soit une marionnette géante, Amal, représentant une fillette syrienne en exil. Le projet, initié par la compagnie Handspring Puppet Company, fera un stop à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), début octobre. Maryam Samaan sera également du voyage.