Des livres jonchés sur le sol représentant Nietzsche, Socrate ou Rousseau bouffés par des rats. Sur cette peinture à l’huile intitulée « Disaster » (désastre), Nasrin Sotoudeh, avocate des droits de l’homme, est figée, emprisonnée. Malgré une pause hiératique et un visage émacié, son demi-sourire nous interpelle. Il affiche un espoir, une certitude : bientôt la liberté triomphera.
Ce tableau est l’une des sept œuvres de la série Prisonniers politiques du peintre Hossein Hajizadeh Siboni, actuellement exposée au sein du « Dissident club », un bar dédié aux voix de la contestation et de l’exil.
Liberté chérie
« J’ai voulu montrer la souffrance de ces militants des droits de l’homme. Je veux être leur voix, tandis que la leur est muselée ». Cette série, l’artiste-peintre de 33 ans l’a conçue comme un hommage à ces figures bien sûr, mais aussi comme une incitation à l’action. Qui plus est dans le sillage du mouvement de libération qui saisit Téhéran après la mort de Mahsa Amini, jeune kurde iranienne de 22 ans.
« Quand Mahsa est décédée, ça m’a bouleversé. Meurtri. Par solidarité avec toutes les femmes iraniennes, j’ai coupé mes longs cheveux », il s’arrête, ému, avant de reprendre. « Je suis de toutes les manifestations à Paris. J’ai même accompagné une délégation au Parlement européen de Strasbourg pour faire entendre nos voix… » Sur son téléphone, Hossein fait défiler les photographies de la dernière marche parisienne, où les manifestantes battent le pavé, plantées sur un camion qui affiche les peintures de « Prisonniers politiques ».
La (re)naissance par les livres
Intitulé « Mother » (Mère), le portrait de Narges Mohammadi est l’un de ses préférés. L’activiste qui s’est particulièrement illustrée pour son combat pour la dignité des enfants tient une place particulière sur l’autel d’Hossein.
Convoquant son enfance, son visage se referme : « A 13 ans, je suis un enfant travailleur, je dors dans la rue. Comme tant d’autres à Téhéran. Les enfants qui travaillent sont victimes de violences, de viols… », il s’arrête. Son horizon prendra la forme d’un bouquin trouvé devant un immeuble de la capitale en ruine. ‘L’Émile’, de Rousseau. « Ma vie change. Je m’ouvre à la littérature. Je lis énormément, de Voltaire à Proust. L’appétence pour la France commence à me gagner. Et, je sais que je veux aller vers l’art ».
En 2016, Hossein est poussé à quitter l’Iran pour avoir critiqué le système gouvernemental de corruption. Après un long déracinement, il s’installe en France en 2018, où il suit des études d’art, les yeux toujours rivés sur Téhéran.
L’exposition « Prisonniers politiques » est exposée à Paris au Dissident Club, 58 Rue Richer, jusqu’au 14 février.