Le coup de matraque sur le crâne d’Arthur Berthier alias Benjamin Biolay marque un tournant dans sa vie. Ce critique rock vient d’être relégué aux informations générales de son journal après avoir saccagée une chambre d’hôtel. Il découvre à ses dépends, la violence qui émaille un démantèlement de campement d’exilés. Le CRS a la main lourde : traumatisme crânien. Encore groggy, le journaliste retrouve les bénévoles de l’association Solidarité Exilés car il est tombé sous le charme de Mathilde, incarnée par Camille Cottin. Elle lui propose d’héberger Daoud, un jeune afghan pour quelques jours, pas plus. Débute alors une plongée lumineuse et documentée dans le tourbillon de l’hospitalité citoyenne, portée par ce casting d’exception.
Comédie sociale documentée et authentique
Julie Navarro réalise une comédie sociale sincère et authentique dont la justesse ne doit rien au hasard. « Quelques jours, pas plus » est l’adaptation de l’ouvrage de son compagnon Pierre Salbert, « De l’influence du lancer de mini bar sur l’engagement humanitaire ». Le récit se nourrit de leur propre expérience puisque le couple a déjà accueilli un demandeur d’asile sous son toit. Comme dans le livre, Julie Navarro parvient à tisser le fil du récit comme celui de la relation entre Arthur et son invité afghan.
Pour incarner Daoud, Julie Navarro voulait un véritable exilé. Elle-même directrice de casting, elle raconte qu’il lui a fallu « un an et demi pour trouver Amrullah Safi », son acteur. Elle le rencontre in extremis un mois et demi avant le début du tournage. Il est cuisinier et n’a jamais joué la comédie. Lors de l’avant-première parisienne à laquelle nous avons assisté, Amrullah Safi semble un peu sonné par ce qui lui arrive. Les applaudissements accompagnent chacune des prises de parole de cet acteur en herbe au parcours d’exil traumatique. Il relate sa trajectoire. Le départ d’Afghanistan pour rejoindre la Suède. Sa demande d’asile, l’onde de choc du refus. Puis il reçoit une OQTF, l’avis de reconduite à la frontière tant redouté par les chercheurs de refuge. Il finira sa quête de protection en France, où il survit dans un campement, épaulé par des bénévoles. « Je me suis retrouvé dans le personnage de Daoud. J’avais perdu mon père. Ma mère est morte pendant mon parcours. Grâce aux efforts d’associations, on réussit à être entouré. On ne sent plus trop la douleur » explique Amrullah Safi.
Emouvant, subtil et tendre, le film parvient le tour de force de nous faire rire tout en révélant les affres de la crise de l’accueil en France. L’interprétation de Benjamin Biolay y est pour beaucoup. Le personnage du reporter à l’allure cool et rock n’ rock façon Hank Moody, dans de la série américaine Californication lui va comme un gant. Un peu motivé par son béguin pour Camille, il accepte d’héberger Daoud. Mais très vite, il réalise ce que cela signifie de partager son espace, ses repas, (sa collection de vinyles) avec un inconnu dont on ne parle pas la langue. Le tour de force de la réalisatrice se niche ici : parvenir à rendre cocasse cette cohabitation improbable.
« J’avais envie de raconter la rencontre entre un exilé et un homme pas forcément militant avec l’humour que l’on pouvait apporter à cette histoire » déclare la réalisatrice Julie Navarro
D’abord crispé, le journaliste s’ouvre peu à peu à son hôte jusqu’à l’accompagner et le conseiller dans ses rendez-vous d’asile. Berthier réveille littéralement son humanité. Sa fille adolescente prend elle aussi fait et cause pour le jeune déraciné. « Il y a une notion de famille recomposée, rassemblée autour de la table » explique la réalisatrice.
Une vision humaine de l’asile et des aidants
En toile de fond, Julie Navarro tenait aussi à mettre en lumière la souffrance psychologique des aidants. « Dans pas mal d’associations, il y a un collectif fort et beaucoup de fatigue. Mathilde incarne tous ces paradoxes lorsqu’elle demande si elle va quitter l’association » ajoute la réalisatrice. Le spectateur plonge littéralement dans les coulisses de l’aide aux exilés où la débrouille est la règle. Et puis comme à Paris, Mathilde et les bénévoles se heurtent aux interdictions de distribution de nourriture. Ils recueillent les griefs de voisins se plaignant des rassemblements d’exilés, font de la pédagogie.
Et puis la réalisatrice confie les difficultés rencontrées pour monter ce film. La quête de partenaires financiers, pas forcément au rendez-vous. Un tournage express, en 30 jours pour coller au budget réduit. Mais l’urgence de mettre en boite ce film joue définitivement un rôle dans son réalisme. L’impression d’instantanéité frappe particulièrement lorsqu’Arthur Berthier découvre l’effervescence dans les locaux de l’association Solidarité Exilés. Le spectateur plonge dans ce monde à travers son regard. « Se sont ses yeux qui font entrer la lumière » précise Julie Navarro. C’est bien de cela dont il s’agit dans cette fiction : montrer le caractère étincelant et revigorant de l’acte d’hospitalité et de la solidarité. En 1 heure 43, pas plus.
Sortie nationale le 3 avril.
Guiti News a souhaité être partenaire de ce film produit par BAC Films.