« C’est parfois difficile mais sans l’optimisme, on ne peut pas avancer », explique José Jaglin, éleveur en Bretagne. Derrière les vaches soigneusement brossées, les stands de dégustation pleins à craquer, les chansons paillardes entonnées par certains éleveurs, le Salon de l’Agriculture laisse aussi transparaître les inquiétudes des professionnels. Si nous avons fait le déplacement dans cette ferme temporaire – qui s’est achevé hier dimanche 3 mars -, c’est pour rencontrer les jeunes agriculteurs.
Les salariés agricoles sont moins nombreux au fil des années. En 2015, ils étaient 885 400 contre 966 300 en 2010, selon l’Agreste, le service statistiques du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. Rémunération des productions en baisse, subventions souvent insuffisantes ou encore investissement personnel chronophage, tant de causes qui ont parfois raison de la motivation de certains exploitants.
Parmi les spectateurs du concours général agricole, Justine, 20 ans, observe les bêtes en compétition. Etudiante dans la filière ovine (l’élevage de moutons, ndlr), elle confie, avec son accent du pays basque, son envie d’avoir sa propre exploitation. « J’ai grandi dans celle de mes parents. Je ne me vois pas la laisser ou la vendre à quelqu’un d’autre. » L’étudiante le concède, elle ne choisirait pas de prendre en main une exploitation si elle avait dû partir de rien. «C’est très difficile de se lancer sans être issu du milieu agricole. Faut tout acheter et ça coûte cher», rajoute-t-elle.
Un meilleur accompagnement des jeunes agriculteurs
Les nouveaux exploitants agricoles perçoivent des aides spécifiques à leur situation. Si l’Etat français les finance, l’Union européenne leur verse également une subvention, en tant que jeunes, dans le cadre de la PAC (Politique agricole commune). Ainsi, malgré les difficultés du métier, certains agriculteurs s’estiment «bien lotis» à l’image de José Jaglin, éleveur dans les Côtes d’Armor. « On a un cadre qui est envié. On est accompagné par des institutions, des structures, des services sanitaires.» Ce trentenaire est engagé auprès du syndicat Jeunes Agriculteurs. L’organisme propose aux moins de 35 ans qui souhaitent s’installer un accompagnement financier, administratif et social.
« Quand on décide de lancer son exploitation, on se pose beaucoup de questions », raconte José. « Être soutenu par les Jeunes Agriculteurs nous permet d’avancer ». C’est aussi l’opinion d’Arthur Galinat, 22 ans, maraîcher en Nouvelle-Aquitaine, à la tête d’une entreprise qui comptera bientôt 3 salariés. Être encadré par ce dispositif lui permet aujourd’hui de développer son activité. Son entreprise devrait bientôt compter 3 salariés. « 98% des bénéficiaires sont toujours en activité 10 ans après leurs débuts », se félicite le syndicat. En ce début d’année 2019, l’organisation a dressé un bilan positif de ses actions. Les installations avec accompagnement financier ont augmenté de 19% depuis 2016, en partie grâce à une revalorisation de la DJA (dotation jeunes agriculteurs).
L’écueil de la transmission
La transmission de la terre d’une génération à l’autre reste aujourd’hui l’une des problématiques principales du milieu agricole. Une ferme sur trois ne trouvera pas de repreneur. Souvent, la communication entre agriculteurs proches de la retraite et jeune entrepreneurs est insuffisante. Mais, c’est surtout pour les repreneurs que les choses sont compliquées. « Aujourd’hui, 7000 emplois agricoles sont détruits tous les ans en France, à cause des départs en retraite ou des cessations d’activité. Et au moins 15 000 personnes par an veulent devenir agriculteurs », rappelle Tanguy Martin, membre de Terre de liens, une association qui «s’intéresse à la protection des terres et aide les gens qui veulent devenir agriculteurs à trouver de la terre».
Parmi les jeunes présents sur le Salon, beaucoup ont fait le déplacement avec leur lycée agricole. Teddy, 17 ans, est apprenti éleveur dans les Hauts de France. Aujourd’hui, l’adolescent s’épanouit dans sa formation. Son chemin vers le travail agricole n’a pas été simple. « J’ai dû me rendre dans une vingtaine de fermes dans ma région pour trouver quelqu’un qui voulait bien me prendre. » Une galère qui s’explique par les difficultés financières que connaissent les éleveurs. « Certains n’arrivent déjà pas à se payer eux-mêmes alors payer quelqu’un d’autre, c’est impensable. » Conscient des problématiques du métier, Teddy reste optimiste. « Malgré les difficultés financières, la passion passera toujours au-dessus de tout », explique-t-il.
La passion mais aussi la solidarité sont les moteurs de ces jeunes agriculteurs. Tous soulignent l’importance de se rapprocher de structures collectives. « Quand on connaît tous les mêmes problématiques à nos débuts, on en parle et on peut avancer » admet Arthur, avant de retourner discuter et prendre des photos avec ses collègues venus au Salon.