Le soleil tombe sur la Seine quand Amel al Nabwany monte sur la scène du Petit bain (une salle de spectacle dans le 13e arrondissement) pieds nus, toute vêtue de noir. Une épaisse couronne de fils blancs surplombe sa tête pour tomber sur le sol. Au rythme électro de la chanson « Odyssey » de Bob Ray, elle commence à danser comme pour se libérer délicatement des fils emmêlés. Tout en s’y accrochant. Pour ne rien oublier.
À la recherche de ses racines…
« Il y a bien sûr une recherche, un message derrière ma danse », explique Amel al Nabwany, haletante, tandis qu’elle sort de scène sous les applaudissements de la foule. « Je me déplace pour chercher mes racines ». Pour celle qui a appris la danse en Syrie, moderniser les chorégraphies traditionnelles permet de tisser un lien avec son histoire.
C’est dans ce climat électrique que le festival d’art engagé « Syrien n’est fait » a inauguré sa septième édition dans le treizième arrondissement parisien. Avec une ambition inchangée : mettre en lumière le travail des artistes syriens, tout en explorant le thème de la mémoire.
… pour ressusciter la mémoire
« Car, l’art est la meilleure façon de ressusciter la mémoire », argue Jade Kahhaleh, l’une des organisatrices du festival. Pour la jeune Franco-syrienne, « une guerre de récit demeure entre le régime et les syriens. Il est primordial que ces personnes continuent de raconter leur histoire ». Et quoi de mieux que l’art pour le faire ?
Derrière elle, Rania Badr, musicienne, chanteuse et compositrice, s’apprête à monter sur la scène avec un handpan (un instrument de musique de la famille des percussions inventé au début du XXIe siècle). Tandis qu’elle commence – avec une habileté remarquable – à jouer de cet instrument duquel nous sommes si peu familiers, une sérénité – magique – embrase la scène du Petit bain. Rania Badr entend également profiter de son concert pour continuer de sensibiliser autour du pays qu’elle a quitté. Insistant : « les réfugiés syriens sont des réfugiés d’une révolution. Il ne faut pas les oublier » .
A quelques kilomètres de là, dans le troisième arrondissement, l’esprit du festival vibre dans la galerie Nouchine Pahlevan avec l’exposition « Auto-mémoire(s) ». Celle-ci met en lumière le travail documentaire de cinq artistes Mohammad Omran, Reem Yassouf, Randa Maddah, Ahmed Naji et Bissane al Charif.
Mohammad Omran, qui faisait ses études à l’étranger au moment de la révolution, estime avoir un rôle en tant qu’artiste en exil : « il ne s’agit pas de rappeler au monde ce qu’il passé et continue de se passer aujourd’hui même, mais de faire revivre la mémoire collective ». Et d’ajouter : « mes tableaux sont des fictions basées sur le réel ».
La rédaction est partenaire de l’événement.