Pour le photographe Federico Iwakawa, la médiatisation de la mal-nommée “crise des réfugié.e.s” a souvent créée des préjugés, de la peur et de la peine vis-a-vis des personnes arrivant sur les territoires européens et demandant l’asile. Comme si la vie de ces personnes n’avait plus aucun intérêt pour les médias, une fois les frontières traversées et les papiers obtenus. C’est pour contrer cela qu’est née « L’après », sa série photographique. Elle raconte la vie quotidienne de jeunes Soudanais à Toulouse, après l’obtention de leur statut. Zoom sur le premier épisode consacré à Othman.
Photos et texte : Federico Iwakawa.
Les casseroles fument et le soleil d’hiver pénètre par la porte arrière de la cuisine qu’occupe aujourd’hui l’association Saveurs d’Exil. Une dizaine de “chefs”, tous attablés à leurs tâches, préparent les assiettes composant le menu du prochain service. L’un d’entre eux est Othman, 28 ans, de taille moyenne et un énorme sourire qui répand sa bonne humeur dans toute l’équipe.
En 2019, Othman a reçu deux propositions de travail : un emploi à temps plein dans un fast-food et un service civique auprès de l’association toulousaine où il était déjà bénévole. Spontanément, il a choisi cette dernière. Saveurs d’Exil propose un service de traiteur solidaire réalisé par et pour des personnes exilé.e.s.
«Cela me rend heureux d’aider»
« Cela me rend heureux d’aider des personnes qui se trouvent dans la même situation que j’ai vécu ». Le travail d’Othman consiste à orienter, lors de permanences administratives ou de vie quotidienne, des personnes migrantes. En parallèle, il est serveur et responsable de la caisse lors des événements de l’association.
Othman est soudanais, et comme beaucoup d’africains de l’est et de la Corne de l’Afrique il a passé une grande partie de sa vie en Arabie Saoudite. Pays qu’il a dû quitter après la perte de son titre de séjour en 2012. Depuis, il s’est vu dans l’obligation de migrer plusieurs fois : dans un premier temps, il a décidé de revenir dans son pays natal, où il a subi les fortes confrontations entre le peuple soudanais et le régime du dictateur Al Bashir.
La répression brutale des forces de l’ordre l’a fait fuir vers le Tchad. Une fois dans le pays voisin, il a entamé une procédure d’immigration durant deux ans, pour finalement recevoir une réponse négative. L’Etat tchadien a annulé toutes les demandes de résidence après les attaques terroristes de 2015. Alors, il a décidé d’entreprendre sa dernière Odyssée, cette fois-ci en direction de l’Europe.
«Je ne suis pas mon passé, je suis ce que j’ai choisi de devenir»
Comme pour la plupart de ces migrations, le voyage d’Othman vers et en Europe n’a pas été facile : « Si je devais le refaire, je n’en serais pas capable », me raconte-t-il assis sur son lit, sous un drapeau français qu’il a gardé depuis la dernière coupe du monde. Après un long parcours entre l’Italie et la France, il a finalement obtenu son statut de réfugié.
Peu à peu la routine d’Othman s’est remplie d’activités : d’abord bénévole dans des associations, puis un travail. Il étudie aujourd’hui le français à l’université du Capitole vingt heures par semaine. Une bonne maîtrise de la langue lui permettra dans le futur de commencer une formation professionnelle. Comme il l’a écrit sur son cahier de cours : « Je ne suis pas mon passé, je suis ce que j’ai choisi de devenir. »