Guiti News

Nouvelle élection municipale à Istanbul : la dérive autoritaire sans fin d’Erdogan

Image d’illustration. Le Président turc Recep Tayyip Erdogan à Mexico en 2015. CC : Flickr / Presidencia de la República Mexicana

Image d’illustration. Le Président turc Recep Tayyip Erdogan à Mexico en 2015. CC : Flickr / Presidencia de la República Mexicana


Recep Tayyip Erdoğan, le président turc, est-il un dictateur ou un leader autoritaire ? Si cette question ne date pas d’hier, elle vient d’être remise sur la table par la décision du Conseil électoral supérieur du pays (YSK) ce lundi 6 mai. Les élections municipales d’Istanbul viennent d’être annulées. Sept des onze membres du Conseil ont en effet accepté les recours déposés par la coalition de l’AKP, le parti d’Erdogan, et du MHP, le parti nationaliste, donnant ainsi leur feu vert à la tenue de nouvelles élections le 23 juin prochain.

Une décision qui intervient après que le président turc s’est exprimé sur les résultats des municipales du 31 mars dernier : « Je n’avais rien dit jusqu’à aujourd’hui, mais ça suffit. Il y a eu corruption, c’est très clair. Mes citoyens me disent qu’il faut de nouveau des élections. »

Il est vrai qu’Erdogan était resté silencieux sur le sujet, préférant garder une certaine distance en endossant son rôle de président de tous les Turcs. Mais l’AKP, son parti, n’a jamais accepté la victoire d’Ekrem İmamoğlu, le candidat de l’opposition. Dès le 31 mars, le parti du président a formulé des recours auprès de l’YSK. Ce jour-là, le Conseil a officialisé leur défaite aux municipales d’Istanbul.

Des irrégularités dans les bureaux de votes

Le président, surnommé « Le Reïs » par ses soutiens, est donc sorti du silence il y a 2 jours. Son but ? Envoyer un message fort au YSK. « Il y a clairement eu des irrégularités et de la corruption. En levant tout cela, le Conseil soulagerait les consciences de nos concitoyens » Ce 6 mai, après une discussion qui a duré près de cinq heures, le Conseil a assuré que les élections avaient été entachées par des irrégularités. En cause, le statut de certains responsables des bureaux de vote. Conformément à la loi, ils auraient tous dû être des fonctionnaires d’Etat, mais cela n’a pas été le cas.

Le 23 juin, le peuple turc ira donc voter une nouvelle fois pour choisir le maire d’Istanbul. Mais, il y a quelque chose qui cloche. Le scrutin du 31 mars permettait également d’élire les conseillers municipaux. Si les responsables des bureaux de votes n’étaient pas en règle, il faudrait aussi retourner aux urnes pour le conseil municipal. Or, selon l’YSK, ce n’est pas nécessaire. Car, qui a été élu majoritairement à ces postes-là en mars dernier ? Des membres du parti de l’AKP.

En outre, les bureaux de vote étaient dirigés de la même façon que lors de la présidentielle de 2018. Bien évidemment, cette élection n’a pas été remise en cause par le Conseil supérieur électoral, puisque Recep Tayyip Erdogan a été réélu.

L’opposition n’a pas le droit de gagner

L’AKP n’a jamais accepté le résultat des municipales stambouliotes de mars dernier. Ils n’ont cessé de formuler des recours. Tout cela n’a rien de bien nouveau. Le 7 juin 2015, lorsque l’AKP a perdu la majorité de l’Assemblée nationale, Erdogan n’a pas souhaité qu’un gouvernement de coalition avec l’opposition soit mis en place.

Aujourd’hui, tout est plus simple. Cette fois à Istanbul, le candidat du président, Binali Yıldırım, a perdu contre Ekrem İmamoğlu, le candidat de la coalition de l’opposition (réunissant le CHP, le parti fondateur kémaliste de la Turquie et le parti IYI). Une défaite historique pour Erdogan, qui perdait là après 25 ans de règne Istanbul, « son amour« . C’est bien cette ville qui l’a vu naître politiquement, lorsqu’il en était devenu maire en 1994.

En reprogrammant les élections, l’YSK a jeté à la poubelle les vœux des citoyens. Ce Conseil nous montre clairement que désormais les candidats de l’opposition n’ont pas le droit de gagner. Dans la Turquie d’Erdogan, les élections sont organisées pour que son parti l’emporte. Il n’y a plus de discussion. La Turquie est devenue une dictature, où les urnes de votes ne servent plus.