Guiti News

Dis-moi avec quoi tu poses, je te dirai d’où tu viens


Abdallah Hassan (Tchad), 27 ans, dans le 15e arrondissement.

“J’ai choisi de poser avec mon sac. Une fille italienne me l’a donné à Vintimille, juste avant que je passe la frontière jusqu’en France. C’est un cadeau inoubliable pour moi. Aujourd’hui, il est un peu troué, mais je le trimballe partout, je n’ai pas envie de le changer. ”

Zaher Azzaher (Syrie), 22 ans, dans sa chambre à la Maison des journalistes, à Paris
Depuis que je suis arrivé en France, l’été dernier, je me balade tout le temps avec un carnet pour noter les idées de scénarios qui me viennent en tête. Un début de crise d’angoisse dans le métro se transforme en scène d’ouverture d’un film, que je note tout de suite. Là, récemment, par exemple, j’ai commencé à écrire le scénario d’un homme qui sortirait de prison après dix ans de guerre en Syrie et qui découvre son pays entièrement détruit, où sa monnaie ne vaut plus rien, et tous les gens qu’il connaît sont morts.

Batista Guis (Mali), 29 ans, dans un appartement dans le 1er arrondissement, à Paris

Batista, qui souhaite depuis qu’il est arrivé en France qu’on l’appelle “il”, était handballeur professionnel, au Mali. Il est arrivé en France en février 2017. Son objet à lui, ce sont ses vêtements : une tenue “de garçon” qu’il ne pouvait pas porter chez lui.  “Au Mali, les gens me disaient que je ne pouvais pas m’habiller comme un garçon, même ma famille. Pourtant, je me sens un garçon. Quand j’ai emménagé avec une fille, j’ai été tabassé par des proches. C’était pas la première fois que je me faisais tabasser. J’ai aussi été menacée, et exclue de matchs quand on a appris que j’étais en couple avec une fille. Le lendemain d’une fête organisée avec ma femme pour célébrer notre union, j’ai vu que les photos ont avaient publiées sur Facebook. C’était trop. J’ai dû partir, je n’avais pas le choix. Ca aurait été fini pour moi sinon. ” Aujourd’hui, Batista a son statut de réfugié et joue dans une équipe de handball LGBTI à Paris.

Edith, (Côte d’Ivoire), 30 ans, dans un appartement dans le 1er arrondissement, à Paris
Edith est la soeur de Batista, dont elle a été séparée très jeune : l’une et partie vivre avec son père en Côte d’Ivoire, l’autre est restée vivre au Mali avec sa mère. Elles ont toutes les deux fui leur pays d’origine et se sont retrouvées en Europe. Edith a choisi de poser avec un objet imaginaire, symbole “de tout ce qu’elle a dû laisser derrière elle en Côte d’Ivoire.“En tant que lesbienne, je ne pouvais plus vivre là bas. Au pays, les lesbiennes, on les tabasse et c’est normal. Alors, je suis fin 2013 pour l’Italie, mais je n’avais personne là-bas. Alors je suis partie pour Paris pour être avec ma soeur.”

Ali Reza Karimi (Iran), 41 ans, dans un bar de Villejuif (94)

Ali, demandeur d’asile, a tenu à poser avec une bière, chose interdite en Iran, où l’alcool est prohibé par la loi. Un élément parmi d’autres sur une longue liste de choses réprimées dans son pays, explique le réalisateur iranien, qui a décidé de quitter Téhéran en 2016. “Je suis resté en Turquie pendant un an puis arrivé à Lesbos, l’île grecque au large de la Turquie, par un bateau. Pendant deux ans, j’ai travaillé pour la police grecque sur cette île. J’ai vu des violences par des nationalistes et des extrémistes grecs. Moi même j’ai été menacé. Alors j’ai décidé de quitter la Grèce pour venir en France.”

Kubra Khademi, (Afghanistan), 29 ans, dans son studio du 18e arrondissement, à Paris.
A 4 ans, j’ai coupé les cheveux et les bras de ma première poupée. Je crois que c’était ma première performance artistique. Ado, j’ai commencé à les collectionner, à leur dessiner des sexes, à leur couper les membres. C’était très dur de trouver des poupées en Afghanistan, il y en avait très peu dans les magasins, et elles étaient très chères. Depuis que je suis arrivée en France, ma collection s’est vraiment étendue. J’en utilise une que je sacrifie pour chacune de mes performances.


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