Guiti News

Chronique d’Haïti #3 : vers une crise politico-sociale hors norme

Un article d’Anderson D. Michel / Illustration Flickr CC _ Ansel «Nou bouke» signifie « Nous sommes fatigués » en créole.


Des mobilisations des membres de l’opposition…

Ce dimanche 28 février à Port-au-Prince, la capitale, comme dans différentes villes du pays, des milliers d’Haïtiens ont battu le pavé pour protester contre le pouvoir en place. Ces manifestations ont commencé à partir du mois de janvier 2021. En cause ? Alors que le mandat constitutionnel de Jovenel Moïse était censé arriver à son terme le 7 février dernier, le président argue qu’il restera au pouvoir jusqu’en février 2022.

Des mobilisations marquées par des cas de violences policières et d’arrestation. A l’instar de l’ancien sénateur Nenel Cassy, qui a été arrêté à Miragoâne (situé à l’ouest de l’île), alors qu’il manifestait aux côtés de l’avocat André Michel, figure emblématique de l’opposition.

… et de la société civile

La marche du 14 février a particulièrement marqué les esprits, tant elle a réuni diverses corporations de la société civile : chauffeurs, journalistes, membres de l’église catholique… Tous ont fustigé un ”système dictatorial”, accusant Moïse de ne pas respecter la durée de son mandat et de violer la constitution en publiant des décrets anticonstitutionnels.

Lors de cette mobilisation, la présence de Liliane Pierre Paul a été particulièrement remarquée. A 68 ans, elle reste une figure du proue du journalisme indépendant en Haïti. Militante, elle a lutté pendant plusieurs années contre la dictature des Duvalier (d’abord celle du père de 1957 à 1971, puis celle de son fils Jean-Claude de 1971 à 1986 ndlr) et pour la liberté de la presse dans le pays.

Plusieurs reporters ont été victimes de violences policières. Parmi eux, Feguenz Canes Paul de Radio Capital, un média privé, a reçu 17 balles en caoutchouc dans le dos. Daniel Lamartinière, étudiant en journalisme de 26 ans, a,,lui, été touché en plein œil par l’un des projectiles en caoutchouc.

Tirant volontiers à hauteur d’hommes, les agents de la police nationale du CIMO (corps d’intervention et de maintien de l’ordre ndlr) ont déposé une grenade lacrymogène à l’arrière d’un pickup du média indépendant Radio télé Pacific.

Le choix de l’opposition

Pour faire barrage à ce régime volontiers autocratique, l’opposition a nommé un président de transition pour organiser les prochaines élections et assurer la continuité des affaires de l’Etat. Son choix s’est porté sur Joseph Mécene Jean-Louis, 72 ans, plus ancien juge de la cour de Cassation.

L’homme a été vu ce 8 février dans une courte vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, tandis qu’il faisait un discours. Il y expliquait avoir été choisi par l’opposition et la société civile. Pour ensuite informer qu’il communiquerait sous peu les noms des personnalités de son nouveau gouvernement.

Les dernières dispositions de Moïse

Dans le même temps, le gouvernement de Moïse essaie de tout faire pour maintenir son pouvoir qui lui permet de continuer à diriger par la terreur (via son appui aux gangs armés), les menaces et en publiant des décrets antidémocratique. A l’instar du récent ANI (agence nationale d’intelligence), soit une milice opérant en dehors du contrôle de la police nationale et de toutes autres institutions pour gérer la sécurité publique.

Citons également un dernier décret qui met à l’écart trois juges de la cour de cassation (proches de l’opposition), constituant de potentiels dirigeants intérimaires. Le Moniteur (journal officiel d’Haïti) vient en effet d’annoncer que Yvickel Dieujuste Dabresil, Wendelle Coq Thelot et Joseph Mécène Jean-Louis prenaient leur retraite…