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    [Cinéma] Philippe Faucon, le pompier pyromane

    Avec « Les Harkis», le réalisateur du multiprimé « Fatima» revient sur les non-dits d'une guerre, qui rechigne encore à dire son nom, réveillant les « incendies mémoriels » pour mieux les éteindre.

    Portrait de Philippe Faucon à Cannes © Fanny De Gouville

    «Les Harkis» a fait son entrée dans le monde du septième art au dernier festival de Cannes à la Quinzaine des Réalisateurs. Titre épuré, à l’image du film lui-même au style simple et quasi chirurgical, «Les Harkis» suit l’histoire de villageois Algériens sans ressources, qui décident de s’engager aux côtés de l’armée française au début des années 1960 tandis que la guerre semble toucher à sa fin, avec la promesse d’une indépendance toute proche.

    Voués à un avenir incertain dans leur pays s’ils y restent, leur chef lieutenant Pascal s’oppose à sa hiérarchie pour obtenir le rapatriement en France de tous les hommes de son unité.

    Une histoire complexe

    Traitres pour les uns, victimes pour les autres, le statut de Harki est presque systématiquement accompagné d’antagonismes. « Comment un Algérien peut-il se battre contre son propre pays au moment où on a le plus besoin de lui ? », s’indignent les uns. « Que choisir entre le marteau et l’enclume, démunis et menacés par le FLN (Front de libération nationale) d’un côté et appelés à une vie meilleure par l’armée française de l’autre ? », rétorquent les autres.

    Après le terme « harkis », dont la description habille les premières images du film, le mot trahison semble être le maître-mot du dixième long-métrage du réalisateur, qui entretient une relation étroite avec le Maghreb.

    « Un ensemble de choses m’ont conduit à faire ce film. Mon histoire est liée à cela : je suis né au Maroc d’une mère née en Algérie. Elle était très attachée à ce pays, car elle y a vécu jusqu’à ses 24 ans, et d’une certaine manière je suis sorti de ce ventre là. Il subsiste quelque chose de très fort dans ce lien », pose Philippe Faucon.

    Et de reprendre : « J’ai grandi en rencontrant des jeunes de mon âge, enfants d‘anciens harkis ou d’algériens engagés pour défendre l’indépendance, qui avaient subi les souffrances de cette guerre. Les mémoires étaient à vif et antagonistes. Nous nous sommes construits ainsi. Cela nous a marqué, et nous avions besoin de réponses ».

    Bande-annonce du film

    Des incendies mémoriels

    Pour écrire « Les Harkis », Faucon s’appuie sur un livre qui lui sert de point de départ, « Harkis, mes frères de combat » de Robert Luca (Écrivains GF, 1999), ex-adjudant de l’armée de l’air française. Tandis que la guerre d’Algérie a longtemps été dénommée « les événements », formule oratoire servant à mésestimer la réalité d’années de violences et d’exactions, Faucon entend proposer une forme de catharsis. Le réalisateur pose ainsi des images et des mots sur l’une des périodes les plus difficiles des deux pays, de deux peuples, longtemps ennemis, et semble-t-il, pour toujours liés.

    « Il subsiste quelque chose de douloureux à propos de ce qui a été tu, refoulé. Évidemment pour les générations qui suivent, une nécessité de vivre prend le dessus. Mais, malgré tout, ce qui n’est pas dit a toujours un besoin d’être su », analyse Philippe Faucon.

    Le réalisateur évoque aussi la difficulté de parvenir à une situation apaisée du fait de mémoires qui continuent à rester en conflit, empêchant de restituer l’histoire avec complexité dans son ensemble. C’est ce que l’historien Benjamin Stora, spécialiste de l’Algérie coloniale et de la guerre d’Algérie, nomme les « incendies mémoriels », qui se rallument dès que la guerre est évoquée.

    Stora s’était vu confier la délicate mission de rédiger un rapport en vue de favoriser « la réconciliation entre les peuples français et algérien » par le président Macron en 2020, 60 ans après l’indépendance algérienne. Un rapport aussitôt rendu pour devenir lettre morte.

    « Aujourd’hui, on a l’impression que l’on attend que les derniers s’en aillent pour enterrer cette histoire », croit savoir le réalisateur.

    « Il subsiste quelque chose de douloureux à propos de ce qui a été tu, refoulé. Évidemment pour les générations qui suivent, une nécessité de vivre prend le dessus. Mais, malgré tout, ce qui n’est pas dit a toujours un besoin d’être su », pointe Philippe Faucon. Image extraite du film © Pyramide Distribution

    Sans fards ni détours

    Faucon est un habitué du style épuré, allant droit au but dans son propos, sans jamais éluder les émotions de ses protagonistes. Scène, date, scène, date etc… Voilà la structure des « Harkis ». Cette façon quasi chirurgicale de narrer une histoire si complexe est un parti pris. « C’est une histoire si dramatique qu’il fallait retourner à des moyens de narration sains, sans chercher à faire de l’effet, de la mise en scène pour de la mise en scène ou de la belle image pour de la belle image. J’avais un besoin de simplicité sans surcharge », explique-t-il.

    Cette simplicité se retrouve également dans des dialogues pouvant paraître froids pris hors contexte.

    Lieutenant :
    – Pourquoi tu t’es engagé ?
    Harki :
    – Mektoub ! (ce qui est écrit, prédestiné en arabe – NDLR)

    « Comme c’est une parole difficile, les harkis s’imposent souvent un silence. Il existe réellement cette difficulté à dire. Ce mot-là permet de résoudre ça. De ne pas aller chercher ce qui fait mal et ce qui est compliqué à dire », conclut Philippe Faucon.

    Le personnage de Salah est campé par l’acteur algérien Mohamed Mouffok. Il nous explique qu’il a accepté de jouer le rôle d’un harki, car le scénario traite de l’humain et non de la guerre. Pour lui, « l’histoire reste l’histoire et des traîtres, il y en a dans toutes les guerres ». Et puis d’ajouter : « Je joue un personnage et non une vérité ».

    « Les Harkis » de Philippe Faucon est disponible à la VOD sur Canal Plus et Orange et dans quelques salles en France.

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