Ne pas oublier le Soudan. Le temps d’une journée, les projecteurs se sont à nouveau braqués sur la crise soudanaise, débutée il y a un an. Lundi 15 avril 2024, une conférence humanitaire internationale pour le Soudan et ses voisins s’est tenue à Paris. La France co-organisatrice avec l’Allemagne et l’Union européenne a annoncé 2 Milliards d’euros mobilisés en faveur de la sécurité alimentaire, de l’accès à l’eau, de l’assainissement et de la protection des populations. Depuis le 15 avril 2023, le Soudan est plongé dans une guerre civile qui ensanglante le pays. Ces affrontements ont fait 15 000 de morts selon l’ONG Armed Conflict location & Event Data Project (ACLED). Un chiffre largement sous estimé selon les experts. A ce jour, 8,6 millions de personnes ont été contraintes au déplacement. D’après l’ONU, près de 5 millions de personnes pourraient basculer dans une « insécurité alimentaire catastrophique », le niveau le plus élevé de l’échelle du cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC). Le Soudan « pourrait bien être la plus grande crise alimentaire jamais connue », a estimé Mme McCain.
Lors d’une allocution à l’issue de la conférence pour le Soudan, Emmanuel Macron a appelé les belligérant au respect du droit humanitaire, à la protection des civiles et indiqué que les crimes de guerre ne resteront pas impunis. La nécessité d’un cessez le feu était au coeur des échanges tout comme l’appel à la réouverture des points de passage pour l’acheminement de l’aide humanitaire. Dans ce conflit, les deux factions militaires rivales se rendent coupable des pires exactions. Viols, massacres, pillages ont lieu à huit clos dans une importante indifférence médiatique. A l’origine de cette impasse, une guerre entre deux généraux rivaux sur fond de crise sociale et économique historique.
Deux généraux en guerre et une impasse
Deux factions militaires rivales s’opposent. Elles sont dirigées par les deux hommes à l’origine du putsch d’octobre 2021. D’un côté, les Forces armées soudanaises (SAF), menées par le général Abdel Fattah al-Burhan, au pouvoir après le putsch. De l’autre, les Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohammed Hamdan Daglo, dit « Hemetti ». Les deux camps ont ces derniers mois multipliés les déplacements à l’étranger pour défendre leurs intérêts respectifs. Début janvier 2024, le vice-président et commandant des Forces de Soutien Rapide, le Général Daglo entamait une tournée diplomatique dans plusieurs pays de la sous-région. Objectif, tenter un « pré-dialogue avec son rival Abdelfattah Al Burhan », selon le service communication du mouvement. Il est passé successivement par Djibouti, l’Ouganda, l’Ethiopie, le Kenya, le Sud Soudan et par le Rwanda. Il a également rencontré le Premier Ministre Abiy Ahmed à Addis Abeba, la capitale de l’Ethiopie. Il a aussi pu assister à des pourparlers avec la société civile soudanaise. Notamment avec le parti démocratique et civil en présence de l’ancien Premier Ministre du Soudan. « Nous sommes prêts pour le dialogue pour mettre fin à la guerre si le camp adverse est sincère et cherche à dialoguer », déclarait le chef des FSR Mohamed Hamdan Daglo lors de la rencontre. Il a déclaré avoir rencontré l’envoyé spécial des Nations Unies en vue des échanges sur la situation actuelle. Deux semaines auparavant, il s’était félicité d’avoir eu un entretien téléphonique avec le secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres. Actuellement, les FRS occupent le terrain à Khartoum et au Darfour. L’armée quand à elle attaque leurs positions mais la situation s’enlise totalement.
Briser le mur du silence
Lors de la conférence des donateurs à Paris, le ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné indiqué qu’elle avait pour obtenir de soutenir les tentatives de médiation, à améliorer la coordination au sein de la communauté internationale et à apporter un soutien aux civils soudanais. S’exprimant lors d’une conférence de presse à Paris aux côtés de son homologue allemande Annalena Baerbock, il a déclaré : « Nous sommes ici aujourd’hui pour briser ce mur de silence autour de ce conflit et mobiliser toute la communauté internationale ».
Médecins sans frontières a appelé le 12 avril dernier les dirigeants présents à la conférence pour le Soudan à « intensifier immédiatement la réponse humanitaire ». L’organisation caritative a déclaré que le « manque chronique de réponse des organisations humanitaires et de l’ONU a rendu désespérée une situation déjà désastreuse au Soudan » car « les autorités soudanaises bloquent systématiquement l’acheminement de l’aide dans certaines zones, tandis que les RSF ont pillé les installations et les fournitures de santé ».
« La population soudanaise reste exposée aux bombardements, tirs d’obus et opérations terrestres dans les zones urbaines résidentielles et dans les villages, alors que le système de santé et les services de base se sont en grande partie effondrés ou ont été endommagés par les parties belligérantes. Seuls 20 à 30 % des centres de santé sont encore fonctionnels au Soudan », explique Jean Stowell, chef de mission de MSF au Soudan.
Alors que le pays est au bord de l’effondrement et de la famine, la survie de millions de soudanais est suspendue à la possibilité d’assurer un accès humanitaire sans entrave.