A son arrivée à la frontière française, une personne étrangère doit démontrer qu’elle remplit les conditions d’entrée sur le territoire. Si les forces de l’ordre estiment que ce n’est pas le cas, ou que la personne constitue un « risque migratoire », on lui notifie un refus d’entrée. Direction la zone d’attente. Quelques jours plus tard, la personne est, soit autorisée à entrer de façon provisoire, soit amenée à quitter le territoire.
Sur son site internet, le gouvernement définit ainsi la zone d’attente : « La procédure de maintien en zone d’attente est encadrée juridiquement. Tout au long de la procédure, des droits sont garantis à l’étranger et il bénéficie de voies de recours ».
De quoi faire bondir l’Anafé (association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers). Dans son nouveau rapport, elle détaille toutes les insuffisances, manquements au droit et violations de libertés exercés à l’encontre des personnes étrangères. Parmi elles : l’absence d’informations sur la situation, de recours à un interprète, un avocat, un médecin ou à des soins. Voire un refus d’enregistrer une demande d’asile.
« Un cap d’inhumanité encore franchi »
Des personnes qui, durant plusieurs jours, évoluent dans des conditions sanitaires dégradées – une situation aggravée avec la crise actuelle du Covid-19, insiste l’association-, et qui doivent faire face à une stigmatisation et des propos racistes, sexistes, transphobes de la part des forces de l’ordre, alerte l’Anafé.
Selon elle, les conditions de vie au sein des zones d’attente vont en se détériorant, et notamment dans un espace géographique en particulier, l’Outre-Mer. « Depuis 2018, huit zones d’attente y ont été créées. On a encore franchi un cap dans le degré d’inhumanité. Avec l’encagement à Mayotte, ou des personnes, qui faute de toilettes dignes, se retrouvent forcées d’uriner au sol, en Guadeloupe », explique Charlène Cuartaro Saez, qui a participé à la rédaction du rapport d’observation.
Des séquelles psychologiques à prendre en compte
Le rapport dénonce, en outre, l’enfermement des plus vulnérables, et notamment des mineurs. Arguant que « l’intérêt supérieur de l’enfant ne cesse d’être ignoré », et ce, malgré les exhortations des ONG.
A l’image de la jeune Fanta, 16 ans, qui atterrit à l’aéroport parisien d’Orly, l’an passé. L’adolescente est orpheline. Originaire de Guinée Conakry, elle a fui son pays, après que son oncle a voulu la marier de force avec un homme de 74 ans, qui a essayé de la violer. L’Anafé a rédigé un signalement. Fanta a finalement pu quitter la zone d’attente, après un enfermement de trois jours.
« La zone d’attente traumatise les personnes, qui se retrouvent criminalisées », insiste ainsi Laure Palun, directrice de l’Anafé. Et de rappeler que cette privation de liberté a une incidence avérée sur la santé psychologique des enfermés. Troubles d’anxiété ou d’alimentation, insomnie… sont monnaie courante après la zone d’attente.
Des étrangers qui disent dans le rapport, vouloir « oublier » cet enfermement, « passer à autre chose ».
Un accès refusé aux militants
C’est ainsi pour recueillir des informations précises sur les conditions de maintien des personnes en zone d’attente, que des militants associatifs organisent des « visites surprise ». L’occasion de dialoguer avec les personnes étrangères, mais aussi avec la police aux frontières, la douane ou encore le personnel médical.
Valentin garde de sa visite de la zone d’attente d’Orly en juin 2019 un souvenir vivace et amer. « Cette visite semblait déranger. Cela a été le parcours du combattant pour pouvoir entrer. On m’a d’abord refusé l’accès, ce qui est contraire au droit. J’ai subi une intimidation de la part des forces de l’ordre. En me palpant au vu et au su de tous. En faisant des réflexions sur mes vêtements ».
Selon Valentin, il s’agit là d’une stratégie servant à « déstabiliser » et à « décrédibiliser sa visite ». Pourquoi ? « Parce que la police veut faire taire la réalité des personnes enfermées. La zone d’attente, en tant qu’espace invisible, est un espace de non droit ».
Elue de la République, Elsa Faucillon a été confrontée à cette même réticence. En juillet 2019, la députée PCF des Hauts-de-Seine s’est vue refuser l’accès de la zone d’Orly. Ce qui constitue pour elle une « entrave à son travail de députée ». Elsa Faucillon regrette plus généralement une « volonté affichée de barrer la route à des militants, qui sont désormais perçus comme des opposants ».
L’Anafé fustige le « fantasme du péril migratoire », qui vient légitimer et normaliser un « système quasi-carceral ». En 2018, ce sont plus de 9 850 personnes qui ont été retenues en zone d’attente. La seule solution pour l’association réside dans la fermeture de ces zones.