Depuis 2014, plus de 20 000 âmes ont péri dans la Méditerranée en tentant de gagner l’Europe. Un drame humain qu’António Vitorino, directeur de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) juge évidemment évitable.
« Je crains que ces décès n’aient été normalisés. Les États doivent réagir. Les retards et les lacunes dans les opérations de recherche et de sauvetage menées par les États coûtent des vies humaines », a-t-il ainsi alerté en avril dernier.
ONG et associations seuls à bord
Face à ce constat, l’association Pérou (Pôle d’exploration des ressources urbaines) a lancé en 2020 un chantier naval d’envergure visant à concevoir et mettre à flot un navire de sauvetage.
Le premier – dont la construction est en attente de financement – est le « Navire Avenir » : une fois construit, il sera mis à disposition d’ONG de sauvetage. Ce catamaran de 5 100 mètres carrés a été conçu de concert par les rescapés de l’Association des usagers de premier accueil des demandeurs d’asile (PADA), les marins sauveteurs de SOS Méditerranée, les soignants de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille ou encore les membres de Pilotes Volontaires.
« Le « Navire Avenir » est pensé pour être un refuge médicalisé, un bâtiment doté de tous les équipements nécessaires à l’accueil et au soin des rescapé.es, une place publique méditerranéenne avec un lieu de vie collective où s’affirme l’hospitalité vive en de multiples langues (…) », lit-on ainsi dans le document de présentation du projet.
Une utopie imaginée par les personnes concernées
Le cahier des charges du catamaran, pensé comme une utopie, est structuré par quatre couples de verbes d’action déterminant les quatre grands axes de définition du navire : naviguer-sauver, abriter-habiter, partager-raconter, relier-arriver. Le « Navire Avenir » entend ainsi offrir à son bord les lieux et équipements nécessaires au soin d’urgence et au repos de plus de 400 personnes : hôpital produisant son propre oxygène, refuge, espace d’écoute et de soin psychologique etc.
Derrière ce projet de navire européen, se cache aussi une équipe de chercheur.es et d’étudiant.es de l’ensemble du vieux continent (de Varsovie en passant par Palerme, jusqu’à Rouen). Soit un réseau inédit qui vise à consolider les gestes et les pratiques de l’hospitalité.
Le navire se verrait bien ainsi faire reconnaître un jour auprès de l’Unesco les gestes des marin.es sauveteurs/teuses en Méditerranée au patrimoine/matrimoine culturel immatériel de l’humanité.
Un avenir désirable qui se conjugue au présent
L’équipe derrière le projet entend aussi travailler à la création d’un pavillon maritime européen, avec des juristes d’Angers et de Palerme. Ceci afin de contourner l’une des difficultés majeures rencontrées par les ONG : le refus de certains Etats européens d’accueillir dans leurs ports les bateaux humanitaires.
Dans un rapport à charge contre la politique migratoire du vieux continent, Amnesty international révèle que le vide créé par les gouvernements européens a été comblé par des associations humanitaires qui se sont spécialisées dans le sauvetage en mer. C’est le cas de SOS Méditerranée, de Jugend Retter, de Life Boat,de Proactiva Open Arms…
D’après les garde-côtes italiens, elles ont contribué à 40 % des sauvetages en Méditerranée entre 2018 et juin 2019.