Une décision « injustifiée » pour Rabat, « disproportionnée » pour Alger.
Le porte-parole du gouvernement français, Gabriel Attal a annoncé ce 28 septembre sur Europe 1, la décision de l’État de réduire de 50% le nombre de visas octroyés aux marocains et algériens et de 30% aux ressortissants tunisiens.
« Nous avons pris acte de cette décision, nous la considérons comme injustifiée », a rapidement réagi Nasser Bourita, chef de la diplomatie marocaine, au cours d’une conférence de presse. Du côté d’Alger, c’est Amar Belani, envoyé spécial chargé de la cause du Sahara Occidental et des pays du Maghreb Arabe, qui s’est prononcé sur cette nouvelle mesure : « Nous prenons acte de cette décision disproportionnée et nous la déplorons », a-t-il ainsi déclaré à l’agence de Presse algérienne, Algérie Presse Service (APS).
Après les menaces, les actes
Du côté de Paris, cette décision est motivée par le manque de laissez-passer consulaires octroyés par les trois pays aux personnes dans l’obligation de quitter le territoire français (OQTF).
Dans le cas de l’Algérie, entre janvier et juillet 2021, la justice française a en effet ordonné à 7 731 personnes de quitter le territoire. Or, seulement 22 sont reparties (0.3%), contre 385 sur la même période en 2020.
Au Maroc et en Tunisie aussi ces laissez-passer se font rare. 80 ressortissants marocains (2,4% des OQTF) et 131 tunisiens (4%) ont été renvoyés, soit deux fois moins que l’année précédente.
« Il y a eu un dialogue avec un certain nombre de pays et notamment ceux du Maghreb pour leur demander de délivrer ces laissez-passer consulaires (…) Ensuite il y a eu des menaces. Aujourd’hui, on met ces menaces à exécution », a ainsi développé Gabriel Attal.
Le nombre d’OQTF délivrées par la France a, lui, augmenté par rapport à l’année 2020. Selon les données transmises par le ministère de l’Intérieur, 7.731 Algériens ont été visés par celles-ci, soit 47 % de plus qu’à la même période l’année précédente. Quelque 3.424 Tunisiens (+43 %) et 3.301 Marocains (+25 %) sont dans une situation similaire.
Plaidoyer pour renouer le dialogue
Avec cette nouvelle mesure, le porte-parole du gouvernement français, Gabriel Attal espère « que cela pousse[ra] les pays concernés à changer de politique ».
« La décision (de la France) est souveraine. Le Maroc va l’étudier, mais les raisons qui la justifient nécessitent de la précision, car elles ne reflètent pas la réalité », insiste ainsi le ministre des Affaires étrangères marocain.
Pour les porte-paroles des deux pays, cette décision ne devrait pas avoir vocation à être permanente sans qu’il n’y ait pu avoir de négociations.
« La gestion des flux humains postule une coopération franche et ouverte et suppose une gestion commune dans un esprit de partenariat, et non pas de fait accompli qui relève de considérations unilatérales propres à la partie française », explique Amar Belani.
Et l’envoyé spécial algérien de souligner l’importance du dialogue, de cette « dimension humaine », « au cœur des spécificités de la relation algéro-française et du partenariat d’exception qui lie les deux pays ».
Un timing discutable
Pour le représentant algérien, cette baisse du nombre de visas est « malencontreuse ». Elle intervient en effet à la veille du déplacement d’une délégation algérienne à Paris. Le but ? Renforcer la coopération dans la gestion de l’immigration irrégulière.
En raison de la crise sanitaire mondiale, le nombre de visas demandés par les trois pays a de facto chuté. Ainsi, entre janvier et juillet 2021, 11.815 demandes de visas pour la France ont été déposées en Algérie contre 504.173 en 2019.
Même son de cloche au Maroc, avec 24.191 demandes de visa contre 420.000 en 2019, et en Tunisie avec 12.921 demandes contre 192.000 en 2019.
A Paris, les intentions motivant cette décision gouvernementale, sont discutées et questionnées par des personnalités de tous bords politiques. Celle-ci est prise six mois avant le début d’une présidentielle, qui place déjà la thématique de l’immigration au cœur des agendas politiques.