Tests de grossesse non-consentis, campagnes de stérilisation, avortements forcés et internement dans des camps. Dans la province du Xinjiang, l’Etat chinois semble avoir mis en place une politique de contrôle des naissances terriblement coercitive contre les Ouïghours, une ethnie turcophone principalement musulmane.
La rédaction, photo : capture d’écran YouTube/AP
Depuis plusieurs années, Pékin mène dans la province autonome du Xinjiang, au nord-est de la Chine, une politique d’assimilation forcée des minorités musulmanes, notamment des Ouïghours. Sous prétexte de lutter contre le terrorisme islamiste et le séparatisme, les autorités chinoises déportent, enferment et tuent à petit feu des millions d’hommes, de femmes et d’enfants.
Il y a quelques semaines, Vice publiait ainsi une enquête accablante : la Chine aurait mis en place un trafic d’organes « halal » de ses prisonniers ouïghours pour de richissimes clients des pays du Golfe. Des donneurs forcés, tués sur commande.
Cette politique ne s’arrête pas là, elle s’accompagnerait également d’un contrôle drastique des naissances. Une enquête menée par Associated Press (AP) et une étude publiée en début de semaine par la Jamestown Foundation montrent toutes deux que le pays réduit de force le taux de natalité des Ouïghours. Pour l’universitaire et auteur de l’étude, Adrian Zenz, il ne s’agit ni plus ni moins d’une stratégie très bien pensée : « les populations qui ne croissent pas rapidement sont plus facilement contrôlables », explique-t-il au média belge, RTBF.
Détention, avortements et stérilisations forcés des Ouïghours
Le fait d’avoir « trop d’enfants » serait donc une raison très courante pour être détenu·e par les autorité chinoises dans les « camps de rééducation ». Abdushukur Umar, père de sept enfants, raconte ainsi à AP avoir été condamné à sept ans de prison : une année pour chaque bébé né.
Les données collectées par les journalistes et les chercheurs montrent également que Pékin soumet des centaines de milliers de femmes Ouïghours a des tests de grossesse réguliers. Certaines sont également contraintes d’adopter un contraceptif intra-utérin (DIU). D’autres, sous menaces de détention, sont avortées et stérilisées de force.
Des dizaines de femmes ouïghours racontent ainsi à AP qu’elles ont été « nourries » de cachets et d’injections lors de leur internement dans des camps. Rendues malades, fatiguées, elles racontent que leurs règles ont cessé. Une fois libérées, certaines ont pu quitter la Chine. Des examens médicaux ont montré qu’elles étaient devenues stériles.
Zumret Dawut fait partie de ces femmes. En 2018, cette mère de trois enfants est emprisonnée pendant deux mois dans un camp d’internement pour avoir détenu un visa américain. Après sa libération, elle est stérilisée de force : ses trompes sont ligaturées lors d’un « examen médical gratuit et obligatoire ». « J’étais tellement en colère, je voulais un autre fils », témoigne-t-elle à AP.
« C’est un génocide lent, douloureux et progressif »
Des chiffres officiels obtenus par les chercheurs et les journalistes corroborent ces témoignages. Ainsi, à partir de 2016, les autorités chinoises auraient commencé à injecter des dizaines de millions de dollars au Xinjiang dans un programme destiné à contrôler les naissances. Alors que le recours à des contraceptifs intra-utérins et que le nombre de stérilisations baisse au niveau national, ils explosent dans la province, révèle l’agence de presse américaine. Entre 2016 et 2018, les procédures chirurgicales de stérilisation sont multipliées par sept, atteignant les 60.000.
Résultat : selon les statistiques du gouvernement chinois, le taux de natalité dans le Xinjiang a chuté de -24% en 2019 contre seulement -4,2% à l’échelle nationale. Dans certaines villes où les Ouïghours sont largement majoritaires, comme Hotan et Kachgar, ce taux a plongé de plus de 60% entre 2015 et 2018.
Pour Joanne Smith Finley, professeure à l’Université de Newcastle au Royaume-Uni, cette campagne du contrôle des naissances n’est rien d’autre qu’un génocide. « Ce n’est pas une tuerie de masse, choquante et immédiate, mais c’est un génocide lent, douloureux et progressif », explique-t-elle à France 24.