« Macron réélu, l’extrême droite progresse », écrit TSA (site d’information généraliste francophone et indépendant basé en Algérie) au lendemain du second tour de l’élection présidentielle française ce 24 avril. Tandis que l’ensemble de l’Europe était dans l’expectative du résultat, face au risque de voir la candidate d’extrême-droite Marine Le Pen entrer à l’Elysée, le continent africain partageait lui aussi cette crainte. Semblant souffler un grand « Ouf » à l’annonce de la réélection d’Emmanuel Macron.
De nombreux chefs d’État africains ont ainsi adressé leurs félicitations au président, de Alassane Ouattara (Côte d’Ivoire) à Mohamed Bazoum (Niger), en passant par Macky Sall (Sénégal), ou encore le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat.
Alors que la fin du premier mandat d’Emmanuel Macron voyait les relations franco-maghrébines se tendre à l’aune notamment de la réduction d’octroi de visas hexagonaux, le président algérien, Abdelmadjid Tebboune a félicité la « brillante » réélection de son homologue, le conviant à se rendre à Alger pour renforcer les rapports bilatéraux.
Barrage à l’extrême droite
« Les Français ont donc choisi de reconduire un président centriste libéral et très pro-européen face à une candidate radicale ayant la « priorité nationale » au cœur de son projet », analyse ainsi le site Dakar actu. Avec près de 42 % des voix, Marine Le Pen porte le plus important score de l’extrême-droite de l’histoire de la Cinquième république. Elle « récolte ainsi les fruits d’une stratégie de « dédiabolisation » patiemment menée depuis une décennie. Elle a lissé et adouci son discours, se montrant proche des préoccupations des Français », ajoute le site sénégalais.
Malgré son image policée, son « rejet par les électeurs a donné un coup de sang non seulement aux populistes, aux xénophobes et aux antisémites, mais aussi à son compagnon politique, Vladimir Poutine », pose pour sa part l’hebdomadaire économique sud-africain le Financial Mail (en anglais).
L’Observateur Paalga (quotidien privé le plus lu au Burkina Faso) observe, quant à lui, ce sursis de cinq ans ainsi : « Marine a perdu et c’est (presque) toute l’Afrique qui pousse un ouf de soulagement dans la mesure où son fonds de commerce politique se résume à la lutte contre l’immigration, notamment africaine ».
« A voir les progrès accomplis par l’extrême droite, les Français d’origine maghrébine et la population immigrée ont de quoi s’inquiéter », nuance, lui, L’économiste maghrébin (premier quotidien économique tunisien). Et d’ajouter, en guise de bilan du président français : « Durant son premier mandat, [Emmanuel Macron] n’a pas réussi à limiter les divisions politiques et les inégalités sociales », annonçant des années difficiles pour le chef de l’État.
Un appel au changement
La presse et les personnalités politiques appellent le chef de l’État français à rompre avec sa politique originelle. « Pour Emmanuel Macron, c’est le moment de revisiter les accords militaires entre la France et le Burkina-Faso », alerte Eddie Komboigo, ancien chef de l’opposition burkinabé dans Aujourd’hui au Faso (quotidien indépendant burkinabé). Analyse partagée par Senenews (site d’informations générales sénégalais): le changement de politique annoncé par le président « doit se traduire d’abord et avant tout par une reconsidération des rapports qu’entretient l’Elysée avec les présidents africains ».
Pour la presse africaine, il est nécessaire pour le locataire de l’Elysée de réformer les relations franco-africaines, et de soutenir les démocraties, tout en « s’abstenant d’interférer dans les affaires politiques des pays », insiste le média sénégalais.
Après plusieurs annonces durant le premier mandat – notamment la mort de la Françafrique en 2017 à Ouagadougou [discours prononcé le 28 novembre 2017 à l’université de Ouagadougou, devant un parterre de 800 étudiants dans lequel il a présenté les axes de la relation franco-africaine qu’il souhaitait entretenir, NDLR] et l’ouverture des archives sur l’assassinat de Thomas Sankara (1949-1987) [figure du panafricanisme, « le père de la révolution burkinabé » a été assassiné le 15 octobre 1987. L’implication française dans cette affaire n’est pas avérée, et il est aujourd’hui impossible d’en apporter la preuve, NDLR] demandée par la justice du Burkina Faso.
Le Pays (quotidien francophone, mais également groupe de presse, indépendant burkinabé) dénonce des paroles en « trompe-l’œil » tenues par Emmanuel Macron. Ce n’est plus seulement les Français qu’il doit convaincre, mais également les Africains. « Il y a urgence pour la France à repenser en profondeur ses relations avec l’Afrique, de sorte à tenir compte véritablement des intérêts des populations africaines », avance le site burkinabé.
Faire face au sentiment anti-français grandissant
Pour Le Pays, il est nécessaire de se poser la question du « défi de la montée du sentiment anti-français en Afrique en général et en Afrique francophone en particulier », notamment au Sahel, où la tension est forte avec l’ancienne puissance coloniale.
« Si la jeunesse africaine nourrit une répulsion sans limite envers l’ex-puissance coloniale, c’est justement parce que ses dirigeants ont toujours regardé de haut les fils d’Afrique, en commençant par leurs présidents », analyse Senenews. Ce dernier exhorte ainsi les politiques français à « traiter l’Afrique d’égal à égal ».