« Il est essentiel de faire entendre la parole de ces personnes fragilisées, et de témoigner de ce qu’elles vivent, de rendre compte des procédures administratives très complexes ». Jeudi 23 avril, vingt associations ont interpellé Edouard Philippe pour défendre leur liberté d’expression, menacée par la publication du nouveau marché public sur l’intervention associative en centre de rétention.
La rédaction
« La politique migratoire que vous menez a-t-elle besoin de s’entourer de silence ? », demandent 20 organisations majeures du monde associatif, dans un courrier adressé le 23 avril au Premier ministre. Leur objectif ? Alerter le gouvernement de la menace qui plane sur la liberté d’expression des associations qui interviennent en centres de rétention administratif (CRA) et obtenir des garanties quant au respect de ce droit fondamental.
Les organisations, dont Amnesty International, Emmaüs, ou encore Médecins du Monde, remettent en cause la publication, par la place Beauvau, du nouveau marché public de l’accompagnement juridique des personnes étrangères enfermées dans les CRA. Selon la Cimade, une des associations signataires, « le ministère de l’intérieur semble vouloir réduire au silence toute expression des associations ».
Des clauses de confidentialité plus strictes
Dans cette nouvelle version, des clauses de confidentialité et de discrétion plus strictes ont remplacé celles qui garantissaient la liberté d’expression et de libre témoignage des associations à propos de la situation dans les CRA. En prévoyant de lourdes sanctions, pouvant aller jusqu’à un retrait immédiat et sans motif de l’agrément d’un salarié d’une organisation.
« Il est essentiel de faire entendre la parole de ces personnes fragilisées, et de témoigner de ce qu’elles vivent, de rendre compte des procédures administratives très complexes », mentionne le courrier. En effet, la situation oppressante que subissent les hommes, femmes, familles et enfants, enfermés dans les CRA en attendant leur expulsion, est souvent méconnue du grand public. Garantir la liberté d’expression, un droit fondamental que la France s’est engagée à respecter, pour pouvoir en témoigner est nécessaire, en particulier dans ces lieux de privation de liberté.
Pour un fonctionnement démocratique
En plus de leur capacité à recueillir des statistiques, des informations et des témoignages de dysfonctionnements particuliers, les associations rappellent alors leur « fonction d’interpellation indispensable au fonctionnement de la démocratie » et au « respect des droits de tous ». Plus que jamais, leur mission est menacée.
Ce courrier intervient dans un contexte où les CRA, et les informations sur la situation qui y règne, sont particulièrement difficiles d’accès. Bien souvent, cela dépend de la bonne volonté de l’administration. Alors même que l’épidémie actuelle de Covid-19, et la crise sanitaire que connaissent les CRA, rend la situation particulièrement dramatique; le rôle d’information des association qui y travaillent s’en trouve alors renforcé.
« Interdire aujourd’hui de témoigner de ce que vivent les personnes étrangères en centre de rétention, ce serait comme interdire demain de témoigner de ce que vivent les personnes en prison, les malades dans les hôpitaux, les personnes à la rue », rappellent les associations signataires.