Trois mois après la publication de milliers de documents de la police chinoise par un consortium international de journalistes, les « Xinjiang Police Files », la situation des Ouïghours est à nouveau documentée. Cette fois sous l’égide des Nations unies.
Le 31 août, à quelques minutes de la fin de son mandat, Michelle Bachelet, haut-commissaire de l’ONU pour les droits de l’homme, a publié un rapport accablant et attendu sur les droits de l’homme dans la province du Xinjiang (lien en anglais) (Chine).
Des violences psychologiques et physiques
Le verdict est sans appel. « L’ampleur de la détention arbitraire et discriminatoire de membres des groupes ouïghours et d’autres groupes à prédominance musulmane (…) dans le contexte des restrictions et de la privation plus générale des droits fondamentaux, tant individuels que collectifs, peut constituer des crimes internationaux, en particulier des crimes contre l’humanité ».
Après avoir été informée dès la fin 2017 de « disparitions » dans la province du Xinjiang, l’organisation internationale commence à enquêter en 2018. Ce rapport en est le résultat, alimenté par des images satellites, des documents officiels, des dizaines de témoignages, et par le travail de chercheurs – confirmant ce que plusieurs ONG ont dénoncé ces dernières années.
Ses 46 pages mettent en exergue la politique de violation des droits de l’homme menée par Pékin, faisant état de «preuves crédibles» de torture physique et psychologique, de violences sexuelles dont des viols, ou encore d’injections forcées de médicaments.
Un système basé sur des « concepts vagues et larges »
Michelle Bachelet s’est, par ailleurs, rendu en Chine, et notamment dans le Xinjiang, en mai dernier afin de rendre compte des accusations portées à l’encontre de la politique de Xi Jinping. Très attendu, ce rapport condamne ainsi Pékin pour sa politique juridiquement vague : « Le système législatif anti-terroriste chinois est basé sur des concepts vagues et larges » mis en œuvre en fonction de l’appréciation et de l’interprétation de chacun.
Selon l’ONU, faute de données officielles, 10 à 20 % de la population adulte de cette ethnie ont été victimes d’une «quelconque forme de détention» entre 2017 et 2018 dans des «centres de formation». En 2020, la communauté était estimée à 11,6 millions de personnes. D’autres communautés sont également mises en danger par la politique répressive chinoise comme les Kazakhs, eux aussi musulmans.
Les Nations unies exhortent la communauté internationale à réagir contre les possibles «crimes contre l’humanité». Dans une conférence de presse, le porte-parole du ministère des affaires étrangères chinois, Wang Wenbin, a fustigé « un ramassis de désinformation et un outil politique au service de la stratégie des Etats-Unis et de l’Occident, qui vise à utiliser le Xinjiang pour entraver [le développement] de la Chine ».
Photo à la Une Matt Hrkac, Flickr CC