« Je t’aime, moi non plus ». Une expression qui caractériserait le rapport des français à la diversité, selon le Labo de la Fraternité. Ce collectif de huit organisations (dont Coexister, Fraternité Générale ou encore le Pacte civique), plaçant la solidarité au centre de ses actions, a publié le 16 mai dernier son baromètre annuel de la fraternité en France, à l’occasion de la journée internationale du vivre-ensemble dans la paix.
La France est un pays diversifié, estime une large majorité de français (91 %), considérant plutôt que c’est une « bonne chose » (à 85%).
Ainsi, pour 42% des sondés, « les immigrés amènent une richesse culturelle‘».
« C’est positif sur la vision d’une France plutôt fraternelle », analyse Eric Thuillez, délégué général du Pacte civique, un collectif aspirant à créer une société plus « juste et fraternelle ».
Présent le 18 mai lors d’un live Facebook pour analyser le nouveau baromètre, organisé par Fraternité Générale, il a toutefois tenu à nuancer ses propos. « L’édition 2021 voit monter des inquiétudes au niveau de la diversité avec une stagnation des opinions positives et une montée des opinions négatives ».
En posant des questions plus précises, le collectif inter-organisations se rend compte que « l’adhésion massive » à la diversité en France n’est, finalement, pas franchement unanime. Deux chiffres sont éloquents. D’abord, 65% des français pensent que la diversité « génère des politiques publiques favorisant les minorités » au détriment de la majorité. Ensuite, 55% se disent « inquiets de cette diversité », contre 47% en 2016.
Des effets de la crise sanitaire…
Une dynamique conjoncturelle ? C’est en tout cas la clé de lecture de certains experts qui voient dans ces résultats les répercussions de la situation sanitaire. « Le chemin vers l’autre est parfois un peu plus compliqué que ce que l’on pense. Et, dans une année où nos lieux de socialisation ont été assez restreints par la pandémie, le sentiment de méfiance a augmenté », argue Radia Bakkouch, présidente de Coexister France (Mouvement interconvictionnel de jeunesse et d’éducation populaire).
Quelque 72% des sondés pensent ainsi qu’ils ne sont « jamais trop prudents quand ils font affaire aux autres » (contre 62% en 2018).
Ce sondage de l’Ifop (Institut français d’opinion publique) réalisé du 27 au 30 avril 2021 pour le Labo de la Fraternité creuse une tendance de “repli sur soi”, comme le martèle le collectif inter-organisations. « Ce comportement individuel vis-à-vis de l’autre est encore plus négatif quand on parle du “plus grand autre” qu’est l’étranger », appuie la présidente de l’ONG.
… mêlés à la survivance de poncifs
Le rapport des français à la figure de “l’étranger” se détériore d’année en année. Avec le confinement et la fermeture des frontières, la solidarité à l’encontre de nouveaux arrivants sur le territoire a pâti. Cette année, 71% des personnes interrogées considèrent qu’il n’est pas souhaitable d’accueillir des immigrés supplémentaires (contre 64% en 2018). 64% des sondés estiment que la France ne peut pas accueillir davantage de personnes réfugiées et de migrantes, car ils « augmentent le risque terroriste ».
D’où, pour les acteurs associatifs, l’importance d’une vaste entreprise pédagogique.
Il y a « un véritable travail de déconstruction collective de l’image de l’étranger » qui doit être fait, insiste Radia Bakkouch.
Plaidoyer pour une consultation citoyenne
Et d’affiner : « Le fait que beaucoup de français n’aient pas rencontré l’autre vient souvent d’un manque d’occasion, qui plus est en 2020 où cette absence de socialisation a été particulièrement prégnante. En revanche, le manque d’envie (19%, contre 15% en 2020), mais aussi le sentiment que l’on ne peut pas se comprendre (18%, contre 13% l’année dernière) et la peur (9%, contre 7%) ont augmenté ».
Le constat dressé par l’institut de sondage tend à dessiner une crise de la fraternité en France. Les associations composant le Labo de la solidarité demandent qu’elle soit au cœur des préoccupations dans les futures élections. Et entendent ainsi mettre en place une « consultation citoyenne d’ampleur » en ce sens.